Horticulteurs et pépiniéristes stoppés en pleine saison
Le printemps, ce vendredi 20 mars, se fera sous le signe du confinement. Les fleurs et les plantes de saison qui ne peuvent plus être vendues, malheureusement, n’attendront pas la fin de l’épidémie de coronavirus…
Comme toutes les autres, la Serre de Villers-Campsart est fermée au public en cette période de confinement. Mais Frédéric Lemaire y travaille dur. A ce jour, un seul salarié sur les trois travaille à temps plein, et il faut préserver le maximum de plantes pour la réouverture. «Cette épisode va mettre en grande difficulté la pérennité de l’entreprise», se désole le gérant.
Les quatre pôles principaux de l’activité - les fleurs de printemps, le potager, les arbres fruitiers et les haies - sont à l’arrêt, alors que le 15 mars devait marquer le début de la pleine saison, après trois mois de pluie mauvais pour les affaires. «Pendant les trois mois de printemps, je réalise 60 % de mon chiffre d’affaires annuel. C’est la saison à ne pas manquer.» Un triste sort attend cependant les cyclamens, anthémis, pensées, pâquerettes, les plantes potagères… Et tout autre végétal à la durée de vie limitée. «Je suis encore en train d’éplucher des produits de super qualité, alors que je sais que je vais devoir les jeter. Lorsqu’on est passionné par son métier, une telle situation est un crève-cœur.» Il faut aussi répondre au téléphone qui ne cesse de sonner. «Les clients veulent savoir si j’aurais encore des plants de pommes de terre à la réouverture, par exemple. Je ventile au maximum pour les conserver, mais jusqu’à quand ?»
Une concurrence déloyale ?
Si le confinement devait durer un mois et demi, Frédéric Lemaire a calculé qu’il perdrait 90 à 100 000 € de chiffre d'affaires, soit plus que sa trésorerie. «Ce serait dix-sept années de travail anéanties.» Les aides annoncées par l’État (cf. encadré) ? «Elles ne compenseront pas le chiffre d'affaires perdu et je n'attends pas cela de l'Etat, je veux juste être payé de mon travail.» Mais ce qui l’effraie le plus, c’est une possible concurrence déloyale. «Certains magasins ont le droit de rester ouvert car ils vendent des produits alimentaires. C’est bien normal. Mais si ces mêmes magasins vendent des produits similaires aux nôtres, comme des chrysanthèmes ou des plants d’échalotes, de pommes de terre ou d'oignons, alors ce sera double catastrophe pour nous, car les clients n’attendront pas notre réouverture !» Autrement dit, les règles doivent être les mêmes pour tous.
À ces catastrophes s’ajoute la crainte d’une baisse du pouvoir d’achat des consommateurs. «Les gens au chômage partiel ne toucheront pas un salaire à taux plein. Ces mois-ci, ils dépensent beaucoup pour faire des provisions. Lorsque l’activité va reprendre, les fleurs ne seront pas leur priorité.» Le nouveau parc de statues décoratives et de fontaines devrait aussi être boudé des jardiniers…
Commandes annulées
De l’autre côté du département, à Hombleux, près de Ham, les pépinières Chombart sont aussi à l’arrêt. «Nous livrons en plantes les communes et les entreprises. Mais presque toutes ont annulé leurs commandes, explique Vincent Chombart. Cette semaine est une semaine sans. Nous aviserons les prochains jours.» Ceux-ci ne devraient pas être beaucoup plus actifs, car les chantiers de plus de cinq personnes sont annulés. En attendant, «dans les bureaux, tout le monde est à l’arrêt, et les préparateurs de commande également». Mais surtout, qui dit pas de livraison, dit pas de départ de plantes. «Et donc pas de place pour faire de nouvelles cultures. Si on attend trop celles-ci vont faire des feuilles, se développer, et elles seront compliquées à planter…» Pendant que la France est à l’arrêt, la nature, elle, n’attend pas.
Pour rappel, l’État a annoncé le report des charges fiscales et sociales des entreprises. Certaines pourraient bénéficier du «fonds de solidarité» qui va être mis en place à destination de l'ensemble des très petites entreprises qui ont vu leur activité stoppée ou très gravement freinée par les mesures de lutte contre le coronavirus. Pour être éligibles, les entreprises doivent avoir perdu au moins 70 % de leur chiffre d'affaires «entre mars 2019 et mars 2020», a détaillé le ministre de l’Économie Bruno Le Maire le 17 mars. Autre condition : un chiffre d'affaires inférieur à 1 million d’euros. Pour les bénéficiaires, le fonds se manifestera d'abord par une aide forfaitaire de 1 500 €, «rapide, simple, automatique sur simple déclaration». Au delà, il est prévu «un dispositif anti-faillites pour les entreprises qui emploient au moins un salarié et qui seraient en très grande difficulté malgré le recours à tous les autres dispositifs». Dans ce cas, «nous augmenterons au cas par cas le soutien financier pour (...) éviter toute faillite.»