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La pomme de terre en plein émoi chez D’Hoine et fils

Les arrachages de pommes de terre battent leur plein en plaine. Chez D’Hoine et fils, entreprise de conditionnement et de commercialisation basée à Boves, on s’affaire pour suivre le rythme. 

Aussitôt bennées, les Franceline, variété semi-précoce à chair ferme et à la peau rouge clair, entament leur chemin vers la mise en sac : tri, calibrage, lavage, tri à nouveau, conditionnement… Ce 20 septembre, comme chaque jour depuis l’attaque des arrachages de pommes de terre, début août, l’activité a repris intensément chez D’Hoine et fils, à Boves. Les dix-sept salariés, dont six chauffeurs, se relaient jours et nuits pour assurer le ravitaillement depuis les champs (une moitié du transport est assurée par les chauffeurs, l’autre par les agriculteurs eux-mêmes), ainsi que les livraisons six jours sur sept, essentiellement à destination des grandes surfaces (Auchan, Aldi, Carrefour, Casino, marché de Rungis…).

La conjoncture a déjà été meilleure, mais l’équipe reste motivée. «Avec la météo froide et pluvieuse de l’été, les variétés hâtives ont pris du retard, et on a perdu de la vente. Le commerce est un peu mou. Il faut croire que les gens consomment moins de pommes de terre en ce moment… Mais on reste optimiste», sourit Éric D’Hoine, co-dirigeant avec sa femme, Catherine. L’entreprise mise sur la qualité de la quinzaine de variétés de pommes de terre qu’elle commercialise, - Milva, Franceline, Artemis et Marabel sont les plus produites - soit 25 000 t cultivées dans un rayon de 40 km. Les producteurs sont tous certifiés Global Gap, et chaque lot passe sous la loupe experte d’Émilie, la responsable qualité. «J’effectue des tests de conservation, des tests de cuisson à la vapeur, pour s’assurer que la pomme de terre ne se démonte pas, ou encore de frites», précise-t-elle. Ici, le moindre tubercule trouve son débouché. «Le calibre 35-55 cm est celui demandé en grande surface. Le plus de 55 cm part à Rungis, et sera transformé en frites par les professionnels. Les déchets servent surtout à l’alimentation animale», précise Éric D’Hoine.

 

Sam et Nono, les robots conditionneurs

Elles sont loin, les années où tout se faisait à la main chez D’Hoine et fils. Aujourd’hui, les conditions de travail sont largement améliorées grâce à la robotisation. «C’est surtout beaucoup de surveillance», précise le gérant. Son œil attentif ne quitte d’ailleurs pas l’écran de son ordinateur, depuis lequel il a une vision d’ensemble du bâtiment, dont chaque espace est équipé de caméras. Le tri nécessite toujours les petites mains habiles des trieuses pour fignoler, mais la plus grosse partie des déchets et des mottes de terre est écartée par les machines. 

Surtout, plus besoin de soulever les lourds sacs, car deux robots, alias Nono et Sam, s’en chargent. «Nous disposons de trois lignes de conditionnement, et bientôt d’une quatrième car, en pleine période, il est difficile de tenir le rythme.» Le conditionnement se fait du petit sachet de 1 kg au sac de 25 kg. «Les trois quarts de la vente sont du 2,5 à 5 kg.» Chaque client a son étiquette bien spécifique et, pour la plupart désormais, une photo d’un producteur de chez D’Hoine et fils y apparait. Ainsi, pour Carrefour, Louis Lebrun, producteur à Herleville, pose fièrement dans son champ de pommes de terre sur le sachet de Franceline, idéales «vapeur, raclette, gratin et rissolées», garanties «Filière qualité Act for food» et «sans traitement après récolte».

 

La frite maison en vogue

Sans traitement après récolte ? «C’est une demande de certains de nos clients que nous parvenons à respecter», assure Éric. Dans ses locaux, l’entreprise dispose d’une capacité de stockage de 5 000 t, le reste étant stocké chez les agriculteurs. Depuis l’arrêt du chlorprophame (CIPC), D’Hoine et fils a opté pour le Dormir et pour l’huile d’orange. La température des bâtiments est parfaitement maîtrisée. «C’est très important pour les pommes de terre destinées aux frites. Nous les conservons à 7°C pour éviter qu’elles ne sucrent et virent au marron. Nous arrivons ainsi à conserver leur qualité jusqu’à la récolte suivante.»

Les frites, d’ailleurs, sont un débouché qu’Éric a développé auprès des restaurateurs. Ils représentent aujourd’hui 15 % de sa clientèle. «Mon père, Willy, a connu une époque où il livrait la restauration collective locale. Chaque semaine, dans certaines cités scolaires, une tournée de frites nécessitait plusieurs tonnes de pommes de terre mais, aujourd’hui, ces cantines préfèrent le surgelé au frais pour une question de simplicité.» Les restaurants, en revanche, s’y sont remis. «Ils se remettent à éplucher parce que leurs clients veulent des frites maison.» 

La pomme de terre n’est plus à table à chaque repas comme il y a cinquante ans, mais elle reste un incontournable de l’alimentation des Français, qui en consomment environ 50 kg chaque année, dont environ 20 à 25 kg en frais (achats, production des jardins, restauration). D’Hoine et fils a donc encore un bel avenir.

 

Beau comme un camion 

Chez D’Hoine, au moins autant que la pomme de terre, sinon voire plus, on aime les camions. «J’ai sillonné toute l’Europe derrière mon volant. C’est une passion de famille, que nous partageons avec nos salariés», confie Éric D’Hoine. Chacun dispose de son propre Scania - «le top du camion», qu’il peut tuner comme il le souhaite. Tous les semis-remorque D’Hoine et fils disposent d’ailleurs de leur maquette, exposée dans la vitrine du bureau auprès des coupes raflées lors de meetings. Pas question de ne faire que du paraître néanmoins. «Certains camions ont 2 millions de km au compteur.»
Le camion phare de l’entreprise est, depuis peu, celui de Johan. «Il a dédié son camion à mon père, Willy, décédé il y a un peu plus de deux ans.» Un portrait de l’ancien chef d’entreprise épluchant des pommes de terre a été reproduit à l’arrière de la cabine. Celle-ci, dont l’intérieur a été entièrement refait de matelassures beiges, est plus luxueuse que nombre de salons. «Ne pensez même pas y monter avec vos chaussures», avertit Éric. Au-dessus de la fenêtre passager trône un portrait de Mr et Mme Willy D’Hoine le jour de leur mariage. C’est dire si le patron était cher aux yeux des employés. Aujourd’hui encore, l’ambiance familiale perdure. Sébastien Watel, un des six chauffeurs, ne peut qu’apprécier les conditions de travail. «Ici, on n’est pas un numéro. Tout le monde se connaît. On a de beaux véhicules, une station de lavage, une salle de pause… Je suis là depuis dix ans, et je compte bien finir ma carrière ici», livre-t-il. 
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