Aller au contenu principal

«L’Allemagne a détruit le marché de la zone euro»

Interview de Jacques Sapir, directeur d'études à l'école des hautes études en sciences sociales.

© D. R.


Pour Jacques Sapir, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales et auteur de l’ouvrage "Faut-il sortir de l’euro?", la réussite de l’Allemagne tient beaucoup au fonctionnement de la monnaie unique, au détriment des pays du sud de l’Europe.

Depuis plusieurs années, la quasi-totalité de la classe politique parle d’un modèle allemand vers lequel la France devrait tendre. Qu’est ce que ce modèle ?
L’Allemagne n’est pas un modèle : on ne peut parler de modèle que si on peut le généraliser. Or, on constate que les solutions qui ont été adoptées en Allemagne ne peuvent fonctionner que parce que les pays qui l’entourent ne les ont pas adoptées. C’est la différence de l’Allemagne qui fait son succès, si tout le monde l’imitait, ce serait un échec généralisé.

Pourquoi ?
Parce que l’Allemagne a appliqué dans le cadre de la zone euro une politique de cavalier solitaire. Alors que tous les pays procédaient à des relances économiques à partir de 2002, l’Allemagne a décidé de baisser ses salaires, c’est à dire de reporter sur les ménages toute une partie des charges qui étaient payées par ses entreprises, réduisant ainsi sa consommation. elle a pu le faire parce que, dans le même temps, la consommation des pays qui l’entourent continuait d’augmenter. Si tout le monde avait appliqué la méthode allemande, cela aurait produit une crise gravissime dans la zone euro dès 2003-2004. On voit bien qu’il y a quelque chose de non généralisable.

Vous mettez aussi en avant la démographie déclinante de l’Allemagne…
Il y a une divergence massive entre la France et l’Allemagne : quand 650 à 680 000 jeunes arrivent sur le marché de l’emploi en France, il y en a moins de 350 000 en Allemagne. Nous avons calculé ce que serait le taux de chômage de l’Allemagne si elle avait la même dynamique démographique que la France : elle aurait 1,5 à 2 millions de chômeur en plus. L’Allemagne peut se permettre d’avoir une politique qui est un succès, de court terme, uniquement parce qu’elle est dans une démographie déclinante. Or, des pays qui ont une démographie aussi différente que l’Allemagne et la France, avec un taux de fécondité de 1,6 contre 2,05 – ce qui est une différence énorme – sont contraints, par l’euro, d’avoir la même politique économique.

En quoi l’économie allemande tire-t-elle avantage de la monnaie unique ?
Avant l’euro, il y avait une tendance à la réévaluation du deutschemark. Les pays voisins, comme la France ou l’Espagne, dévaluaient régulièrement leur monnaie. L’euro a gelé les taux de change aux niveaux qu’ils avaient en 1999. Or, on constate que même avec une politique monétaire qui est la même pour tous, l’inflation est très différente selon les pays. Concrètement, l’Allemagne bénéficie d’un taux de change de l’euro inférieur à ce que serait le taux de change normal du deutschemark, parce qu’il est dans la même zone monétaire que l’Espagne ou l’Italie. Cela lui donne un avantage considérable pour exporter vers les pays hors de la zone euro.
Quand on regarde le solde positif de la balance commerciale allemande, on voit que jusqu’en 2010, il a été majoritairement fait sur la zone euro ; puis, ayant épuisé et de fait, détruit le marché de la zone euro, l’Allemagne, depuis 2011-2012, redéveloppe massivement ses exportations en dehors de la zone euro. Des pays comme l’Italie, l’Espagne ou le Portugal n’ont plus d’argent pour payer les produits allemands. On est face à un système extraordinairement pervers, dangereux pour tous ces pays et qui est une véritable dynamite politique, car on voit monter une haine envers l’Allemagne en Europe.

Sous-titre
Vous êtes abonné(e)
Titre
IDENTIFIEZ-VOUS
Body
Connectez-vous à votre compte pour profiter de votre abonnement
Sous-titre
Vous n'êtes pas abonné(e)
Titre
Créez un compte
Body
Choisissez votre formule et créez votre compte pour accéder à tout {nom-site}.

Les plus lus

Christophe Boizard a engagé sa réflexion autour du développement de son atelier laitier plusieurs années en amont  de sa réalisation.
Élevage laitier : sept ans de réflexion pour ne pas se tromper

Dans un secteur où les cultures entrent en concurrence directe avec l’élevage, Christophe et Caroline Boizard sont «…

Selon les auditeurs, financer la modernisation des équipements d’irrigation a pour conséquence une augmentation  des superficies irriguées.
L’irrigation dans le viseur de la Cour des comptes européenne

Dans un travail portant sur l’adaptation de l’UE aux phénomènes climatiques extrêmes de plus en plus fréquents, la Cour des…

Des Picards têtes d'affiche du All star game de la pêche à Amiens

Ces 2 et 3 novembre a lieu le Sipac (Salon international des pêches aux coups) à Mégacité à Amiens. Le All star game ouvre le…

Joël Wissart et Laurence Benoît veulent céder leur entreprise Le Prince Mulard à quelqu’un qui voudra perpétuer le savoir-faire d’exception. Ils sont prêts à l’épauler pour cela.
Le Prince Mulard cherche son repreneur

Le 14 novembre à Péronne aura lieu un Farm’dating, qui permet à des agriculteurs-cédants et à des candidats à la reprise ou à…

Saint-Hubert
Le jour de Saint Hubert, tout un symbole pour les chasseurs français

Le 3 novembre, les chasseurs de toute la France honorent la fête de la Saint-Hubert, une journée emblématique en l’honneur de…

Fécule : l’aide couplée revalorisée

Dans un communiqué de presse du 24 octobre, l’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT) se félicite de la…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 9.90€/mois
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Action Agricole Picarde
Consultez les versions numériques de l'Action Agricole Picarde et du site, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de l'Action Agricole Picarde