Gérer les adventices avec moins d'herbicides : les solutions ne manquent pas
Echos de la conférence des réseaux Dephy picards sur les pratiques permettant de désherber en réduisant l’utilisation des herbicides.
Beau succès pour la conférence organisée par les chambres d’agriculture de Picardie qui s’est tenue le mardi 18 février à Amiens et qui a réuni 270 personnes : agriculteurs, conseillers, chargés de mission de collectivités territoriales, enseignants et étudiants ainsi que de nombreux partenaires régionaux. Au cours de l’après-midi animée par Vincent Tardieu, journaliste scientifique, les témoignages des agriculteurs comme les présentations des intervenants ont illustré la diversité des solutions pour une gestion des adventices avec moins d’herbicides. En voici un aperçu.
Evaluer le risque d’impact des herbicides sur la qualité de l’eau
«Pour réduire les possibles impacts des herbicides sur la qualité des eaux, il faut d’abord évaluer les risques de transfert de ces substances vers les eaux superficielles ou souterraines», explique Benoit Real, de l’institut Arvalis.
Pour cela, il convient donc de comprendre le mode de circulation des eaux excédentaires à la parcelle, c'est-à-dire les eaux qui ne sont pas retenue par le sol de la parcelle. Deux explications sont alors possibles : soit la pluviométrie hivernale est supérieure à la capacité de rétention en eau du sol, soit le sol a une faible capacité d’infiltration de la pluie.
Une fois le mode de circulation de l’eau connu, il faut évaluer sa destination. Ainsi, est ce que l’eau est interceptée par une bande enherbée, un bosquet, avant de rejoindre un point d’eau ? Est-ce que l’infiltration en profondeur est rapide ou lente ?
Puis, pour évaluer le risque d’impact des herbicides sur la qualité de l’eau, on croise la circulation de l’eau et sa destination avec les périodes d’application des phytosanitaires. Par exemple, un désherbage avec de l’isoproturon alors que le réseau de drainage fonctionne va provoquer des risques de transferts importants de cet herbicide vers les eaux superficielles. Par contre, s’il est appliqué avant la saison de drainage, cet herbicide ne présente plus de risque. Autre exemple : appliquer du glyphosate sur un sol argileux en fin d’été sans avoir au préalable fait un minimum de travail du sol pour colmater les fentes de retrait provoquera des transferts importants de cette substance chaque fois qu’il pleuvra.
A chaque type de risque existe des solutions : agronomiques (non labour en sol battant, double densité de semis en fond de talweg), techniques (choix de la période d’application), d’aménagement du parcellaire et du paysage (bandes enherbées, damiers de cultures), ou alternatives (réductions de dose ou substitution d’herbicide).
Justement, sur ce dernier point, à savoir la réduction des herbicides dans les systèmes de culture, Jérôme Pernel, ingénieur agronome à Agro Transfert, a présenté une démarche testée dans les neuf fermes protection intégrée de Picardie.
Actionner un ensemble de leviers dans les systèmes de culture
«Le salissement de vos parcelles n’est pas une fatalité, ceci est lié à un historique de vos pratiques agricoles et la situation est réversible» explique Jérôme Pernel. Il est possible de combiner différents leviers agronomiques, de manière cohérente, afin de réduire la pression en adventices dans le système de culture. Mais pour mieux combattre l’ennemi, chacun sait comme il est important de bien le connaître… !
Ainsi, Jérôme Pernel a présenté des éléments de biologie des adventices comme la période de levée préférentielle, la durée de vie du stock semencier ou la profondeur de germination optimale. Ces éléments permettent de mieux comprendre les raisons du développement de la flore sur la parcelle et en quoi la modification des pratiques culturales permettra de mieux la maitriser.
Parmi les leviers agronomiques mobilisables, on peut trouver la diversification des dates de semis, l’alternance labour / non labour, la réalisation de faux semis… en fonction des atouts / contraintes de l’exploitation et des objectifs de l’agriculteur.
Une démarche de conseil et un outil existent pour accompagner les agriculteurs : il s’agit de la démarche OdERA Sytèmes. L’agriculteur, appuyé de son technicien, réalise un diagnostic de départ et construit ensuite un plan d’actions pour mobiliser des leviers agronomiques. La démarche a été mise en œuvre avec succès dans le réseau des neuf fermes protection intégrée de Picardie et les résultats sont disponibles dans une synthèse intitulée «vers des systèmes de culture intégrés avec encore moins d’herbicides»
Courant 2014, des portes ouvertes organisées au sein des fermes DEPHY Ecophyto, permettront aux agriculteurs d'appréhender sur le terrain ces nouvelles pratiques.
ZOOM
Gérer le désherbage et utiliser les processus de régulation naturelle
«J’arrive aujourd’hui à ne plus désherber mes blés à l’automne et mes parcelles sont propres», témoigne Eric Buysse agriculteur du réseau DEPHY captages à Le Hérie la Viéville (Aisne).
L’agriculteur a présenté à l’auditoire la démarche qui l’a amené à travailler autrement, pour des résultats économiques très satisfaisants, en comparaison des résultats de groupe de la petite région agricole où il se situe et pour des exploitations de taille et de systèmes comparables à la sienne, sur les campagnes 2011 à 2013.
Eric Buysse privilégie une rotation longue («je préfère une réflexion agronomique à long terme plutôt qu’économique à court terme»), l’utilisation de leviers agronomiques tels que les faux semis («j’ai réussi à écouler mon stock de vulpins en deux rotations»), la formation («j’ai beaucoup appris au contact des agriculteurs bio qui avaient des parcelles plus propres que les miennes») et privilégie la vie biologique de ses sols (réintroduction du fumier, labour peu profond, suppression des strobilurines…).
Après les bons résultats obtenus sur blé, l’agriculteur avait envie de trouver de nouvelles alternatives. C’est ainsi qu’une bineuse à moulinets Agronomic est arrivée sur l’exploitation en 2012.
Dès la première année, Eric Buysse a baissé son IFT herbicide de 50 % avec des betteraves propres en deux passages chimiques et une parfaite sélectivité. Si il ne peut pas intervenir en mécanique, il se laisse la possibilité du chimique et ne s’enferme pas dans un système donné.
En 2013, une herse étrille Treffler est venue compléter le parc.
Cet outil est utilisé sur prairies, lors du semis des Cipan, sur féverole, betterave et à court terme sur céréales.
Eric Buysse a conclu sur le fait que sa démarche est reproductible et qu’il ne faut pas avoir peur de sortir des sentiers battus, de repenser son système.
Il est serein pour l’avenir car les résultats sont là : maintenir l’équilibre, améliorer et démontrer, voila le crédo de l’agriculteur.