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La filière pêche toujours sous la menace du «Brexit»

La perspective d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne sans accord (no-deal) fait craindre aux pêcheurs français une interdiction de l’accès aux eaux britanniques dans lesquels ils pratiquent 30 % de leur activité. Et parfois plus pour les professionnels des Hauts-de-France.

Pendant que les responsables politiques négocient et imaginent des soutiens à la filière pêche en cas de no-deal, les pêcheurs continuent de croiser les doigts.
Pendant que les responsables politiques négocient et imaginent des soutiens à la filière pêche en cas de no-deal, les pêcheurs continuent de croiser les doigts.
© © Michael Lachant - Région Hauts-de-France

La pêche française, et qui plus est, celle qui se pratique de manière professionnelle dans les Hauts-de-France, est-elle amenée à se «réinventer» ? C’est le sentiment de la ministre de la Mer, Annick Girardin qui effectuait un déplacement officiel les 15 et 16 octobre derniers dans le département de la Somme.
À la rencontre de pêcheurs sur la plage du Hourdel, puis en conclusion des journées nationales de l’association des élus du littoral (Anel) à Saint-Valery-sur-Somme, la ministre déclarait ainsi que «pour l’ensemble de la pêche, il va falloir repenser les choses». En filigrane, les négociations toujours compliquées entre l’Union européenne et le Royaume-Uni autour du Brexit après un sommet qualifié «d’échec» organisé à Bruxelles fin de semaine dernière.
Parmi les sujets de désaccord entre le Premier ministre du Royaume-Uni, Boris Johnson et l’Union européenne, celui de la pêche côtoie les garanties réclamées aux Britanniques en matière de concurrence et la manière de régler les différends à l’avenir. Du côté des pêcheurs européens, on continue de croiser les doigts malgré tout, le Brexit «dur» – c’est à dire sans accord – ne devant être effectif qu’à partir du 31 décembre 2020. Si aucun accord ne venait pourtant à être trouvé d’ici cette date, cela serait synonyme pour les pêcheurs français (et européens) d’une interdiction d’accès aux eaux britanniques. Pour la pêche française, cela reviendrait à l’amputer de 30 %. À cela, il faut ajouter une concurrence accrue des pays voisins, également privés de l’accès aux eaux britanniques. Ces perspectives ne font évidemment pas les affaires d’une filière pêche française qui représente quelque 13 000 emplois directs ; le double si l’on considère les activités liées.

Un secteur «clé» pour les Hauts-de-France
Qu’en est-il dans les Hauts-de-France, dont les pêcheurs semblent être en première ligne ? Un document, édité en avril 2019 et remis aux participants des journées de l’Anel par la Région Hauts-de-France, dresse le panorama complet de la filière «pêche» régionale. Avec l’aquaculture, elle y est ainsi décrite comme «performante et dynamique», mais aussi «à accompagner dans sa modernisation». La filière pêche dans les Hauts-de-France, c’est d’abord un vivier d’emplois non délocalisables : 6 700 emplois directs - le secteur agricole et agroalimentaire en compte 130 000 emplois -, 320 entreprises et un chiffre d’affaires de 5,5 milliards d’euros. Elle est, à ce titre, «un secteur économique clé pour la région». La flotte régionale compte 109 navires de petite pêche, 46 bateaux pour la pêche côtière et 6 pour la pêche en haute mer. Ces différents bateaux sont répartis sur 7 sites portuaires. Bien connue lorsqu’il s’agit de sa pratique de loisir, la pêche à pied n’en reste pas moins une composante à part entière de la filière halieutique régionale (cf. encadré) pour laquelle se posent pas mal de questions. Enfin, il faut également compter sur la production mytilicole qui réalise chaque année un chiffre d’affaires de 7,4 millions d’euros pour une production de 3 500 tonnes.

Prêts pour un no-deal ?
En l’attente d’avancées dans les négociations post-Brexit, le ministère de la Mer expliquait il y a quelques jours travailler sur deux «scénarios» : «D’ici le 1er janvier 2021, nous serons parvenus à un accord avec les Anglais ou non, assurait ainsi Annick Girardin sur son compte Twitter. Dans ce cas, des dispositifs d’aides seront mis en place pour soutenir toute la filière.» Lors des journées de l’Anel, le président du conseil régional des Hauts-de-France, Xavier Bertrand évoquait, quant à lui, une «guerre pour la pêche» en cas de no-deal. Le président de la République, Emmanuel Macron a, quant à lui, souligné que les pêcheurs «ne sauraient être les sacrifiés du Brexit», tout en se préparant à ce qu’il n’y ait pas d’accord.

Quel soutien de l’État pour la pêche à pied ?

Dans le document (avril 2019) où la Région Hauts-de-France détaille ses ambitions pour un «développement de la façade maritime des Hauts-de-France» et remis aux participants des journées de l’Association nationale des élus littoraux, la pêche à pied figure bien parmi les activités identifiées dans ce que le Conseil régional considère comme «une filière pêche et aquaculture performante et dynamique à accompagner dans sa modernisation». «La pêche à pied constitue une activité traditionnelle majeure, particulièrement en Baie de Somme et sur le littoral du Pas-de-Calais», décrit la Région. À l’occasion d’Annick Girardin en Baie de Somme les 15 et 16 octobre, les pêcheurs à pied ont profité de ce déplacement pour interpeller la ministre de la Mer sur un certain nombre de sujets, dont celui de la relocalisation de la commercialisation des produits de leur pêche.

Relocaliser la transformation
Pour le guide-nature Philippe Carruette, «les milliers de visiteurs que l’on accueille sur nos plages viennent pour les paysages, mais aussi pour manger des coques...» Problème, la majeure partie des crustacés ramassés prennent la direction de l’Espagne pour y être transformés, faute d’outils pour les valoriser localement. Vice-président du Comité des pêches des Hauts-de-France où il représente les pêcheurs à pied, Samuel Gamain regrette cette situation. Mais il explique face à la ministre «ne pas avoir le choix» : «Le coût d’un atelier de transformation est énorme et les normes sanitaires à respecter sont strictes.» «On a une belle baie, du travail, mais il faut essayer de tout garder. Nous préférerions que nos coques restent sur le marché du frais plutôt que de les exporter, mais pour cela, il faut que l’État nous aide à investir dans une usine de décortication», a défendu M. Gamain.

Histoires de concurrence
Présidente de l’association des ramasseurs de salicornes, Renée Michon a, quant à elle, souligné la concurrence que se livrent les pêcheurs à pieds professionnels les pêcheurs amateurs. Une situation à laquelle la ministre a prévu de répondre par une réglementation plus stricte d’ici janvier 2021 de la pêche aux vers marins.
L’association des pêcheurs à pied de la Côte d’Opale et le Collectif contre la prolifération des phoques représentés par leur président Fabrice Gosselin se sont, quant à eux, émus auprès de la ministre de la présence nombreuse de phoques sur le littoral des Hauts-de-France, de la Baie de Canche à la Baie de Somme. «Nous ne sommes pas contre la présence des phoques, mais contre leur prolifération qui est un vrai problème. On doit pouvoir discuter de leur nombre et de leur impact sur les milieux sans que ce soit tabou», a déclaré M. Gosselin. Chacun est reparti de cette rencontre avec le sentiment d’avoir été entendu.

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