Élevage bovin
La bonne viande (bio) est dans le pré
Le projet «pré-veau», animé par Bio en Hauts-de-France et regroupant une quinzaine d’éleveurs de la région aux profils diversifiés, vise à développer l’engraissement au pâturage.
Le projet «pré-veau», animé par Bio en Hauts-de-France et regroupant une quinzaine d’éleveurs de la région aux profils diversifiés, vise à développer l’engraissement au pâturage.

En bio comme en conventionnel, le marché des veaux laitiers est fragile : le prix des veaux est irrégulier et s’érode, en particulier pour les femelles et les races à faible gabarit (Jersiais, kiwi, …). L’évolution de la réglementation sur le transport des jeunes veaux pourrait menacer à terme le débouché espagnol, pourtant essentiel. De plus, le mode d'élevage actuel des veaux est critiquable du point de vue bien-être animal, souffre d’une image négative auprès du public et il est d'ailleurs interdit en agriculture biologique.
Faire émerger une filière
C’est de ces constats qu’est né le projet «pré-veau» animé par Bio en Hauts-de-France, regroupant une quinzaine d’éleveurs de la région au profils diversifiés qui cherchent à développer l’engraissement au pâturage. Un projet qui répond à différents enjeux : valorisation et maintien des prairies naturelles synonyme de protection de l’eau potable, de préservation de biodiversité, de lutte contre l’érosion des sols... attentes sociétales en matière de bien-être animal et de mode production vertueux. Des animaux précoces (bœufs et génisses de 24-30 mois), co-produits de l'élevage laitier, un mode d'élevage économe au pâturage sont les recettes pour réduire les coûts de production et la dépendance aux énergies fossiles. Les produits sont compétitifs sur le plan environnemental et sur le prix vis-à-vis des importations de viande sud-américaine par exemple.
Les profils d’éleveurs candidats à cette production sont variés : des éleveurs laitiers eux-mêmes s’ils ont des prairies excédentaires et un peu de place en bâtiment, mais la spécialisation des élevages laitiers le permet rarement ; des éleveurs allaitants qui souhaitent réduire le nombre de vêlages (la nouvelle Pac n’aidant plus les vaches allaitantes mais les UGB). On peut donc alléger le travail lié aux vêlages, réduire le capital vivant et produire plus de viande à l’hectare. Des céréaliers cherchant à introduire de l’élevage et/ou à utiliser des prairies permanentes sous valorisées non labourables pour des raisons physiques, écologiques ou administratives peuvent aussi devenir engraisseurs.
Quelques défis techniques à relever
Au niveau technique, deux défis sont à relever : assurer un bon démarrage des veaux durant la phase lactée et maîtriser le parasitisme. Pour le premier, la vache nourrice d’origine laitière permet de libérer le naisseur de ses jeunes veaux pour les confier très tôt à un engraisseur tout en garantissant une bonne croissance et une bonne santé dans les six premiers mois qui sont cruciaux ainsi qu’un apprentissage précoce du pâturage.
La gestion du parasitisme, quant à elle, repose sur deux piliers : le pâturage tournant dynamique et des pesées régulières qui permettent de repérer les décrochages de croissance et la présence de parasites avant même l’apparition de signes cliniques. On peut ainsi limiter et cibler les traitements lorsqu’ils s’avèrent nécessaires.
Le pâturage tournant dynamique est incontournable si on veut augmenter la productivité des prairies et la croissance des jeunes bovins en leur offrant de l’herbe au bon stade. C’est aussi le moyen de réduire la pression parasitaire en cassant les cycles de multiplication des strongles. Il faut viser entre un et trois jours par parcelle idéalement avec un fil avant-fil arrière. On peut ainsi adapter en permanence l’offre d’herbe au besoin du lot engraissé qui varie constamment. Le système couloir (techno grazing) permet de le mettre en œuvre efficacement (moins de quinze minutes par jour et par lot). On va aussi choisir des races adaptées. Actuellement, deux schémas principaux coexistent : l’élevage d’animaux de races mixtes (Normand, Montbéliard...) ou l’élevage d’animaux croisés Jersiais x Angus par exemple. Les races Angus ou Hereford présentent l’avantage de relever le poids de carcasse tout en maintenant la précocité et l’aptitude à valoriser l’herbe au pâturage.
Le témoignage de Sébastien Hincelin
Polyculteur-éleveur
Un engraissement au pâturage jusqu'à 30 mois
La disposition des lignes n’empêche pas la mécanisation pour récolter les excédents d’herbe ou mettre en culture. Autre avantage, les animaux manipulés quotidiennement sont très dociles et les couloirs rendent les déplacements aisés par une personne seule, y compris pour les amener à la contention. Dans d’autres contextes, ce type d’aménagement peut se décliner en version temporaire pour valoriser des couverts ou des prairies intégrées dans une rotation de cultures de vente. Ici, la proximité d’un bâtiment est idéale pour aménager une contention pour les pesées, réaliser les interventions sanitaires, ou faciliter le chargement des animaux.