La Ferlance : les expérimentations ont débuté cet automne
Concilier pérennité de l’exploitation agricole, respect de l’environnement et réponse aux attentes sociétales, c’est tout l’enjeu de La Ferlance, ferme élevage et agro-écologie. Ce partenariat entre la Chambre d’agriculture de la Somme et Matthieu Longuet, éleveur-polyculteur à Liercourt, vise à tester des pratiques agricoles et des outils technologiques renforçant la durabilité des exploitations.
Concilier pérennité de l’exploitation agricole, respect de l’environnement et réponse aux attentes sociétales, c’est tout l’enjeu de La Ferlance, ferme élevage et agro-écologie. Ce partenariat entre la Chambre d’agriculture de la Somme et Matthieu Longuet, éleveur-polyculteur à Liercourt, vise à tester des pratiques agricoles et des outils technologiques renforçant la durabilité des exploitations.
Matthieu Longuet élève une quarantaine de Blondes d’Aquitaine à Liercourt, en moyenne vallée de la Somme. Il exploite 82 hectares de SAU dont une vingtaine de prairies humides. Sur ces prairies, l’enjeu est certes de préserver la biodiversité, mais aussi de produire suffisamment d’herbe pour nourrir le troupeau. Être autonome pour l’alimentation est d’ailleurs l’un des principaux objectifs ayant conduit cet éleveur à vouloir faire de sa ferme le support d’expérimentations menées en partenariat avec la chambre d’agriculture. Six objectifs majeurs ont été retenus pour les expérimentations menées à La Ferlance, ferme élevage et agro-écologie :
• Un élevage en autonomie alimentaire, par une optimisation des surfaces en prairie et une valorisation des intercultures
• Un projet qui veille au bien-être de l’éleveur et à celui de ses animaux, par la mise en place d’équipements innovants et sécurisants, tout en préservant l’équilibre travail et rentabilité économique
• Une ferme respectueuse de l’environnement, par la recherche et l’adaptation de pratiques agri-coles visant à améliorer la qualité de l’eau, de l’air et du sol
• Un patrimoine naturel préservé pour favoriser la biodiversité
• Une exploitation ancrée dans le territoire, en lien direct avec son environnement socio-économique
• Une communication pertinente avec le monde agricole et le grand public
Que ce soit pour la partie «élevage» de l’exploitation ou la partie «cultures», les expérimentations ont débuté il y a quelques semaines : évaluation du bien-être animal, regards sur l’alimentation du troupeau ou encore suivi de croissance des veaux pour le premier volet. En ce qui concerne les cultures, il s’agissait de s’intéresser au semis direct de céréales et à l’implantation de couverts.
Évaluation du bien-être animal
La première étape a consisté à réaliser un diagnostic BoviWell pour évaluer l’élevage sur le plan du bien-être animal. «L’outil BoviWell met en avant les bonnes pratiques des éleveurs en termes de bien-être animal (BEA) et identifie les voies d’améliorations envisageables. Le diagnostic se compose de deux phases : un entretien avec l’éleveur pour recueillir les caractéristiques de son exploitation et ses pratiques en matière de BEA, puis l’observation et l’évaluation sur le terrain du comportement des animaux dans leur environnement», explique Claire Leroy, formée à la réalisation du diagnostic BoviWell.
Le diagnostic réalisé sur La Ferlance affiche la note «Supérieur» pour la note globale. Le principe des cinq libertés est bien respecté sur l’exploitation. Pour la liberté n°1 «Ne pas souffrir de faim et soif», le poste abreuvement n’est pas pleinement satisfait. En effet, le nombre de points d’eau est limitant et à améliorer. L’objectif est d’avoir un abreuvoir pour dix vaches. Les quatre autres libertés affichent un score «Supérieur à Excellent» et révèlent que les animaux ont accès à une aire d’exercice leur permettant d’exprimer des comportements normaux. L’alimentation est saine et équilibrée, les animaux sont habitués à l’homme et l’écornage est pratiqué avec un anesthésiant. Enfin, la luminosité au sein des bâtiments est bonne. Les résultats de ce diagnostic vont aider Matthieu Longuet dans la conception du nouveau bâtiment en y intégrant le respect des cinq libertés du bien-être animal (BEA).
