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Élevage bovin
La conduite du troupeau vers l’autonomie alimentaire

Être autonome pour nourrir l’ensemble du troupeau peut sembler complexe d’autant que certaines voies ouvrent sur l’utilisation de nouvelles solutions fourragères non maîtrisées. Avant d’introduire des cultures supplémentaires, il est utile de prendre le temps de quelques calculs.

Un des premiers leviers pour atteindre l’autonomie alimentaire est l’optimisation du nombre d’animaux, afin de le réduire tout en conservant le litrage livré.
Un des premiers leviers pour atteindre l’autonomie alimentaire est l’optimisation du nombre d’animaux, afin de le réduire tout en conservant le litrage livré.
© ACE

Par définition, l’autonomie alimentaire consiste à nourrir tous les animaux du cheptel avec les aliments produits sur l’exploitation. Un des premiers leviers réside donc dans l’optimisation du nombre d’animaux, afin de le réduire tout en conservant le litrage livré. Pour cela, la production par vache doit évidemment être optimale, mais il s’agit aussi de limiter les pertes et de gagner en cohérence de conduite de troupeau. 

 

Livrer davantage de lait par vache

Dans certaines situations, l’amélioration de la qualité du lait est donc une piste majeure pour aller vers davantage d’autonomie alimentaire. En effet, d’après les chiffres du service Qualité du lait d’Avenir conseil élevage, un troupeau sain (moins de 100 000 cellules) produit en moyenne 2,4 litres de lait en plus par vache et par jour qu’un troupeau dont la situation cellulaire est dégradée (300 000 et plus). Les données techniques indiquent également un autre levier non négligeable : la gestion de la reproduction. Le niveau de production du troupeau est très dépendant de son stade de lactation : à 5,5 mois de stade, un troupeau produit en moyenne 1 litre de lait par vache et par jour en plus qu’à 6,5 mois. La bonne gestion de la reproduction avec la maîtrise de l’intervalle vêlage-vêlage permet de conserver un stade de lactation optimal ; c’est aussi un préalable indispensable à la bonne qualité cellulaire évoquée précédemment. 

 

Le bien-être : plus que vital

La santé et le bien-être du troupeau sont également vecteur d’autonomie alimentaire. La production laitière d’une vache qui boite est diminuée de l’ordre de 2 à 5 litres par jour. En outre, dans un bâtiment confortable et suffisamment dimensionné par rapport à l’effectif, les animaux expriment leur comportement et profitent des temps de repos nécessaires à la production. Lorsque le couchage est insuffisant, il pénalise significativement la production : une heure de couchage en plus, c’est un litre de lait en plus. Pour un troupeau de 100 vaches, livrer un litre de lait en plus par vache et par jour représente une économie de 2 ha de fourrages.

À ACE, l’effectif génisses du cheptel représente en moyenne 33 % d’équivalent vache (EV) et leur âge au vêlage se situe à trente mois. Pour un élevage de 100 vaches et 50 génisses élevées par an, la réduction de trois mois de l’âge au vêlage (soit de 30 à 27 mois ou bien même de 27 à 24 mois) représente 4 à 5 ha de fourrages. De même, la réduction du nombre de génisses élevées, par exemple de 50 à 45 génisses par an, permet d’économiser 4 à 5 ha.

D’une manière générale, l’optimisation du nombre de vaches et de génisses pour livrer le même volume repose sur la recherche des facteurs limitants afin de les réduire, voire les éliminer. C’est un levier certes moins séduisant ou motivant que l’implantation d’une nouvelle culture, mais il est, à coup sûr, générateur de gains économiques. 

 

Équilibrer la ration au champ

En complément de l’autonomie massique, il existe des marges de manœuvre sur l’autonomie protéique. Le principal obstacle à l’autonomie alimentaire d’un élevage laitier réside dans la production d’un mix alimentaire équilibré qui peut être adapté aux besoins de tous les animaux. L’herbe récoltée est souvent valorisée par une bonne première coupe, tandis que les deuxième et troisième coupes sont parfois moins considérées. Or, lorsqu’elles sont réalisées au bon stade et dans de bonnes conditions, les valeurs alimentaires de ces récoltes peuvent couramment atteindre 0,85 UFL et 12 % de MAT avec un encombrement de l’ordre de 1 UEB. Ces fourrages conviennent parfaitement aux génisses de 12 à 18 mois pour obtenir des GMQ de 900 g. 

