«La raison de notre retrait»
Mickaël Poillion représentait Pierre de Saintignon à la rencontre du 27 novembre dernier à l’auditorium du Crédit Agricole. Son analyse du premier tour.
Si les résultats obtenus dimanche dernier par la liste de Pierre de Saintignon ont mis K. O. plus d’un des colistiers, ils n’ont pas hésité cependant longtemps avant de se décider.«Dès dimanche soir, il était clair pour nous tous qu’il était hors de question de donner la Région et des fonds européens à des gens anti-européens. Telle est la raison de notre retrait. En cela, la décision de se retirer n’a pas été douloureuse, même si, à mon grand dam, je vais devoir voter Xavier Bertrand ce dimanche», déclare Mickaël Poillion, agriculteur et sur la liste PS dans le Pas-de-Calais. Avant d’ajouter : «J’appelle les paysans à bien réfléchir. Si l’Europe est en partie responsable de leurs problèmes, elle est aussi une grande partie de la solution. Aussi est-il urgent que Xavier Bertrand et Jean-Michel Serres appellent à ne pas voter pour l’extrême droite.»
On aurait pu imaginer que les candidats de différentes sensibilités s’unissent pour travailler ensemble. Mais la position des Républicains, clairement définie par son chef de file national, Nicolas Sarkozy, comme par Xavier Bertrand, qui avait déclaré dès le début de la campagne qu’il ne changerait pas sa liste au second tour des élections, a écarté toute velléité en ce sens. «On n’est pas foutu aujourd’hui de faire cela alors qu’on pourrait s’accorder sur quelques points de convergence. Pour y parvenir, il faut sortir de la politique spectacle et être pragmatique. On voit bien pourtant que les appareils sont dépassés et qu’il est temps de réinventer la politique, mais personne n’est prêt, à l’évidence. Pourtant, il y a urgence», commente l’agriculteur calaisien.
L’isolement des zones rurales
Urgence, parce que les résultats de dimanche dernier révèlent un malaise profond de la société tout entière, et particulièrement des zones rurales. «Si les attentats de novembre ont clairement fait le jeu du FN, le sentiment d’isolement et d’incertitudes, qui règne dans les zones rurales, participe tout autant au sentiment d’insécurité éprouvé dans ces territoires, et sur lequel surfe l’extrême droite. Cet isolement, dont souffrent les zones rurales, est lié au délitement des institutions locales, associatives et syndicales qui ne jouent plus leur rôle. Comme tout cela n’existe plus, il ne faut pas s’étonner d’avoir ces réactions extrêmes de la part des plus fragiles ou de ceux qui se sentent fragilisés. D’où cette situation de rejet qui s’exprime et se traduit, entre autres, par le vote extrême, car on a perdu le sens du bien commun», analyse Mickaël Poillion.
Une fois le constat fait, quel enseignement tirer de ces résultats ? Au soir du premier tour, tous les politiques invités à s’exprimer sur les résultats ont annoncé qu’ils tireraient les enseignements qui s’imposent face aux résultats du premier tour des élections régionales. Un discours récurrent à chaque élection, au demeurant, mais qui semble rester lettre morte. Pour sa part, Mickaël Poillion affirme n’avoir jamais cru à ces discours. «Je ne tire pas d’enseignement de ce qui vient de se passer. Ce que je sais, en revanche, c’est qu’il va falloir faire autrement et autre chose, sauf que personne n’est en capacité de porter une dynamique collective. Et d’autant que l’on n’arrive pas à se dire de quoi on a vraiment besoin. C’est simple, chacun doit prendre sa part dans ce bordel, autrement dit, chacun doit prendre sa part de responsabilité. Il doit en être de même dans l’agriculture», affirme-t-il.
L’agriculture, demain
Demain, avec la fusion des régions, notre grande région sera la première région agro-alimentaire de France.«C’est formidable, relève Mickaël Poillion, sauf que des tas de problèmes n’ont pas été réglés tels que la volatilité des cours des matières premières (intrants et productions), ce qui entraîne une crise des produits et des productions, et aussi des charges de structures toujours plus lourdes.»
Alors, plutôt que d’affronter la volatilité des cours des matières premières, «ne serait-il pas plus pertinent d’appliquer une autre façon de faire autour de l’innovation sociale, la diversification des productions, la diminution des charges ou encore la mise en réseau des agriculteurs à travers une coopération renforcée ?», interroge-t-il. Sans cela, ne survivront que les plus compétitifs dans ce milieu.