Lait : sécuriser son système avec des fourrages économes
Depuis une dizaine d’années, l’Inra de Lusignan teste des solutions fourragères pour sécuriser les systèmes laitiers vis-à-vis des aléas climatiques. Zoom sur les voies explorées.
Depuis une dizaine d’années, l’unité expérimentale fourrages-environnement-ruminants de l’Inra, à Lusignan (Vienne), travaille sur des fourrages complémentaires à l’herbe et au maïs, produits sans irrigation, avec peu d’intrants. «On s’est dit que, à moyen terme, le changement climatique et la raréfaction des ressources en eau et en énergie fossile allaient changer la façon de produire. On a donc vraiment voulu se placer dans ce contexte pour trouver des fourrages économes en eau et en énergie fossile», explique Sandra Novak, de l’Inra, lors des journées de printemps de l’AFPF (Association française pour la production fourragère).
Deux grandes voies ont été explorées dans cette optique : la sécurisation des stocks et l’allongement de la saison de pâturage. Ces travaux ont été conduits dans un premier temps à l’échelle de la parcelle, puis élargis à l’échelle du système fourrager dans le cadre de la reconception d’un système bovin laitier innovant.
Un pâturage toute l’année
Le pâturage de nouvelles ressources constitue la voie privilégiée dans la mesure où il permet une valorisation directe de la ressource végétale et limite les étapes coûteuses en énergie de la récolte à la distribution. Les couverts étudiés à Lusignan, dans le but de pâturer dans des conditions climatiques peu favorables à la pousse de l’herbe, concernent essentiellement les graminées estivales (millet-moha, sorgho fourrager) et des céréales d’hiver. La pratique du stock sur pied de couverts prairiaux a également été approfondie.
«En été, on tente de trouver des cultures annuelles estivales comme le millet, le moha et les sorghos fourragers. Ces trois espèces peuvent être associées à des trèfles, en particulier avec du trèfle d’Alexandrie. La chicorée pousse également très bien, et on peut la mettre dans des prairies avec de la fétuque ou du dactyle.
En hiver, on va essayer de pâturer de la betterave, au fil.» Implantées précocement à l’automne, les céréales d’hiver peuvent permettre une exploitation au pâturage dès la fin de l’automne et jusqu’au démarrage de la végétation au printemps suivant. La productivité en biomasse feuillue peut être importante (de 1 à 3 t MS/ha dans les essais), avec un fourrage d’excellente qualité, tant sur le plan de l’énergie et de l’azote qu’au niveau de l’ingestibilité.
En pratique, ce type de pâturage peut être conduit «à temps partiel» pour permettre une mise à l’herbe précoce, dès que la portance des sols le permet. A condition que le pâturage ait été effectué avant le stade épi à 1 cm (Z31) de la céréale, l’impact sur la récolte ultérieure en grains est faible. «Sur les cinq espèces évaluées, le triticale apparaît comme la céréale la mieux adaptée.»
Recourir à des stocks
Pour constituer des stocks fourragers alternatifs au maïs et à la prairie, et pouvant être produits sans irrigation, deux stratégies complémentaires peuvent être mises en œuvre : soit en favorisant des espèces prairiales ou annuelles moins sensibles à la sécheresse, soit en esquivant cette période délicate, en implantant des cultures annuelles d’hiver qui seront exploitées avant l’été. «Les fourrages complémentaires que nous avons étudiés sont le sorgho et les associations céréales - protéagineux.» Dans un second temps, un système fourrager varié, en donnant la priorité au pâturage, a été reconçu. Diversifier les couverts permet de pâturer plus longtemps et, donc, de sécuriser l’autonomie fourragère.
Il reste encore plusieurs pistes à explorer, dont les ligneux. «On a disposé des arbres fourragers sur nos parcelles que l’on espère pouvoir faire pâturer dès l’année prochaine. On a choisi des essences différentes et commencé à évaluer leur valeur alimentaire. Dès lors, on essaye de mettre au point des modes d’exploitation capables de fournir des fourrages en été ou en automne, mais qui restent aussi toujours vivants. C’est le grand challenge des années à venir.»
Fourrages complémentaires
Les journées de printemps de l’AFPF 2018 avaient pour thème la sécurisation de son système d’élevage avec des fourrages complémentaires (méteils, dérobées, crucifères…). En effet, les épisodes climatiques extrêmes se multiplient ces dernières années et ont des retombées sur les stocks fourragers des exploitations. La sécurisation des systèmes fourragers est, par conséquent, une préoccupation permanente. Ainsi, ces journées ont été l’occasion d’aborder des questions telles que : quels fourrages complémentaires introduire ? Quels sont leurs intérêts et leurs limites ? Quelle place dans la rotation ?...