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La Somme a encore des terres fertiles : un capital à protéger

A l'occasion de leur assemblée générale, les jeunes agriculteurs de la Somme ont organisé une table ronde sur la préservation de la fertilité des sols.

Une table ronde fort intéressante sur un sujet de fond.
Une table ronde fort intéressante sur un sujet de fond.
© AAP


C'est cette année un sujet technique, la fertilité des sols, que les JA avaient choisi pour thème de la table ronde organisée dans le cadre de leur assemblée générale le 24 janvier à Amiens. Un sujet de fond, qui engage l'avenir et sur lequel les jeunes agriculteurs ne manquent donc pas de se poser des questions. Pourra-t-on encore cultiver dans quarante ans dans la Somme ?
Hubert Boizard, chercheur à l'Inra, s'est montré rassurant. "La fertilité, a-t-il d'abord précisé, c'est la combinaison d'un milieu avec des intrants. Tout en sachant qu'aujourd'hui, l'enjeu est de maintenir un haut niveau de production avec moins d'intrants, ce qu'on appelle maintenant l'agro-écologie".

Le danger c'est la monotonie
Pour le chercheur, la fertilité des sols ne s'est pas dégradée dans la région. Mais elle est très dépendante des intrants. Il explique que le vrai danger, c'est la monotonie, une seule culture. "Ce n'est pas le blé seul qui permettra d'être autonome", c'est à dire de redonner au sol ce qu'on lui a demandé pour la culture. Aussi, préconise-t-il la diversification des cultures. La rotation favorise un meilleur équilibre biologique des sols, réduit la pression des adventices et développe la complémentarité entre les cultures. "Dans la Somme, nous avons la chance d'avoir cette diversité, défendez-la". Il insiste également sur l'intérêt des cultures intermédiaires qui stockent de la matière organique et limitent les pertes d'azote.
Et comment favoriser l'état structural du sol ? Pour Hubert Boizard, "il faut aller vers la réduction du travail du sol, car l'affinement excessif de la terre est nocif". Mais il plaide pour la flexibilité des pratiques : "on ne doit pas opposer semis direct, labour, non labour... mais bien adapter le travail à ses sols. On va aller vers des pratiques plus diversifiées. Un labour à profondeur limitée, même en semis direct, ce n'est pas catastrophique".
Se pose aussi le problème des tassements de sol, particulièrement sévères dans les systèmes légumiers. "On peut réduire un peu ces tassements dans ces systèmes, sans pouvoir toutefois les éviter. La vraie question, ce sont les tassements en sous sol : dans près de la moitié des parcelles, les pommes de terre souffrent d'un enracinement réduit", explique-t-il.

Non labour ne rime pas avec simplification
Trois agriculteurs ont témoigné de leurs pratiques. Olivier Emery, sur une exploitation en système légumier à Proyart, ne laboure plus depuis vingt ans. "J'avais un sol compacté, pour faire remonter le taux de matière organique je n'ai plus labouré. Ce n'est pas agronomique de broyer le mulch d'un sol, mieux vaut le laisser sur place", explique-t-il. A ceux qui voudraient se lancer dans le non labour, il donne quelques conseils : ne pas investir dans du matériel spécifique si on a un assolement diversifié, et savoir prendre son temps, c'est à dire travailler seulement quand la météo est favorable. Une erreur à éviter : non labour ne rime pas avec simplification. "Après la moisson, je fais un travail superficiel, je laisse régénérer, je fais à nouveau un travail superficiel, puis je sème un engrais vert avec un semoir à céréales. Pour une culture de printemps, il faut arriver au semis sur un sol propre, sans aucun végétal... comme s'il avait été labouré", indique-t-il. Côté résultats, Olivier Emery est satisfait : "je suis dans le premier quart pour les rendements". Quant aux charges, "elles ont baissé les premières années de non labour, mais elles ont remonté depuis pour une question de confort de travail ; je souhaite faire le maximum dans les meilleures conditions".

Gagner du temps
Benoît Rigolle, polyculteur éleveur à Hallencourt, est motivé par le gain de temps et la réduction des intrants. C'est ce qui l'a conduit à abandonner la charrue et à pratiquer le semis direct. Et il s'est mis au strip till. "Le but était de limiter le travail du sol pour réduire les adventices. On nettoie le lit de semences, on amène l'engrais pour la betterave ou le maïs. J'ai ainsi diminué de 30% les apports d'azote. Après on prépare la terre et on peut semer, même après un gros orage. On ne tasse plus le lit de semences. En betteraves j'ai supprimé le désherbage de post semis, et ça reste très propre. Et en rendement on gagne 5 à 7 tonnes. Mes maïs se développent moins vite que ceux des voisins, mais le résultat est là également. En fait, il faut être patient" .
Pour Benoît Rigolle, la clé de la réussite c'est d'avoir des sols toujours couverts. "L'azote ne va pas dans les nappes, en l'absence de labour elle ne minéralise plus, elle se libère au fur et à mesure et la culture ne connaît plus de faim d'azote".
Benoît Rigolle est satisfait du gain de temps réalisé. "J'ai le temps de m'occuper de mon élevage et de profiter de la vie", commente-t-il. Il estime qu'on peut encore progresser dans cette voie, mais à condition de le faire en groupe.

