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Fiscalité : abattement JA et année blanche

L’administration fiscale, dans le cadre d’un rescrit, vient d’apporter des précisions quant à l’articulation entre l’application de l’abattement jeune agriculteur (JA) et le calcul du CIMR. Explications.

L’abattement sur les bénéfices des jeunes agriculteurs va être réformé à compter du 1er janvier 2019.
L’abattement sur les bénéfices des jeunes agriculteurs va être réformé à compter du 1er janvier 2019.
© D. R.



Les jeunes agriculteurs soumis à un régime réel d’imposition, bénéficiant de prêts à moyen terme spéciaux ou de la dotation jeune agriculteur, peuvent appliquer un abattement spécifique. Ce dispositif vise aussi les agriculteurs exerçant leur activité à titre individuel, ou dans le cadre d’une société. Dans ce dernier cas, bien évidemment, seule la quote-part revenant à l’associé jeune agriculteur est susceptible d’ouvrir droit à l’abattement. Attention tout de même, l’administration fiscale exige cumulativement que la société revêt une forme civile, et que la majorité de son capital soit détenue par des exploitants agricoles à titre principal. Ainsi, les exploitants soumis au régime micro-BA ne peuvent pas y prétendre.
Durant une durée de soixante mois, le jeune agriculteur bénéficie d’un abattement de 50 % sur son bénéfice. Lorsqu’il perçoit la dotation d’installation, cet abattement est porté à 100 %, mais uniquement au titre de l’exercice de son inscription dans les comptes. L’abattement de 50 % s’applique à compter de l’exercice d’octroi de la première aide. Il s’applique jusqu’au 59e mois qui suit celui au cours duquel l’exploitant s’est installé. Ainsi, selon la date d’octroi de la première aide, il peut être opportun de solliciter, dans le cadre d’une réclamation adressée aux services de l’administration fiscale, l’application rétroactive du dispositif.

Ce qui va changer
S’appuyant sur un rapport de la Cour des comptes, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit de cibler l’application de ce dispositif sur les jeunes agriculteurs réalisant des bénéfices plus modestes. Pour ceux qui ont eu accès aux prêts jeunes agriculteurs (JA), l’abattement JA devrait être dégressif et s’appliquerait de la manière suivante : la fraction du bénéfice inférieure ou égale à 29 276 € (deux Smic nets) pourrait bénéficier d’un abattement de 50 % ; celle comprise entre 29 276 € et 58 552 € (quatre Smic nets) bénéficierait d’un abattement de 30 % ; et celle excédant 58 552 € ne pourrait bénéficier d’aucun abattement.
Pour ceux qui perçoivent la dotation d’installation (DJA), l’abattement serait de 100 % jusqu’à 29 276 € de bénéfice inclus ; de 60 % pour la fraction excédant 29 276 € et inférieure ou égale à 58 552 € ; et la fraction excédant 58 552 € n’ouvrirait à aucun abattement.
A titre d’exemple, Monsieur Picard, exploitant agricole, exerçant à titre individuel et soumis à un régime réel d’imposition, s’installe en 2019. Il perçoit la dotation d’installation la même année, et réalise de manière constante un bénéfice de 45 000 €. Avec la réforme à venir, l’imposition de son bénéfice sera modifiée.  En effet, en 2019, la fraction du bénéfice inférieure à 29 276 E sera intégralement «exonérée» d’impôt, la fraction du bénéfice égale à 15 724 € (45 000 € - 29 276 €) bénéficiera d’un abattement de 60 %. A compter des quatre exercices suivants, le bénéfice s’élevant à 29 276 € bénéficiera d’un abattement de 50 %, tandis que la fraction du bénéfice égale à 15 724 € bénéficiera d’un abattement de 30 %. Sous le régime actuel, cet exploitant aurait bénéficié d’un abattement de 100 % la première année et de 50 % les quatre années suivantes.
Les amendements présentés à ce jour, et tendant à la suppression de cette disposition, ont tous été rejetés. En revanche, ceux installés avant le 31 décembre 2018, continueront à bénéficier du dispositif actuel et pendant les cinq années qui suivent.

Abattement JA et CIMR
C’est dans ce contexte que l’administration fiscale a publié un rescrit concernant l’application de l’abattement JA et les modalités de calcul du crédit d’impôt modernisation du recouvrement, dispositif de transition mis en place afin de faciliter l’instauration du prélèvement à la source.
Pour rappel, le CIMR a pour effet de gommer les revenus exceptionnels. Au niveau des bénéfices professionnels, les plus-values et moins-values professionnelles, les subventions d’équipement et les indemnités d’assurance compensant la perte d’un élément d’actif sont considérées comme exceptionnelles par nature. Sont également considérés comme exceptionnels les bénéfices courant de l’année 2018 excédant le bénéfice courant le plus fort de la période allant de 2015 à 2017.
L’articulation entre le CIMR et l’application de l’abattement JA sur l’une ou plusieurs des années de référence est ainsi susceptible de poser des difficultés. Par exemple, Monsieur Picard a débuté son activité en 2013, et réalise de manière constante un bénéfice agricole de 80 000 €, y compris en 2018. Avec l’application de l’abattement JA, les bénéfices imposables des années 2015, 2016 et 2017 s’élèvent à 40 000 €.
Pour le calcul du CIMR, il convient de comparer les bénéfices de l’année 2018 avec le bénéfice le plus fort de la période 2015-2017. Ainsi, malgré l’absence de croissance, Monsieur Picard aura 40 000 € de bénéfices agricoles qualifiés d’exceptionnels, qui resteront imposés en 2019.
La difficulté d’articulation entre ces différents dispositifs surgit également lorsque l’un des exercices clos au titre de la période de référence bénéficie de l’abattement de 100 %, et les autres de l’abattement de 50 %. Heureusement, l’administration fiscale dans le cadre d’un rescrit publié le 31octobre 2018 apporte un éclairage bienvenu et dénote une tolérance favorable en la matière.
Afin d’éviter l’effet néfaste illustré par l’exemple ci-dessus, les services de l’administration acceptent que la comparaison entre les bénéfices de l’année 2018 et le bénéfice le plus fort des années 2015, 2016 et 2017 ne tienne pas compte de l’abattement JA. En revanche, c’est bien le bénéfice 2018, incluant l’abattement jeune agriculteur, qui est pris en compte dans le calcul du CIMR si, bien évidemment, vous bénéficiez de ce dispositif. Ainsi, en reprenant les données de l’exemple précédent, le bénéfice de 80 000 € de l’année 2018 serait comparé au bénéfice le plus fort de la période 2015 à 2017, celui-ci s’élevant également à 80 000 €. La position de l’administration fiscale permet ainsi de ne pas tenir compte de l’abattement JA pour appliquer le mécanisme de comparaison.
Dès lors, grâce au rescrit, on comprend qu’aucun revenu exceptionnel ne serait réalisé en 2018, et le bénéfice de 80 000 € réalisé par Monsieur Picard au titre de l’année 2018 sera intégralement gommé par le CIMR. Le rescrit a donc bien pour effet d’éliminer du régime de comparaison l’abattement JA.
Au vu de la disparité des situations, et afin de bien mesurer la portée vis-à-vis de chacun de la présente prise de position de l’administration fiscale, il est conseillé de vous rapprocher de votre conseiller habituel, afin de faire le point sur l’application du crédit d’impôt modernisation du recouvrement.

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