Filières semences, céréales et protéagineux : gagner en compétitivité
Les intervenants ont évoqué l’impact des Etats généraux de l’alimentation sur les filières, mais aussi les leviers pour gagner en compétitivité et relever les grands défis qui touchent l’agriculture.
«Les agriculteurs font face à une pression réglementaire, à des conditions économiques difficiles et à un printemps capricieux qui retarde les semis. Ce n’est pas la première fois que l’agriculture fait face à une conjoncture défavorable, mais c’est la première fois qu’elle intervient dans un contexte de décroissance», a déclaré Thierry Momont, président de la section céréales à pailles du Gnis, le 5 avril. Il a ainsi introduit les rencontres filières semences céréales et protéagineux, organisées par le Gnis, groupement national interprofessionnel des semences et plants. «Dans ce contexte, on parle aussi de défiance et de retour en arrière. Je me demande comment expliquer cette peur de la science. Les consommateurs s’attaquent à ceux qui les nourrissent», a-t-il ajouté.
Il a également mis en garde les participants contre ce phénomène, qui est tout sauf une mode, et qui ne concerne pas seulement le monde agricole. Suite à ces propos, il a proposé à l’assemblée de visionner les bandes annonces de «Demain», film de Cyril Dion et Mélanie Laurent, sorti en 2015, et de «On a 20 ans pour changer le monde», documentaire sorti le 11 avril. Ils sont, pour lui, la traduction des critiques exprimées envers le monde agricole. Mais, pour lui, les solutions présentées ne sont pas viables pour répondre à tous les enjeux qui touchent le monde agricole. «Je suis persuadé que la science et le progrès sont indispensables pour que la société soit respectueuse de l’environnement, tout en nourrissant la planète», précise-t-il.
Ne pas prôner un retour en arrière
Sylvie Brunel, géographe écrivain et économiste, qui participait à ces rencontres en tant que grand témoin, partage l’avis du président de la section céréales à pailles. Elle estime que ces films font l’apologie de la pénibilité et appellent à un retour à «la bonne vieille agriculture». Un retour en arrière qui, pour elle, n’est pas en accord avec les objectifs de la FAO. Pour éradiquer la faim dans le monde, il faudrait augmenter la production de céréales de 70 % d’ici 2050. «Nous n’avons pas le droit de préconiser des modèles qui risquent de ramener de l’insécurité alimentaire», précise la géographe.
Sébastien Abis, directeur du club Demeter, également grand témoin de ces rencontres, voit au moins un avantage à ces productions. Elles attestent d’un retour d’attention sur la manière dont est produit l’alimentation, dans une France où 85 % de la population est urbaine et n’a donc plus de rapport direct avec la ruralité. Jean-Baptiste Moreau, député la République en marche (LREM) de la Creuse et président du groupe agriculture de LREM, a, de son côté, appelé à ne pas opposer les modèles.
C’est donc dans ce contexte, que certains considèrent comme morose, que se sont tenus les Etats généraux de l’alimentation (EGA). Les intervenants ont donc profité de cette matinée d’échanges pour évoquer l’impact qu’ils avaient eu ou auraient sur les filières semences, céréales et protéagineux. Pour Rémi Haquin, président du conseil spécialisé céréales de FranceAgrimer, la plus grande vertu des EGA a été de mettre autour d’une table des gens qui ne se parlaient plus.
Un des thèmes récurrents des discussions a été l’amélioration de la compétitivité dans les filières. François Desprez, président du Gnis, a été agréablement surpris de voir que les différentes parties prenantes présentes, lors des ateliers, et notamment l’atelier 11 auquel il a participé, s’accordaient sur le fait que l’amélioration variétale était un levier pour gagner en performances économiques et environnementales.
«Ne pas abandonner l’export»
Plusieurs participants ont cependant regretté que l’export n’ait pas été au centre des débats lors des EGA. «Nous avons le sentiment que l’export n’est pas un enjeu fort pour le gouvernement», déplore Jean-François Loiseau, président d’Intercéréales. Pour répondre à ces inquiétudes, Jean-Baptiste Moreau a rappelé que le président de la République avait rouvert, pour les bovins viandes, le marché de la Chine. «Nous ne nous concentrons pas seulement sur le marché franco-français, mais il faut cependant être lucide. Nous ne pouvons pas, d’un côté, défendre le modèle agricole français et, de l’autre, tenter de concurrencer les gros exportateurs en faisant la course aux prix bas. L’export est un marché sur lequel il faut miser pour gagner en compétitivité, mais en proposant des produits à valeur ajoutée», indique le député.
Pour Rémi Haquin, si actuellement les cartes sont rebattues sur le marché à l’export, il reste positif, car il y aura toujours besoin de céréales. «Cependant, si demain nous abandonnons l’export, nous deviendrons importateur net de céréales», met-il en garde.
Se voulant également optimiste, le directeur du club Demeter estime que, si sur une carte la France est un petit point, sur les questions agricoles, elle est un point de repère. «Notre pays est d’ailleurs perçu comme très performant, attirant ainsi les investissements étrangers», signale Sébastien Abis.
L’innovation a été l’autre levier évoqué pour gagner en compétitivité. Pour François Desprez, elle est nécessaire, et il est indispensable que tous les acteurs de la filière s’accordent rapidement pour trouver des solutions de financement. Sébastien Abis a conclu sa présentation en rappelant qu’il était important de prendre conscience des enjeux de développement durable pour rester compétitif. «Il ne faut pas nier les demandes sociétales», a affirmé Jean-Baptiste Moreau.