Les cultures intermédiaires : des effets bénéfiques
Il existe aujourd'hui des références en la matière. Depuis cinq ans par exemple la chambre d'agriculture étudie l'impact des cultures intermédiaires. "On les considère souvent comme des charges, mais elles peuvent être source de profit, de productivité", souligne Jean-Pierre Pardoux, responsable du pôle référence à la chambre d'agriculture.
"Il n'y a pas que l'aspect piège à nitrates. Et il ne faut pas confondre l'argument agronomique avec l'argument économique", commente Thibaud Leroy, ingénieur conseil à la chambre d'agriculture, donnant quelques exemples. "La moutarde est moins chère que la phacélie, mais cette dernière présente de nombreux avantages agronomiques. Une moutarde dans du colza, c'est deux crucifères qui vont favoriser le parasitisme. Les mélanges sont intéressants car on peut produire de l'azote avec des légumineuses".

Un outil d'aide à la décision
L'agriculteur dispose aujourd'hui de l'outil d'aide à la décision Simeos AMG en matière de gestion et de conservation de l'état organique des sols. Il a été mis au point par Agro-Transfert. Comme l'explique sa directrice, Caroline Surleau, il s'agit d'un logiciel qui intègre toutes les connaissances relatives aux pratiques des agriculteurs et leur impact sur l'état des sols. A partir de là, il peut donner un conseil personnalisé ; par exemple, si je peux ou non exporter les pailles dans mon système d'exploitation. Pour cela, l'agriculteur renseigne sur son assolement, ses pratiques actuelles et l'outil effectue une simulation dans le temps. On peut alors intervenir sur l'assolement, modifier la façon de faire.
Jérôme Puche, agriculteur à Misery sur une exploitation en système légumier, continue lui à pratiquer le labour. Il était confronté à un problème de battance et de teneur en matière organique du sol plutôt faible. Pour le résoudre, il a eu recours à Simeos AMG. «Mon objectif est de faire remonter de deux points au moins le taux de matière organique de mes sols, indique-t-il. On a établi différents scénarios. Je voulais maintenir le labour. Mais l'outil a montré que le travail du sol profond peut impacter le taux de matière organique. J'ai donc décidé de remonter la profondeur du labour à 25 cm et d'aller vers les 20 cm».

L'année 2013 n'a pas été de tout repos

Vendredi 24 janvier, quelque 170 personnes se sont retrouvées à l’auditorium du Crédit Agricole à Amiens pour d’une part découvrir les activités du syndicat jeune en 2013 et d’autres part assister à la table ronde qui était cette année consacrée à un sujet technique (voir ci-dessus).
Présenté par Armand Paruch, secrétaire général des JA, le rapport d'activité a été ponctué de sketchs qui ont mis humoristiquement en lumière quelques thématiques chères aux jeunes agriculteurs comme l’installation et le foncier.
2013 a été marquée par les élections de la chambre d’agriculture où le binôme JA/FDSEA a convaincu près de trois agriculteurs sur quatre. "Cette réussite, nous la devons à la réactivité et à l’implication du réseau. Outre nos activités «habituelles» telles que la communication dans les écoles, notre manifestation «Papilles en Fête», notre participation aux foires locales avec le Pose à Terre, et notre travail sur l’installation, nous avons connu l'an dernier une forte activité syndicale : action «environnement et directives nitrates», action dans les grandes surfaces pour obtenir de justes prix pour les agriculteurs, défense des intérêts des futurs installés, action pour la préservation du foncier, rencontre avec les parlementaires… Bref, l’année n’a pas été de tout repos !" a commenté Armand Paruch.
Il a également cité deux autres moments phares de l’année : le concours national Graines d'agriculteurs remporté par Damien et Mathieu Devienne grâce à un projet d'élevage novateur et ambitieux, et la Plaine en Fête qui a regroupé près de 10 000 personnes à Faverolles près de Montdidier.
L'année a été élective. Avec huit nouveaux présidents de cantons et 23 administrateurs élus dont dix nouvelles têtes, le syndicat a de l’avenir. Il devait élire en fin de semaine son nouveau bureau. Nous y reviendrons dans notre prochaine édition.

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