Frémissements de l’économie des Hauts-de-France en 2015
Le 31 mai, l’Insee présentait le bilan économique 2015 de la nouvelle région Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
Les territoires administratifs des anciennes régions ne sont plus. Fini donc les études économiques sur la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais, comme nous en avions l’habitude. C’est, en conséquence, à une prise de hauteur que nous invitait l’Insee, ce mardi, en présentant le bilan économique 2015 de la nouvelle région, Nord-Pas-de-Calais et Picardie confondus. De quoi s’agit-il ? «Des faits et chiffres marquants de la conjoncture régionale au regard des grandes tendances dressées dans le bilan conjoncturel annuel national», précise Danièle Lavenseau, chef du service études et diffusion de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques).
Et parce que les chiffres ne sont rien s’ils ne sont pas comparés à d’autres, les contextes international et national étaient plantés. A l’échelle mondiale, force est de constater que la conjoncture est maussade tant dans les pays avancés qu’émergents, avec un ralentissement de la croissance de l’ordre de 0,3 % pour les premiers. Autre point commun : un climat des affaires maussade lié à une progression poussive des échanges.
En revanche, à l’échelle nationale, l’économie s’est accélérée en 2015 avec un PIB en hausse de 1,3%, grâce à une augmentation de la consommation des ménages et à la reprise des investissements des entreprises. Premier effet bénéfique : une progression de l’emploi marchand engendrant une légère baisse du chômage en fin 2015, laissant supposer que «sur le premier semestre 2016, on serait sur un tassement du taux de chômage, actuellement à 10 %», indique la statisticienne. Des signes de reprise que l’on retrouve à l’échelle de la nouvelle région.
Reprise légère de l’emploi salarié
Sur le front de l’emploi, hors agriculture, on assiste à un frémissement de l’emploi salarié de l’ordre de + 0,3 %, ce qui correspond à la création nette de 3 200 emplois. Mais au sein de la région, l’emploi ne progresse que dans le Nord et le Pas-de-Calais avec un taux de + 0,6 % alors qu’il est en chute de - 0,4 % dans la Somme, de - 0,6 % dans l’Aisne, et même de - 0,8 % dans l’Oise. «Ce léger rebond régional est toutefois moins prononcé qu’en France métropolitaine (+ 0,5 %)», précise Patrick Le Scouëzez, responsable de la division études à l’Insee.
Cette légère augmentation du nombre de salariés est exclusivement portée par les secteurs marchands, où le nombre de contrats intérimaires enregistre une hausse de 12 % (3 % en 2014), atteignant même 17,6 % dans le Nord-Pas-de-Calais.
En revanche, dans les secteurs du transport (- 1%), les services aux particuliers (- 1,7%), et particulièrement dans la construction
(- 3,2 %) et l’industrie (- 1,8 %), les pertes d’emploi se poursuivent. Certaines activités industrielles sont plus touchées que d’autres : baisse des effectifs de- 2,7 % pour la fabrication d’équipements électriques, électroniques, informatiques ou de machines, notamment dans les départements de la Somme et de l’Oise, et de - 2,2 % pour la fabrication d’autres produits industriels.
Un marché de travail contrasté
Après une année 2014, où le marché du travail s’est dégradé, le taux de chômage est en repli en 2015. Il est de 12,5 % de la population active dans la région, soit 2,5 % de plus qu’à l’échelle nationale. Le Nord-Pas-de-Calais-Picardie est la région de France où le taux de chômage est le plus important. Néanmoins, ce taux baisse de - 0,2 point en 2015, après avoir augmenté de + 0,2 point en 2014. Le chômage diminue dans des proportions similaires dans l’Aisne, le Nord, l’Oise et le Pas-de-Calais, autour de - 0,2 point, mais il s’accentue dans la Somme, avec un taux de + 0,2 point.
Seul le nombre de demandeurs d’emploi de moins de vingt-cinq ans diminue au cours de l’année 2015, soit - 1,4 %. Mais, avec la Normandie, le Nord-Pas-de-Calais-Picardie est la région où la part des jeunes inscrits à Pôle emploi est la plus élevée. Et le nombre d’inscrits à Pôle emploi depuis plus d’un an augmente à nouveau en 2015 (+ 6,5 %) dans les mêmes proportions qu’en 2014, représentant 286 100 personnes fin 2015. Toutes catégories confondues (A,B et C), le nombre de demandeurs d’emplois dans la région s’établit à 581 800 personnes.
