Jérémy Dreue : un business de lapins unique dans la Somme
Depuis deux ans, Jérémy Dreue a diversifié l’élevage
de lapins familial en se lançant dans l’abattage et
dans la vente directe aux professionnels.
Jérémy Dreue a horreur des tâches répétitives. «Les journées qui se ressemblent toutes, ce n’est pas pour moi.» C’est ce qu’il a poussé l’agriculteur de vingt-sept ans bientôt à imaginer ce projet «un peu farfelu», en s’installant avec son père dans l’élevage cunicole familial, à Laucourt, près de Roye. «Mon père, naisseur et engraisseur, a toujours élevé en classique. Les lapins sont livrés à l’abattoir et il ne s’occupe pas de la commercialisation. J’aurais pu juste doubler la production, mais ça ne m’intéressait pas.»
Jérémy est, depuis le 1er janvier 2016, le seul cuniculteur du secteur à commercialiser ses lapins en direct chez les bouchers, charcutiers et magasins. La construction d’un nouveau bâtiment, et d’un abattoir, pour une valeur totale de 100 000 euros, a été nécessaire. «La banque a d’abord été frileuse. J’avais l’impression d’acheter 200 hectares de terrain», plaisante Jérémy. Mais une solide étude de marché a permis de démontrer que le projet était viable.
Aujourd’hui, les semaines sont bien remplies : «Le lundi et le mardi sont consacrés à l’élevage (insémination artificielle, sevrage…), le mercredi matin a lieu l’abattage, puis je les retravaille et les mets en barquettes le jeudi matin, avant de partir en livraison l’après-midi.» Les lapins, «produits consommés le week-end essentiellement», sont dans les étals le vendredi matin au plus tard.
Environ 3 500 lapins blancs aux yeux rouges - car le pelage blanc permet de valoriser la peau, facile à teinter - partent toujours à l’abattoir chaque semaine. Mais 120 autres, de toutes les couleurs, issus d’un croisement entre les lapines blanches, des géants des Flandres et des fauves de Bourgogne, sont tués sur place par les Dreue lorsqu’ils ont atteint 3 kg vivants environ.
«Une viande ferme et colorée»
Ses produits font le plus grand bonheur de ses clients, dont deux tiers sont des bouchers. «C’est une vraie chance qu’un jeune se remette à tuer du lapin chez lui», approuve Daniel Héripré, volailler-charcutier renommé d’Amiens. Lui, a délaissé le lapin il y a quelques années, lorsque le dernier producteur local est parti à la retraite. «On en faisait venir de plus loin, mais nous n’étions pas motivés à le travailler, alors les ventes ont chuté. Le consommateur est très exigeant sur la provenance des produits.» Le professionnel remarque la bonne qualité des lapins de Jérémy : «Ils sont assez lourds, avec une viande plus colorée et plus ferme que des lapins industriels. On voit tout suite qu’ils n’ont pas subi le stress du transport, ni de l’abattoir industriel, car ils présentent un très beau foie.» La maison Héripré vend ce lapin aussi bien entier que découpé, en paupiette, en saucisse ou en boudin.» Ne reste plus qu’à réhabituer les papilles des clients à en déguster pour faire grimper les ventes.
Car Jérémy compte bien développer son chiffre d’affaires. «En début d’année, je n’en vendais qu’une soixantaine. Mon objectif est d’arriver à cent cinquante en trois ans», assure-t-il. Pour cela, il sait qu’il devra démarcher de nouveaux clients. «Mais cela prend du temps. Je vais voir les gens directement, pour leur expliquer ma démarche.» Il souhaite cependant garder ce lien «privilégié» qu’il entretient avec les clients historiques. «Je n’irai pas voir un autre commerce dans la même rue. Chacun aime avoir l’exclusivité dans son secteur et je le respecte. C’est une question de confiance.»
L’élevage : base de la réussite
Il aimerait aussi valoriser ses lapins en tant que produit local. Il a d’ailleurs fait imprimer des étiquettes «Lapins picards» à coller sur les pics de viande de boucherie pour se distinguer. Mais Jérémy, comme son père, reste avant tout un éleveur dans l’âme : «La base de la réussite, c’est un élevage qui fonctionne pour de beaux et bons lapins.»