FNPL : la filière lait prend le pouls de la société
Pour la première fois de son histoire, la FNPL a placé son congrès annuel sous le signe des attentes sociétales en dialoguant avec les ONG et les consommateurs. Retour sur une 75e édition riche en débats.
«Les attentes sociétales sont plus faites de questions que d’exigences. Nous sommes dans une société qui veut avant tout comprendre l’élevage laitier. C’est une vraie preuve de confiance envers la filière.» Derrière le haut pupitre blanc qui fait face à une salle remplie d’éleveurs laitiers encore un peu embrumés du dîner de la veille, une petite femme prend énergiquement le micro. Anthropologue et responsable de l’Observatoire des habitudes alimentaires du Cniel, Véronique Pardo, donne le ton.
En ce jeudi 21 mars, Artois Expo s’est mis au diapason laitier pour accueillir le congrès 2019 de la Fédération nationale des producteurs de lait. Cette année, l’événement taille la part du lion aux attentes sociétales en organisant pour la première fois de son histoire plusieurs tables rondes réunissant éleveurs, ONG et représentants des consommateurs.
Joutes verbales
Premiers à prendre la parole, Daniel Perrin, de la FNPL, face à Arnaud Gauffier, de WWF. Ce dernier rentre immédiatement dans le vif en évoquant la diminution des surfaces pâturées. «Il ne faut pas faire l’amalgame entre pâturage et retournement de prairie, rétorque Daniel Perrin. Le pâturage, on ne peut pas en faire toute l’année. Par temps de canicule, les vaches préfèrent rentrer d’elles-mêmes dans l’étable ! Sans compter qu’aujourd’hui, dès qu’on traverse le village avec le troupeau, les riverains protestent...»
Titillé sur le sujet de la ferme des Mille vaches par son contradicteur (sous les huées de la salle), l’éleveur ne se démonte pas : «Si des éleveurs se regroupent, c’est tout simplement pour avoir une vie qui ressemble à celle des consommateurs, avec des week-ends et des vacances !» Les deux débatteurs trouvent un point d’accord : l’exigence de rémunération des prairies, pour laquelle milite la FNPL.
Place, ensuite, à Marie-Therèse Bonneau, vice-présidente de la FNPL, et à un représentant de Restau’co, réseau interprofessionnel de la restauration collective, qui tombent globalement d’accord sur le budget trop restreint alloué à l’achat de produits locaux dans les établissements scolaires. «D’après les bonnes intentions que j’entends ici, on ne va avoir aucun mal à faire vivre la filière», se réjouit la vice-présidente.
Pâturage et mentonnières
Dernière intervenante extérieure au secteur, la chargée d’étude pour Welfarm, Sandy Bensoussan-Carole, sera un peu chahutée et même huée à plusieurs reprises. «Les experts sont unanimes, attaque-t-elle d’entrée, la principale atteinte au bien-être animal est la privation de pâturage. Moins de fibres, pas d’activité physique, pas d’espace pour régler les conflits hiérarchiques... Il y a du travail à faire sur la densité des animaux comme sur le couchage. Dans l’idéal, il faudrait que les bâtiments soient 20 % plus grands, et que les animaux dorment sur une litière profonde de paille, ou un matelas recouvert d’une litière végétale.» Défense de Ghislain de Vitron, éleveur dans la Sarthe : «Presque 90 % des vaches pâturent. Que voulez-vous de plus ? Quant aux bâtiments, si le consommateur est d’accord pour payer la différence qui nous permettra d’investir, pas de problème !»
Après avoir évoqué la question de l’écornage (de préférence précoce, et avec anesthésie et analgésiques), ainsi que celle de la séparation mère-veau (apparemment mieux vécue si elle intervient dans les premières vingt-quatre heures, période où le veau a justement besoin du colostrum de sa mère), les deux parties trouvent un consensus sur l’amélioration des conditions d’abattage à apporter : mentonnières pour veaux et étourdissement systématiques... «Quand on a élevé une vache pendant des années, on veut qu’elle soit abattue dans les meilleures conditions possibles. Il faut respecter l’animal qui a fourni son lait», conclut Ghislain de Vitron.
Des piques et des promesses
Après les débats, un Serge Capron mordant empoigne le micro. «J’ai vu que Mme Bensoussan portait des boucles d’oreille, j’aurais voulu savoir si pour les lui mettre on l’a endormie...», lance le président de l’ADPL 62, avant de faire monter Marie-Sophie Lesne, vice-présidente du Conseil régional des Hauts-de-France en charge de l’agriculture, sur l’estrade, en lui remettant un ballon «pour jouer collectif», tout en lui proposant que tous les élevages avec plus de 66 % de chiffre d’affaires en lait et viande soient éligibles aux aides PCAE.
Le ministre de l’Agriculture prend ensuite place avec Thierry Roquefeuil et Christiane Lambert sur l’estrade. Non sans un trait d’humour sur la hauteur du pupitre, celle-ci entame le bal des discours en remerciant le travail d’explication assuré par les éleveurs engagés au sein des France Agri Twittos, et notamment le site www.bienetre-elevage.fr, véritable réponse à la carte des fermes usines publiée par Greenpeace.
En fin de matinée, c’est un ministre dédié à la cause, et plus ajusté au pupitre, qui monte à son tour au créneau. Hué par la salle alors qu’il se félicite que le prix du lait ait augmenté, il se rattrape ensuite : «Je ne connais pas un agriculteur qui soit un empoisonneur, pas un éleveur qui n’aime pas ses animaux. L’élevage n’est pas un problème pour l’environnement, mais une solution. Il faut arriver à le démontrer aux Françaises et aux Français.»
Puis, évoquant les EGA et la création d’une commission d’enquête parlementaire pour étudier les pratiques de la grande distribution dans les négociations : «Je ne suis pas favorable au système du ruissellement de la valeur, ça ne marche pas. Il faut aller à l’envers en partant du coût de production. Ça fait trente ans que les agriculteurs se font égorger sur l’autel de l’économie libérale. Il est temps que cela cesse.»