Minéralisation du troupeau, des erreurs à corriger
Toujours sur le volet «élevage», la seconde étape a conduit l’éleveur et la chambre d’agriculture à s’intéresser à l’alimentation du troupeau. Le troupeau reçoit un aliment minéral de type 7 (P) – 24 (Ca) - 6 (Mg) et l’alimentation repose sur des apports de maïs ensilage et foin ou enrubannage de prairie et luzerne. Des prises de sang sur cinq vaches vêlées ont été réalisées pour vérifier si les apports en oligo-éléments (cobalt-Cuivre-Iode-Manganèse-Sélénium-Zinc), en Phosphore-Calcium et Magnésium sont suffisants. «On observe que le troupeau est en carence modérée sur le cobalt et en carence forte sur le manganèse, ce qui s’est d’ailleurs révélé aussi sur trois autres élevages étudiés du département. Le manque de manganèse peut affecter les performances de reproduction, donner des chaleurs plus discrètes. Les formes graves peuvent agir sur la déformation des membres. Le territoire de la Somme serait-il déficient en manganèse ? Des investigations vont être menées pour faire la lumière sur ces premiers résultats. Par contre, on est très élevé en sélénium et en phosphore, et cela en lien avec le minéral apporté. La prochaine commande de minéral tiendra compte de ces observations», souligne Daniel Platel.
Premières pesées des veaux
La troisième étape consiste à suivre la croissance des jeunes animaux. Les veaux ont d’abord été pesés à leur naissance par Matthieu Longuet, puis deux pesées sont effectuées par la chambre d’agriculture. Les deux pesées doivent être séparées d’au moins 45 jours. La campagne Bovins Croissance a commencé le 1er août 2020 et se terminera le 31 juillet 2021.
La première pesée a été réalisée le 11 janvier 2021. Pour Éric Lucet, en charge du service Bovins Croissance, «le résultat de cette première pesée laisse apparaître des résultats plus que corrects avec un GMQ moyen de 1209 grammes par jour pour les mâles et un poids moyen de 117 kg pour un objectif (pour la race) de 115 kg. Pour les femelles un GMQ moyen de 1 249 grammes par jour avec un poids moyen 128 kg pour un poids de référence de 120 kg (pour la race). Au vu de ces premiers résultats, on peut considérer que les qualités maternelles des vaches et des primipares sont bonnes, avec néanmoins un potentiel d’amélioration».
En plaine, le semis direct de blé à l’essai
Le semis direct a débuté le 22 octobre 2020 avec un blé de la variété Winner semé sous couvert de sainfoin. Le semis a été réalisé avec un semoir Gil sur 0,3 ha et un semoir SKY Easydrill sur 1 ha. En outre, dans une parcelle de 2,7 ha précédemment en luzerne, le blé a été semé le même jour grâce au semoir Gil. «C’est la 1ère fois que je sème comme cela. En chantier classique le semis n’aurait pas pu se faire à cause de la pluie de la veille. La levée est correcte mais il va falloir surveiller la luzerne détruite et suivre le développement du sainfoin afin qu’il ne se développe pas trop et reste sous le blé. Pour le moment, il est trop tôt pour juger la différence entre les deux semoirs, il faudra attendre les comptages», indique Matthieu Longuet.
Il rappelle aussi les intérêts de ces essais de semis directs sous couvert permanent. «Cette technique permet d’avoir un couvert pérenne, sans avoir à resemer entre les deux cultures et devrait laisser la possibilité de semer plusieurs blés à la suite. De plus, la présence de légumineuses limite la fertilisation minérale et apporte un fourrage supplémentaire pour les animaux tout en augmentant l’autonomie alimentaire de mon élevage.» Le choix du sainfoin relève d’une véritable stratégie globale de l’éleveur car il s’agit d’une culture fourragère riche en azote, non météorisant, pouvant être valorisée en enrubannage ou en pâturage. De plus, grâce aux tanins qu’il contient, il permet de diminuer les émissions de méthane lors de la digestion des bovins et de réduire le parasitisme interne des animaux. Déjà 8 ballots de 650 kg - soit 5,2 t brutes - ont été récoltés en octobre dernier dans la parcelle de 1,33 ha.
Un méteil avoine, vesce et Fénugrec en interculture
Toujours dans un souci de renforcer l’autonomie alimentaire, d’avoir un sol couvert pour éviter les adventices, de bons tissus racinaires pour le travail du sol et d’éviter que le fumier ne soit lessivé, les 19 et 20 août derniers, après la moisson, un mélange avoine (80 kg) – vesce de printemps (20 kg) – fénugrec (5 kg) a été semé sur 8 ha. Ce méteil a été fauché le 9 novembre puis ensilé le 13. Au total, 108 ballots de 650 kg de méteil ont été récoltés, soit un rendement en tonne brute de 8,78 t/ha. Tout comme pour le sainfoin, des analyses de la matière sèche et des valeurs alimentaires sont actuellement en cours.