Quant à la première coupe, elle peut être parfaite pour équilibrer partiellement le maïs. En effet, la fauche au stade deux nœuds (soit à la hauteur des genoux) offre le double avantage d’une reprise de végétation plus rapide et d’une maximisation de la teneur en MAT. Cette pratique permet de gagner environ dix jours par rapport à une fauche tardive ; sur l’année, cela représente jusqu’à 2 t de MS par ha. De plus, le préfané de prairie permanente ou de Ray grass obtenu concentre suffisamment la MAT (de l’ordre de 18 %) pour corriger en partie le maïs. 4 kg de MS de ce préfané en substitution de 4 kg d’ensilage de maïs permettent de réduire de 1 kg le soja/VL/jour.

Cet objectif d’obtenir des fourrages adaptés aux besoins des animaux conduit de plus en plus d’éleveurs à implanter des méteils. En effet, il existe de nombreuses associations d’espèces qui fournissent des récoltes à 15 % de MAT. Cette pratique présente aussi l’avantage de répartir la période de pousse de la surface fourragère. Les méteils implantés à la fin de l’été valorisent une partie de la pluviométrie automnale, un plus non négligeable face aux périodes de sécheresse de plus en plus fréquentes et dessaisonnées.

Un rapide calcul donne matière à réflexion. Puisqu’une vache consomme 22,5 kg de MS par jour de ration soit 800 t par an pour un troupeau de 100 vaches. Corriger de 1 point la teneur azotée de ces 800 t revient à consommer 17 t de soja.

 

Jusqu’à la distribution !

Même s’il est déséquilibré, le maïs a toute sa place dans la surface fourragère, à condition, comme toutes les autres cultures, de le récolter au bon stade. Trop mûr, sa digestibilité diminue, immature il est plus encombrant et son rendement est pénalisé. Entre 30 et 35 % de MS, le gain d’un point correspond à 200 kg de MS par hectare, il est donc préférable de viser l’optimum soit 35 %.

Pour finir, la qualité des fourrages est encore en jeu jusqu’à leur distribution à l’auge. La mauvaise conservation d’un ensilage d’herbe à cause d’un tassage ou d’un bâchage insuffisant, d’une reprise ou d’un front d’attaque non satisfaisant ou bien encore une auge altérée entraine jusqu’à 15 % de perte de la valeur MAT. Ces «détails» peuvent coûter chers et entravent la recherche d’autonomie alimentaire.

Sur 350 résultats de Marges brutes calculés par ACE, la surface fourragère corrigée (avec l’intégration des achats d’aliments) nécessaire à la production de 100 000 litres de lait varie de 4 ha entre le quart inférieur et le quart supérieur. Cet écart résulte non seulement de la qualité des fourrages récoltés, mais aussi de la maîtrise globale de la conduite du troupeau. L’autonomie alimentaire conjuguée à la performance économique du troupeau ne se décrète pas, elle est le résultat d’un travail quotidien.  

Veillez à la fertilisation complète de l’herbe

Le programme d’échange transfrontalier «Protecow» qui consistait à étudier les pistes d’amélioration de l’autonomie protéique des élevages belges et français a mis en lumière l’importance de la fertilisation des surfaces en herbe. En effet, nourrir le sol de manière adéquate prépare la qualité de l’herbe pâturée ou récoltée. 
Tout d’abord, le pH équilibré du sol renforce la disponibilité des éléments indispensables. Le triptyque N-P-K joue principalement sur la pousse de l’herbe. L’azote est aussi essentiel à la teneur en MAT. La magnésie est particulièrement importante dans la production de chlorophylle et donc pour la photosynthèse. Souvent négligé, le sodium augmente la qualité gustative du fourrage, ce qui conduit les animaux à absorber plus de matière sèche. Enfin, le soufre est un composé nécessaire à la synthèse de plusieurs acides aminés intervenant dans la formation des protéines, notamment la méthionine, des enzymes, ainsi que la chlorophylle. Avec l’azote, il joue un rôle fondamental dans la constitution des protéines et participe à une meilleure croissance et un meilleur développement végétal.
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