BOIS ET FORETS
La forêt face au changement climatique
Une table ronde récemment organisée au Sénat a permis de dresser un état sanitaire des forêts françaises et de souligner les défis que doit affronter la filière bois.
Une table ronde récemment organisée au Sénat a permis de dresser un état sanitaire des forêts françaises et de souligner les défis que doit affronter la filière bois.

Président de la commission de l’Aménagement du territoire et du développement durable de la chambre haute, le sénateur Jean-François Longeot (UDI, Doubs), a ouvert la table ronde sur la nécessité «d’être au chevet des forêts françaises, compte tenu des menaces et notamment des pressions climatiques et hydriques qui pèsent sur elles.» La forêt française souffre : en dix ans, la mortalité des arbres a été multipliée par deux sous l’effet des sécheresses et des attaques de scolytes qui visent en particulier les épicéas. Des données confirmées par Albert Maillet, directeur des forêts et des risques naturels à l’Office national des forêts (ONF). La croissance naturelle de la forêt a diminué de 10 % lors de cette même décade, et la séquestration de carbone a été réduite de moitié. «Tout cela s’est produit en dix ans, une évolution très rapide pour des écosystèmes habitués à des cycle longs, de l’ordre de plusieurs centaines d’années» a-t-il déclaré.
Mortalité accrue
Antoine Ponton d’Amécourt, président de Fransylva, la fédération des propriétaires forestiers privés, soit 75 % des surfaces forestières, constate les mêmes dégâts. «On ne récolte que 60 % de la production biologique, les vieux arbres dépérissent (…) on choisit celui qui tient le mieux et non plus le plus beau.» Or la forêt française couvre 32 % du territoire national et procure des services écosytémiques considérables. Elle purifie l’eau, capte le carbone et abrite 80 % de la biodiversité terrestre. «Il est urgent de la protéger», ont clamé les différents intervenants. Pour Albert Maillet, de l’ONF, «il faut intervenir plutôt que laisser faire la nature car d’ici 2100 la température risque de prendre quatre degrés supplémentaires. La diversité de la forêt est un levier de résilience pour l’aider à passer ce cap de quatre degrés mais la moitié des surfaces va être en inconfort climatique.»
Parmi les solutions envisagées, faire migrer des essences méridionales, comme le pin maritime ou le chêne pubescent vers le nord et changer le cocktail d’essences, aux dépens du hêtre. Philippe Label, chercheur à l’Inrae, confirme une accélération de la mortalité des forêts en Europe de l’Ouest car le bouleversement climatique va trop vite pour des forêts installées depuis le Moyen Âge. «Il faut améliorer nos connaissances et considérer les arbres avec leurs cohortes d’espèces qui les aident à vivre, comme les champignons», a-t-il soutenu. En matière de recherche il faut noter la mise en place du projet européen «Reinforce» qui a implanté 38 arboretums du Portugal à l’Ecosse pour observer les migrations d’essence.
«Forêt mosaïque»
La sénatrice, Anne-Catherine Loisier (UDI, Côte d’Or), très liée à «son petit coin de Morvan» a rappelé que «l’enjeu environnemental de la filière passe par la forêt mais aussi par le matériau bois». Le bois matériau capte aussi le carbone et il convient de développer ses usages. En tant que présidente du groupe d’étude «Forêt et filière bois», elle est revenue sur la nécessité d’adapter les scieries pour mieux valoriser toutes les essences et aussi les bois sinistrés. En réponse aux questions sur une gestion qualifiée de court-termisme et mal adaptée des forêts, le représentant de l’ONF a insisté sur la volonté de l’Office de mettre en place une forêt «mosaïque» dont la diversité des essences renforce la résilience. La biodiversité restera le principe de gestion prioritaire face au productivisme et la forêt ne sera pas dédiée à la production de bois-énergie mais toujours de bois d’œuvre. Pour la forêt privé, les plans simples de gestion (PSG) sont obligatoires à partir de vingt hectares contre vingt-cinq auparavant. Il s’agit de renforcer la durabilité des massifs et de mieux prévenir les incendies. Cette règle oblige vingt mille nouveaux propriétaires à faire agréer ces PSG.
2024, une année favorable aux plantations
Selon une étude publiée fin mars par le ministère de l’Agriculture, 2024 a été «une année très favorable à la réussite des plantations sur l’ensemble du territoire» pour les forêts françaises. Sur un panel de 1 124 plantations sur 65 essences d’arbres, le ministère indique que seulement 15 % des plantations affichent un taux de reprise inférieur à 80 M et que seuls 7 % des plants sont morts, ce qui situe l’année 2024 à la 7e place des années les plus réussies sur la période 2007-2023. La moitié des plantations (52 %) sont des essences de chêne sessile, de douglas, du pin maritime et de cèdre de l’Atlas. Sur les 1 124 plantations observées, 671 sont des conifères et 453 des feuillus dont 47 essences de peupliers. Le taux de mortalité est plus élevé en Méditerranée (29,8 %) que dans les Vosges (4,3 %) ou le Sud-Ouest (4,9 %). Côté essence, chez les conifères, le pin à l’encens semble mieux résister (1,21 % de mortalité) que le sapin de Bornmüller (8,27 %). Chez les feuillus, le chêne pubescent paraît plus solide (3,08 % de mortalité) que l’érable sycomore (6,95 %). La forêt française couvre presque 18 millions d’ha (32 % du territoire métropolitain). Elle a gagné environ 50 000 ha chaque année entre 1908 et 1985. Sur les 40 dernières années, elle a augmenté de 90 000 ha par an, soit +3,3 millions d’ha depuis 1985.