La Chine règne sur les marchés mondiaux des matières premières
La Chine soulève de grandes incertitudes, selon le rapport Cyclope publié le 14 mai.
«La Chine pèse sur l’ensemble des marchés mondiaux», dont elle reste «l’acteur majeur et aléatoire» pour pratiquement toutes les matières premières et commodités, des céréales aux métaux en passant par la viande et le lait, a expliqué devant la presse Philippe Chalmin, économiste à la tête d’une équipe de 60 experts pour le rapport Cyclope 2014. Seuls produits épargnés : le café et le cacao, que les Chinois consomment peu pour l’instant.
«Le ralentissement en cours et à venir de l’activité ne devrait pas provoquer d’ajustements majeurs», peut-on lire dans l’ouvrage. «La lenteur de la transformation du modèle de croissance et la poursuite du développement plaident, au contraire, en faveur d’une demande chinoise de matières premières plus élevée», estiment les auteurs.
«Soubresauts chinois»
L’interrogation chinoise pèse d’autant plus lourdement qu’«on a souvent du mal à comprendre les tenants et les aboutissants de la politique» de Pékin, a souligné Philippe Chalmin. Ces derniers mois par exemple, soja, blé et maïs, dont la Chine est l’un des principaux importateurs, «ont subi les conséquences indirectes des soubresauts chinois», avec des refus de cargaisons de maïs OGM ou des défauts d’acheteurs de soja, qui laissent planer le doute sur les intentions réelles du gouvernement, a expliqué Philippe Chalmin. Pékin semble vouloir «calmer l’enthousiasme des importateurs, pour tenir le marché local».
Stabilité des indices
D’après François Luguenot, un des auteurs de Cyclope, «la Chine joue un jeu dangereux» en constituant des stocks, par exemple en soja, dans le but de «spéculer ailleurs».
La Chine est redevenue en 2013 un acteur essentiel pour les céréales, en recommençant à acheter du blé pour la première fois en dix ans. Autre grande évolution : l’Empire du Milieu est désormais le troisième importateur mondial de viande bovine. Il a multiplié ses achats par quatre, en raison surtout de la méfiance des Chinois envers leur viande locale, après moult scandales sanitaires. La Chine est aussi désormais «la clé du marché des produits laitiers», en se mettant à acheter massivement du lait en poudre à l’étranger, avec des répercussions allant jusqu’aux producteurs bretons, a rappelé Philippe Chalmin.
Globalement, les marchés de matières premières se sont caractérisés en 2013 par «une extraordinaire stabilité des indices de prix à des niveaux très élevés», a par ailleurs souligné l’économiste. «Le choc démarré en 2005-06 n’est pas terminé», a-t-il estimé.
L’inconnue ukrainienne
«Les marchés céréaliers sont au diapason de l’Ukraine», a ajouté François Luguenot. La situation dans le pays reste «confuse», à ses yeux. Davantage pour la campagne à venir qu’au niveau de l’activité en cours, jugée «habituelle». «Les entreprises françaises qui ont une filiale ukrainienne dans les semences vont probablement perdre beaucoup d’argent», a-t-il toutefois lancé.
Autre victime des tensions géopolitiques en Mer Noire, le blé russe subit un écart de 10 dollars la tonne entre les prix acheteurs et vendeurs. «Les opérateurs ont peur des sanctions contre Moscou», a noté François Luguenot, même si leur sentiment est que les Occidentaux resteront mesurés en la matière.
De nouvelles tensions
Dans l’ensemble, les marchés mondiaux voient «à nouveau des tensions dans pratiquement tous les sens», selon Philippe Chalmin. Un retour d’El Niño constituerait «une menace majeure pour l’ensemble des produits agricoles». Gaz de schiste, biotechnologies et OGM seront aussi à prendre en compte, tout comme les nouvelles politiques agricoles aux Etats-Unis et en Europe, et le retrait de grands acteurs financiers du négoce des matières premières. «Les commodités sont la partie émergée de toutes les tensions de la planète», a rappelé Philippe Chalmin.