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La vente directe a de plus en plus le vent en poupe

La vente directe et les circuits courts sont-ils un phénomène de mode ou un débouché économique intéressant pour les agriculteurs ? Témoignage de Christelle Fromentin, productrice laitière installée à Ponthoile.

Christelle Fromentin :  «Il faut réapprendre aux gens à consommer des produits naturels et à sortir des codes industriels, tâche ardue s'il en est.»
Christelle Fromentin : «Il faut réapprendre aux gens à consommer des produits naturels et à sortir des codes industriels, tâche ardue s'il en est.»
© AAP


La vente directe a le vent en poupe. Tel était le thème retenu pour la table-ronde organisée par l’Association régionale des vendeurs directs (ARVD), lors de son assemblée générale le 3 mai dernier, à Esquerchin (cf. ci-dessous). Matraquage politique ou prêche de convaincus ? Difficile d’échapper dans tous les cas aux discours sur la vente directe et les circuits courts. Rien de tel pour recréer du lien entre les agriculteurs et les consommateurs, et rien de mieux que la diversification de l’activité agricole pour trouver de la valeur ajoutée permettant d’engranger des revenus, entend-on un peu partout.
Les collectivités territoriales se sont également engouffrées dans la brèche, soit sous l’impulsion des écologistes, soit pour des raisons touristiques. Les produits du terroir font florès désormais. C’est une réalité incontestable. La Picardie n’échappe pas à la tendance, même si les circuits courts et la vente directe restent encore l’apanage d’une minorité. «Ce n’est pas dans la culture d’origine des agriculteurs d’ici, reconnaît Christelle Fromentin, productrice laitière à Ponthoile, mais ça bouge de plus en plus.» Pour elle, dans tous les cas, la transformation d’une partie du lait de l’exploitation de son mari en produits laitiers a bel et bien ouvert la voie d’une diversification en cours de réussite, même s’il est encore trop tôt pour tirer des résultats définitifs.

La vente directe comme pied à l’étrier
Si c’est en forgeant qu’on devient forgeron, c’est en pratiquant la vente directe que la productrice laitière en a découvert tous les attraits. A la différence de nombre de ses congénères, son projet est à l’origine de sa reconversion professionnelle en 2013. A la recherche d’un projet, c’est une réunion à la Chambre d’agriculture qui lui met la puce à l’oreille. Les discours passionnés d’agriculteurs assurant la transformation de leur lait la convainquent d’en faire autant. Elle se lance tête baissée, suit formation sur formation, puis intègre un groupe de travail sur le sujet.
Son mari, installé en Gaec avec trois associés, pratique la polyculture et l’élevage sur une exploitation de 100 ha, dont 26 ha de prairies. Sur les 560 000 litres de lait produits par an avec 55 vaches laitières, Christelle lui propose d’en transformer 40 000 litres pour faire du beurre, de la crème fraîche, de la faisselle, du fromage blanc, des yaourts et des desserts lactés. Ensemble, ils créent la SARL SETC Fromentin en novembre 2013, date de son installation. Ils investissent 70 000 euros pour le matériel et la création d’un atelier de 45 m². Après avoir obtenu l’autorisation d’ouverture, elle lance son activité en avril 2014.
Pour écouler sa gamme de produits laitiers, la seule option est la vente directe. «C’était le seul moyen de mettre le pied à l’étrier», dit-elle. Son atout ? Plus personne ne faisait du beurre de baratte dans la région. Le bouche-à-oreille et la qualité de ses produits contribuent également à la constitution de sa clientèle. L’activité démarre sur les chapeaux de roue. C’est le début de la saison touristique en Baie de Somme. Mais, une fois celle-ci achevée, fin septembre, son chiffre d’affaires baisse de moitié. Il est alors indispensable pour elle de compléter ses ventes en passant par des intermédiaires.
Son intégration dans les réseaux Somme produits locaux et Bienvenue à la ferme lui ouvre les portes de restaurateurs, de collèges et de magasins faisant des produits du terroir. Mais sa dérogation de vente sanitaire ne lui permet pas de vendre plus de 30 % de sa production par des intermédiaires. Pour sortir de cette impasse, elle signe un contrat de progrès avec la Chambre d’agriculture, qui inclut l’amélioration de son plan de maîtrise sanitaire et l’obtention de l’agrément européen. L’intérêt de ce dernier ? Vendre sans avoir de limites de quotas.

Avantages et limites de la vente directe
Compte tenu de sa gamme de produits (1 400 kg de beurre par an, 1 200 yaourts par semaine et le reste en crème fraîche, fromage blanc, faisselle et desserts lactés), la DDPP considère que l’atelier est trop petit. De nouveaux travaux sont engagés. Un atelier réception lait et écrémage est créé, ainsi qu’un local de stockage désemballage. L’atelier fait désormais
97 m². Au total, le couple a investi 130 000 euros. Reste que «faire une clientèle, c’est long. La vente directe, ce n’est pas facile tous les jours. Pourtant, il nous faut sortir du chiffre, car nous avons investi beaucoup d’argent. Avec l’agrément européen que nous devrions obtenir en septembre prochain, nous allons pouvoir vendre plus aux intermédiaires, ce qui va me permettre de consolider mon chiffre d’affaires. Toutefois, je souhaite continuer à développer la vente directe», explique la productrice laitière.
Si la vente directe lui tient tant à cœur, c’est qu’elle lui permet un contact direct avec le consommateur. C’est aussi une façon de privilégier les circuits courts, et donc des produits moins chers aux clients, «mais il faut que ces derniers aient la démarche de se rendre chez le producteur», ajoute-t-elle. Elle, en tout cas, met tout en œuvre pour développer la vente directe. Pour ce faire, elle compte sur les portes ouvertes (la prochaine est le 21 mai, cf. encadré), les réseaux sociaux, le réseau Bienvenue à la ferme et les prospectus qu’elle va distribuer dans les boîtes aux lettres des villages voisins.
La vente directe, elle y croit ferme, considérant qu’il y a de la place pour tout le monde. «Plus on développera la vente directe et les circuits courts, plus on travaillera en réseaux et on arrivera ainsi à créer des magasins collectifs de producteurs», est-elle persuadée. Mais elle sait aussi qu’il faudra du temps, car tous les producteurs ne sont pas prêts à faire cette démarche, ne serait-ce que parce qu’ils ne disposent pas de lieu de vente à la ferme. Autre frein : la clientèle reste l’inconnu. Il faut compter trois ans avant d’en construire une. Sans oublier un véritable travail de communication à fournir sur les produits et les limites d’une production artisanale. «Il faut réapprendre aux gens à consommer des produits naturels et à sortir des codes industriels, tâche ardue s’il en est», avoue-t-elle. Mais une fois le pari gagné, c’est un pas de plus de fait pour sortir de la malbouffe. Sa récompense suprême.

RDV 21 mai

Au programme de la journée, des expositions sur la transformation laitière et l’élevage, la présentation de la laiterie, un marché des producteurs, une exposition de miniatures agricoles, des tours de calèche et de nombreuses animations pour les enfants. Jeu concours en partenariat avec l’école du village, «Dessine moi une vache». Buvette et restauration sur place.

De 10h à 18h.

32 rue Marais de Neuville, hameau de Romaine, à Ponthoile.

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