Implanter ses intercultures autrement
En termes de semis d'interculture, certaines méthodes se développent ou sont remises au goût du jour. Focus avec Jérôme Labreuche, ingénieur spécialiste de la gestion de l'interculture à Arvalis, Institut du végétal à Boigneville (Essonne).
D'autres méthodes d'implantation des couverts végétaux sont à l'essai, novatrices ou remises au goût du jour. Jérôme Labreuche, ingénieur à Arvalis Institut du végétal à Boignevile (Essonne) et spécialiste de la gestion de l'interculture, nous apporte son éclairage.
En règle générale, le semis des couverts d'interculture se fait dès la moisson, mais d'autres pratiques peuvent être mises en place.
Semer avant la moisson
«Il y a un engouement pour semer avant la récolte, dans la culture précédente. Cela peut donner satisfaction, assurer la levée du couvert et permettre de gagner du temps», explique l'ingénieur. Cette technique est plutôt adaptée aux crucifères type moutarde d'Abyssinie ou radis fourrager, ainsi que d'autres espèces telles que sarrasin, lin, moha, trèfle incarnat. Si elle présente des avantages, cette méthode a aussi son lot de contraintes.
Pour ceux qui récoltent la paille, «il apparaît que la récolte de la paille diminue la réussite du couvert végétal», pointe l'expert. La difficulté du semis avant moisson, c'est qu'il «faut du matériel spécifique pour le semis, afin de porter les graines en bonne largeur de travail, égale à la largueur de pulvérisation», souligne-t-il.
Le semis se fait avec des épandeurs centrifuges (par exemple en deux fois 12 mètres) ou sous la coupe de la moissonneuse. «Une limite de cette pratique, c'est qu'il ne faut pas mettre des couverts trop précoces qui montent à graine trop vite. De plus avec de jeunes adventices dans les céréales en juin ou juillet, il convient de revenir à la technique traditionnelle, avec un travail du sol pour détruire mécaniquement les adventices», affirme-t-il.
Le semis des CDI
Une autre technique qui a le vent en poupe, c'est celle de l'implantation des CDI (couverts à durée indéterminée). Pour ce faire, il faut anticiper l'implantation du couvert avec des plantes pérennes type trèfle blanc, trèfle violet, luzerne. «C'est le même principe que le semis des plantes gélives avec le colza. Ces plantes ont une croissance plus lente mais elles permettent de maintenir un couvert. Cette technique est plutôt adaptée en colza, tournesol ou en agriculture biologique», affirme l'ingénieur.
Les céréales en agriculture conventionnelle sont denses grâce à la fertilisation, elles ne permettent pas l'installation des couverts. Cette implantation de CDI est donc possible avec les céréales, mais cela nécessite de semer moins dense et de diminuer les apports d'engrais, ce qui a une incidence sur le rendement.
Garder un couvert vivant
Une autre technique est celle de garder un couvert vivant avec le colza, puis semer des céréales après récolte du colza.
«Une fois que ces trèfles sont pérennes, ou que la luzerne est installée, même avec un travail mécanique superficiel, ils peuvent repousser. Ce travail permet même de «calmer» la croissance du couvert, sans utiliser d'herbicide avant le semis du blé» pointe-t-il.
«On peut très bien détruire le trèfle en février car, avec sa décomposition, il va fournir de l'azote au blé et ne fait peser aucun risque sur le rendement de la culture. En gardant le trèfle vivant, il risque de concurrencer le blé. Sur des essais, il induit jusqu'à 1/3 de baisse de rendements car mal géré, le trèfle entre en compétition avec le blé sur l'azote et la lumière. On peut utiliser les herbicides à petite dose pour limiter la pousse du couvert et diminuer la concurrence avec le blé. Cela reste difficile à gérer», précise Jérôme Labreuche.
Par rapport à tous ces aléas, la sécurité selon lui est de détruire le trèfle en février. «Même pour un agriculteur très pointu, c'est une prise de risque» appuie-t-il.
Semer des rangs de couverts
Dans le Tarn, Arvalis a expérimenté une technique où l'on sème de la luzerne tous les 30 cm d'écartement. «On sème le blé entre les rangs de luzerne. On utilise du matériel spécifique pour broyer la luzerne deux à trois fois au printemps entre les rangs de blé. En bio, les rendements obtenus sont les mêmes qu'en bio fertilisé. Cet essai est très exploratoire, mais cela ouvre la perspective d'offrir un couvert permanent en agriculture biologique», souligne-t-il.
L'objectif est de trouver une solution et une source d'azote pour l'agriculture biologique. «La luzerne pousse partout sauf dans des sols très acides et très humides. Son avantage est sa robustesse.»
Pour toutes ces nouveautés, Jérôme Labreuche conclut : «d'une manière générale, il faut repenser l'itinéraire technique de manière globale, ce qui inclut le désherbage et le matériel.»