La perte de son élevage indemnisée ?
À Le Boisle, Yann Joly a vu son troupeau de VL dépérir suite à l’implantation d’un parc éolien en 2011 et 2013. Une procédure judiciaire, menée par l’avocat de l’Anast (Association nationale animaux sous tension), est en cours.
À Le Boisle, Yann Joly a vu son troupeau de VL dépérir suite à l’implantation d’un parc éolien en 2011 et 2013. Une procédure judiciaire, menée par l’avocat de l’Anast (Association nationale animaux sous tension), est en cours.
Yann Joly, installé à Le Boisle, était de ces éleveurs laitiers qui se donnent les moyens de réussir. «J’ai repris l’exploitation familiale en 1995 et j’ai beaucoup misé sur l’atelier lait», confie-t-il ce 23 février, lors d’une conférence de presse organisée avec l’Anast (Association nationale animaux sous tension). En 2010, après la construction de bâtiments d’élevage performants, l’éleveur investit dans une nouvelle salle de traite. «À l’époque, j’avais trois-cents bêtes dont cent-vingt vaches laitières, qui produisaient 950 000 l de lait. Pour m’épauler, un salarié à temps plein était dédié à l’atelier lait.»
En 2011, il apprend qu’un parc éolien va se construire à proximité de son élevage et voit le projet d’un bon œil. «Je l’ai même soutenu. Je trouvais l’idée d’une production d’énergie alternative intéressante. Une des éoliennes est d’ailleurs construite dans une parcelle que j’exploite.» Onze éoliennes sont construites en 2011. Dès que les machines à vent se mettent à tourner, les problèmes apparaissent dans son troupeau. «La production a baissé d’un tiers, et la qualité du lait était mauvaise. Je constatais aussi des soucis de pattes.» Malgré les investigations des techniciens d’élevages et du vétérinaire, aucune explication logique n’est donnée.
«En 2013, le parc éolien est passé à vingt-quatre éoliennes. À partir de cette date, c’était la descente aux enfers», raconte-t-il, les yeux humides. Les images qui lui restent en mémoires sont le reflet du cauchemar qu’il a vécu. «Mes vaches souffraient de problèmes de reins, de foie, d’infections mammaires, de mises bas compliquées… Et la mortalité a explosé. Je faisais des tas de carcasses pour l’équarrissage. Un demi-camion pouvait partir chaque semaine.» La cause des maux est alors établie grâce à l’expertise d’un géologue : les éoliennes sont construites sur une rivière souterraine qui passe sous le bâtiment d’élevage. Or, les ondes électromagnétiques sont véhiculées par l’eau. La plus grosse conséquence : lors d’intense activité des machines, les vaches ne s’abreuvent plus. «Elles buvaient en moyenne 3 m3 au lieu de 15 m3. Quant on sait qu’il faut 3 l d’eau pour faire 1 l de lait…»
En 2015, au bord du dépôt de bilan, Yann Joly prend la décision de mettre un terme à l’activité d’élevage laitier et vend son troupeau, maigre et en mauvaise santé, à un prix dérisoire. Son salarié est licencié. L’agriculteur exploite toujours ses 160 ha, a recours au stockage pour valoriser ses bâtiments, et propose ses services en tant que prestataire. Il élève également quelques bœufs pour valoriser ses 40 ha de prairie. «Je les nourris énormément aux betteraves fourragères pour compenser le manque d’eau les jours de grand vent. Les conséquences sont moins importantes que sur les VL, mais tout de même, je les garde six mois de plus que la moyenne, et ils pèsent 50 kg de moins que l’objectif», précise-t-il. Ces activités ne lui permettent ni de se tirer un salaire, ni de rembourser les 350 000 € de dettes qu’il a envers ses fournisseurs. «Je perds 100 000 € d’EBE chaque année. Aujourd’hui, cela représente 1 million d’euros»
Un avant… Et un après
Grâce au soutien de l’Anast (Association nationale animaux sous tension) et du soutien juridique de leur avocat, maître François Lafforgue, Yann Joly compte bien obtenir réparation financière, pour le préjudice qu’il subit, devant les tribunaux. «Une dizaine de dossiers similaires font l’objet d’une procédure, et une quinzaine sont à l’étude dans notre cabinet. Le point commun de tous ces éleveurs : il y a eu un avant (les installations électriques, ndlr), ou tout allait bien et où les résultats techniques et financiers étaient bons, et un après, où tout s’est dégradé», précise l’avocat. Dans le cas de l’éleveur samarien, des éléments objectifs constatés par huissier, comme le non-abreuvement des animaux, pourraient permettre d’obtenir gain de cause, au titre d’un «trouble anormal de voisinage». «Nombre d’éleveurs dans le cas de Yann Joly sont trop longtemps restés seuls. Leur regroupement au sein de l’Anast nous permet d’aborder les dossiers différemment», soutien l’avocat.