L’Allemagne, nouvelle puissance céréalière
Depuis la réunification en 1990, l’Allemagne a profité de l’expansion de ses surfaces agricoles et d’une politique énergétique favorable
pour se positionner au deuxième rang européen derrière la France en matière de production de grains.
On a beaucoup parlé de la montée en puissance des filières animales et notamment porcines depuis quelques années en Allemagne. Sans remarquer que ce développement s’est accompagné de celui des productions végétales, du blé et du colza en particulier. C’est ce que révèle l’édition du Demeter 2015 qui vient de paraître et qui consacre un dossier à l’agriculture allemande.
Un tiers de surfaces de blé en plus
Depuis la réunification en 1990, l’Allemagne dispose d’une surface agricole utile couvrant 16,9 millions d’hectares, dont la moitié est cultivée en céréales et oléo-protéagineux. L’Allemagne de l’Est a porté dans la corbeille de mariée de vastes étendues très fertiles et de grands domaines, explique Michel Ferret, fin connaisseur de l’agriculture d’outre-Rhin, ancien sous-directeur du service des marchés et des études à FranceAgriMer. L’Allemagne a vu ses surfaces de blé fortement augmenter ces dernières années (3,2 millions d’ha en 2012 contre 2,4 millions en 1990) et elle est devenue le deuxième pays producteur de blé de l’Union européenne, derrière la France. Coté colza, elle occupe la première place, avec une production de 4,6 millions de tonnes.
Toujours selon Demeter, l’augmentation des surfaces en blé, associée à l’amélioration des rendements a permis à l’Allemagne d’accroître sa production de 35 % en vingt ans pour atteindre 22,4 millions de tonnes (15,2 millions de tonnes en 1990). Ce sont surtout les Länder de l’est qui ont contribué à cette expansion : les surfaces y ont progressé de 40 % et les rendements d’environ de 30 %. Le dynamisme des filières animales ainsi que le développement de la production d’éthanol ont favorisé les débouchés intérieurs du blé.
Blés de qualité
Mais le plus remarquable est la position prise par l’Allemagne à l’exportation, au deuxième rang derrière la France. L’Allemagne vend en effet des quantités de plus en plus importantes sur les marchés intra-communautaires et sur les pays tiers (Iran, Arabie saoudite, Afrique de l’Ouest) de blés à haute teneur en protéines que la France a du mal à produire. Elle importe en revanche, des blés de moindre valeur pour l’alimentation animale.
Par ailleurs, la politique énergétique allemande a fortement encouragé le développement de la production de maïs ensilage destiné à la production de biogaz. Les surfaces sont passées de 1,3 million d’hectares au début des années 2000 à 2,2 millions d’hectares en 2012. Cette année-là 40 % de la sole de maïs servait à alimenter les quelque 20 000 méthaniseurs que compte l’Allemagne.
Sur le colza, c’est la PAC qui a fortement contribué à son développement pour des fins énergétiques également. Les deux tiers de la production y sont destinés pour la fabrication de biodiesel, même si cette part régresse depuis quelques années, l’appareil de transformation industriel étant en surcapacité. Les surfaces ont augmenté partout à l’ouest comme à l’est, mais la progression la plus forte a eu lieu dans l’est qui contribue pour 55 à 60 % de la production nationale.
Zones d’ombre
Néanmoins, cette montée en puissance de l’agriculture allemande et des grandes cultures en particulier cache quelques faiblesses, selon Michel Ferret.
Le prix des terres ne cesse d’augmenter et «apparaît comme un point de vulnérabilité du système allemand», estime Demeter. Le coût du foncier a doublé depuis 2000. Il atteignait 21 000 €/ha dans les Lander de l’ouest, 20 % de moins en moyenne à l’est mais néanmoins 17 000 €/ha en Saxe-Anhalt dont les prix sont en forte progression, comme d’ailleurs dans les autres Lander de l’est. Quant au fermage, il s’établissait en moyenne à 240 € pour un hectare de terre arable avec une fourchette comprise entre 105 à plus de 400 €/ha.
L’Allemagne n’est pas non plus épargnée par la montée en puissance des Verts et des réglementations plus ou moins contraignantes qu’ils parviennent à imposer.
Ainsi a-t-elle a compté jusqu’à six ministres «Verts» de l’Agriculture ou de l’Environnement dans les Länder dont on sait qu’ils jouent un rôle important dans la mise en œuvre de la politique agricole.
Enfin, le gouvernement vient de revoir à la baisse les avantages dont bénéficient les énergies renouvelables, le biogaz et son tarif d’achat en particulier qui pourrait mettre un terme à l’expansion du maïs ensilage et donc peser sur le chiffre d’affaires des agriculteurs. Pour certaines exploitations en effet, la production d’énergie est devenue la principale source de revenu.