Bovin viande
La feuille de route de Culture Viande contre la décapitalisation
Alors que tous les indicateurs de marché sont au rouge, le syndicat de l’abattage-découpe s’est montré combatif en congrès le 15 octobre, entre appels au gouvernement et aux éleveurs pour mieux adapter la production à la demande.
Alors que tous les indicateurs de marché sont au rouge, le syndicat de l’abattage-découpe s’est montré combatif en congrès le 15 octobre, entre appels au gouvernement et aux éleveurs pour mieux adapter la production à la demande.
Lors du congrès de Culture Viande (syndicat de l’abattage-découpe), le 15 octobre à Paris, son président délégué Ludovic Paccard a demandé aux pouvoirs publics une «feuille de route pour enrayer la décapitalisation». Pour les filières hors sol (porcins, veaux de boucherie), «on peut enrayer le déclin», a-t-il estimé, à condition que l’État intervienne pour fluidifier les procédures d’installation et d’agrandissement. Quant aux bovins allaitants, M. Paccard, par ailleurs directeur général de Sicarev, suggère un travail sur deux sujets : «Comment adapter la ferme France ?» (renouvellement des générations et modèles d’exploitation) et «l’adaptation de la production au marché». «Certaines races [bovines] ont un potentiel génétique pour travailler sur la précocité de l’animal», développe-t-il. Des animaux abattus plus jeunes, synonymes, selon lui, «d’un poids de carcasse plus faible et d’un meilleur persillé». Les abatteurs comptent sur la contractualisation pour «réussir à orienter un peu mieux ce que nous proposent les éleveurs», espère Yves Fantou, président de Culture Viande. Alors qu’environ 20 % des animaux sont désormais produits sous contrat, «c’est une petite révolution qui se joue», constate cet abatteur breton.
Vent debout contre Egalim
Plus largement, dans un communiqué diffusé après son événement, la fédération des abatteurs «plaide pour la fin de l’inflation normative et la surtransposition française». Une revendication qui sonne comme un écho à la «pause sur les normes» promise début octobre par le Premier ministre Michel Barnier. «Nous attendons que l’État nous accompagne dans des investissements générateurs de compétitivité», ajoute Yves Fantou, alors que la Stratégie abattoirs annoncée par Marc Fesneau en février est au point mort.
Les abatteurs sont aussi vent debout contre une éventuelle nouvelle mouture de la loi Egalim. «La version 4 ne changera rien par rapport aux trois autres», balaye Jean-Paul Bigard, membre du bureau, considérant que ces textes comportent trop d’exceptions (pas d’application aux grossistes, restaurateurs, marchés de gros, etc.). «Alors que la loi Egalim a été pensée pour régler les problèmes de la filière bovine, seuls 5 à 15 % de la production de viande bovine part dans le circuit Egalim», tacle Alessandra Kirsch, directrice générale associée du cercle de réflexion Agriculture Stratégie. Et de plaider pour une «forme de verticalisation», par exemple en «segmentant des phases d’élevage» (engraissement en pension).
Résultats négatifs
Côté marché, tous les indicateurs sont au rouge : la décapitalisation provoque une baisse des abattages, une hausse des prix payés aux éleveurs et un recul de la consommation dû à l’inflation (- 3,7 % pour les viandes de boucherie en 2023). Sans compter «l’augmentation des charges industrielles – notamment l’électricité et les emballages» (+ 27 %
entre 2022 et 2023). Facteur aggravant : comme la consommation recule moins vite que la production – elle était globalement stable avant 2023 –, elle est davantage satisfaite par l’importation (25 % de la consommation française depuis début 2024). Et ce, d’autant plus que la consommation de viande bovine se développe surtout en RHD, un débouché qui privilégie les produits importés (55 % en 2022).
Résultat : «Les entreprises françaises des viandes de boucherie sont à bout de souffle», alerte Culture Viande dans son communiqué. En 2023, «pour la première fois» depuis le lancement de l’Observatoire des prix et des marges, les industries d’abattage-découpe affichent des résultats négatifs : - 0,9 % en bovins et - 1,7 % en porcs. Les fermetures d’abattoir se multiplient. Déjà, début 2024, Yves Fantou prévenait : «Un abattoir ferme chaque mois.»
Une trentaine de fermetures d’ici 2030
Et le mouvement est appelé à se poursuivre avec le recul des cheptels. Si la décapitalisation bovine se poursuit au rythme actuel, les abattoirs auront 12 500 animaux en moins par semaine à traiter d’ici 2030, selon Bertrand Oudin, le président du cabinet Ceresco. Soit «33 ou 34 abattoirs» menacés de fermeture (sur 233 abattoirs de boucherie en France, selon le ministère de l’Agriculture). D’après ses calculs, basés sur les projections de l’Idele, la chute de la production de viande bovine menacerait aussi 1,4 Mha de prairies, 37 000 emplois (dont 26 000 en élevages), et pourrait faire perdre 1 Md€ à la balance commerciale du secteur (qui passerait de 750 M€ à - 330 M€). Malgré ces sombres perspectives, la filière s’affiche combative. Le slogan du congrès de Culture Viande ? «La viande n’a pas dit son dernier mot.»