Pommes de terre
La flambée de l'électricité met le feu aux frigos de stockage
Les producteurs de pommes de terre qui stockent leur récolte dans des bâtiments réfrigérés doivent eux aussi faire face à des propositions de renouvellement de contrat de fourniture d'électricité qui dépassent l'entendement. Reportage chez Marc Leroy.
Les producteurs de pommes de terre qui stockent leur récolte dans des bâtiments réfrigérés doivent eux aussi faire face à des propositions de renouvellement de contrat de fourniture d'électricité qui dépassent l'entendement. Reportage chez Marc Leroy.
«C'est indécent...» Agriculteur à Roisel, à la Ferme Nobécourt, Marc Leroy n'en revient toujours pas. «On se réveille la nuit en se demandant comment on va faire...» Début septembre, il a reçu une proposition de son fournisseur d'électricité qui le laisse de marbre : + 577 % (!) «Si je signe ce contrat, je vais passer d'une facture annuelle de 33 078, 52 € – c'est le montant de sa dernière facture – à 224 060, 65 €», détaille l'agriculteur. La proposition est arrivée dans sa boîte mail, sans plus d'explication. La consommation annuelle d'électricité de la Ferme Nobécourt est d'environ 300 000 KwH, avec un pic entre les mois d'août et de février : «C'est à cette période de l'année qu'on a le plus besoin d'énergie pour stocker les pommes de terre.» Marc Leroy, qui produit environ 3 000 t de tubercules, dispose d'une capacité de stockage de 3 400 t et l'affirme : «sans cela, comment stocker des pommes de terre dans de bonnes conditions et dans la durée ?»
Répercuter le coût ? Impossible
Les pommes de terre produites par Marc Leroy sont destinées au marché du frais, sous contrats avec deux négociants. Répercuter le surcoût de l'électricité lui est pour l'heure impossible : «Quand j'ai signé mes contrats au printemps, à la plantation, on ne savait pas qu'on allait prendre une telle hausse...» Le stockage qu'il réalise pour d'autres – environ 400 t - revient également plus cher. Cette hausse du tarif de l'électricité s'ajoute à d'autres charges qui ont déjà explosé : «l'engrais a été multiplié par trois, constate M. Leroy. Le carburant a augmenté et le prix du matériel a doublé en vingt ans». Rien que le surcoût lié à l'augmentation du prix de l'énergie est estimé à «66 € par tonne». Sur les conseils de ses acheteurs, l'agriculteur tente de négocier avec son fournisseur. Problème, «on attend encore des contre-propositions». Son contrat de fourniture court jusqu'au 30 septembre. Après ? «On ne sait pas où l'on va...»
Plus de blé, moins de pommes de terre
«Au fur et à mesure que les frigos vont se vider, on les arrêtera», explique l'agriculteur. Logique, mais pas forcément suffisant : «La marchandise part au compte-goutte, en fonction de la demande des acheteurs. Et nous ne sommes pas les seuls à les approvisionner...». Pour l'aider à faire face, il explique avoir eu recours pas plus qu'il y a quelques jours à un conseiller en énergies : «Une des solutions pourrait être d'investir dans un groupe électrogène pour produire de l'électricité moi-même, mais est-ce vraiment une solution ?, interroge-t-il. Il va falloir l'acheter et l'alimenter. À l'heure où l'on parle de diminuer les consommations d'énergie fossile, ce n'est pas terrible non plus...» Produire de l'électricité à partir de panneaux photovoltaïques couvrant ses bâtiments ? «Évidemment, j'y ai pensé, mais il faut déposer un permis, faire des démarches et cela va prendre plusieurs mois. Ce n'est pas ce qui va régler la situation des prochains mois.» En attendant d'y voir plus clair, Marc Leroy attend un geste de l'État : «Si on doit avaler une hausse pareille, on va travailler pour rien, voire pour être en déficit. On peut à la rigueur tenir un an, mais si cela doit durer dans le temps, on arrêtera de faire des pommes de terre et de faire tourner les frigos pour faire du blé...»