Les secteurs qui se portent bien
Le trafic aérien connaît un véritable essor, particulièrement celui de Beauvais-Tillé, spécialisé dans les vols low cost, qui a atteint un niveau record en 2015 (+ 7,6 % alors que la croissance nationale est de + 3,1%). 4,3 millions de passagers ont transité par cet aéroport. En revanche, le nombre de passagers atterrissant à Lille ou en décollant est en baisse de 3,4 % en 2015, mais reste toutefois à un niveau supérieur à 2012.
Autre secteur qui connaît un véritable boom : la vente de véhicules. En 2015, plus de 266 000 voitures particulières ont été immatriculées dans la région, soit une hausse de + 9,5 % par rapport à 2014. Après plusieurs années de baisse, les immatriculations repartent à la hausse dans l’Aisne (+ 8,7 %), le Nord (+ 6 %), le Pas-de-Calais (+ 2,9 %), dans l’Oise (+ 14,5 %) et dans la Somme (+ 5,5 %). Mais ce sont les immatriculations de véhicules industriels motorisés qui sont les plus importantes, avec une hausse de + 44,3 % par rapport à 2014.
Enfin, le tourisme enregistre aussi de beaux résultats, avec une hausse de la fréquentation hôtelière de + 1,4 % par rapport à 2014 et un nombre de nuitées en augmentation, + 2,6 % (+ 1,8 % en France métropolitaine). Si la fréquentation des campings enregistre, elle, une baisse, - 0,6 %, alors qu’elle augmente de + 4,4 % en France métropolitaine, la durée moyenne de séjour étant plus longue, le nombre de nuitées touristiques est en hausse de + 2,2 %.
Les secteurs aux résultats contrastés
Pour ce qui concerne la création d’entreprises, elle est en baisse de - 6,3 % dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie par rapport à 2014. Au total, ce sont 32 195 entreprises qui ont vu le jour. Le nombre d’entreprises créées baisse dans tous les départements, le Pas-de-Calais étant le plus touché (- 9,4 %), et la Somme celle qui résiste le mieux (- 3,4 %).
Cette baisse s’explique en grande partie par la désaffection des créateurs à l’égard du régime du micro-entrepreneur (régression de - 24,8 %). C’est la première fois depuis la création de ce régime que le part des micro-entrepreneurs est si faible. A contrario, les créations d’entreprises individuelles, qui génèrent plus d’activité que les micro-entreprises, progresse de + 28,3 % par rapport à 2014. Quant aux créations régionales de sociétés, elles restent stables (+ 0,1 %) alors qu’elles augmentent de + 3,6 % en France métropolitaine.
De même, si la construction connaît un contexte morose, tel n’est pas le cas pour la promotion immobilière. La baisse de la construction de logements se poursuit en 2015 dans la région, avec un recul de - 4 % des autorisations et de - 7 % des mises en chantier par rapport à 2014. «L’embellie observée au niveau national ne gagne pas encore la région. Ce qui se traduit aussi par des pertes d’emploi, un chiffre d’affaires et des investissements en recul», explique Anne Evrard, chargée d’études à la Dreal.
Mais la promotion immobilière apporte une touche positive à ce contexte. En effet, dans la région, les ventes de logements neufs ont grimpé de + 30 % entre 2014 et 2015, et les mises sur le marché de + 4 %. «La Somme se distingue par une forte progression des mises en chantier de logements collectifs, concentrées pour l’essentiel sur Amiens. Toutefois, le département du Nord porte à lui seul les deux tiers de l’activité régionale des promoteurs et la Métropole de Lille près de la moitié», constate Anne Evrard.
Enfin, l’agriculture occupe une place atypique dans ce panorama économique. Si la production des cultures d’hiver a été très bonne en 2015, tant en volume qu’en qualité, la récolte dépassant même les records régionaux, les prix d’achat des produits agricoles sont bien moins rémunérateurs. Pour le lait, sa collecte reste stable en dépit d’une demande moindre de la Chine et de la Russie. La production porcine, quant à elle, est pénalisée par la perte du marché russe, suite à l’embargo. Au final : quels que soient quasiment tous les secteurs d’activité, les prix de vente des productions agricoles sont inférieurs aux coûts de production. Là aussi, la morosité règne.