Elevage laitier
L’autonomie alimentaire du troupeau, premier défi au Gaec Mercier
À l’heure où la tonne de blé dépasse les 250 €/t, faire le pari de l’autonomie alimentaire pour son troupeau de laitières est un choix à part entière. C’est celui qu’ont fait les associés du Gaec Mercier, à Candas, depuis de nombreuses années. Les jeunes participants du challenge Graine d’éleveur visitaient cet élevage singulier ce 16 mars.
À l’heure où la tonne de blé dépasse les 250 €/t, faire le pari de l’autonomie alimentaire pour son troupeau de laitières est un choix à part entière. C’est celui qu’ont fait les associés du Gaec Mercier, à Candas, depuis de nombreuses années. Les jeunes participants du challenge Graine d’éleveur visitaient cet élevage singulier ce 16 mars.
Du soja ? Cela fait des années que les vaches du Gaec Mercier, à Candas, en ont oublié le goût. Et ce n’est pas le passage au robot de traite en 2010 qui a changé la donne. «On a opté pour le tourteau de colza, parce que c’est une culture locale, que l’on connaît bien. Le prochain objectif serait de s’en passer, pour atteindre 100 %
d’autoconsommation, pour réduire au maximum le coût alimentaire et particulièrement celui du concentré», présente Jean-Pierre Mercier, associé qui s’occupe principalement de l’élevage. Ce 16 mars, les deux-cents jeunes participants au challenge Graine d’éleveur (cf. p. 7) visitaient cet élevage à la manière de fonctionner singulière.
Les soixante-cinq vaches se portent très bien, et produisent un peu plus de 680 000 l de lait par an, avec une moyenne de 32,3 l chacune. «Même si l’appétence du tourteau de colza est décriée en robot de traite, il est utilisé depuis de nombreuses années ici, à raison de 3,5 kg par vache», présente Franck Petit, conseiller d’Avenir conseil élevage, qui intervient dans cette ferme. Le reste de la complémentation au robot est un mélange orge, épeautre et méteil graines produit à l’exploitation, à hauteur de 1,4 kg. Ce méteil, composé de 50 % de vesce, 10 % de pois, 20 % de triticale et 20 % d’orge est un aliment de production à part entière. La ration distribuée à l’auge est composée de maïs ensilage (50 kg), d’enrubanné de trèfle (3,5 kg), d’enrubanné de prairie (2,5 kg), de tourteau de colza (0,9 kg), de minéral sans phosphore (0,2 kg) et d’urée (0,2 kg). Le coût alimentaire est en effet réduit : «Comptez 119 € les 1 000 litres cette campagne, contre 153 € les 1 000 litres pour notre groupe de référence chez ACE.» L’année précédente, ce coût descendait même à 95 € les 1 000 litres pour ces éleveurs.
La qualité du fourrage n’est pas une option pour de tels résultats. C’est ce qui a poussé les agriculteurs à investir. «En 2016, nous avons acheté une enrubanneuse, puis une presse en 2018. Pour avoir de la qualité, nous coupons jeune et plus souvent, pour autant de rendement, voire plus.» Ce fourrage est repoussé à l’auge grâce à un robot. «On l’a eu en démonstration, et on a remarqué qu’on gagnait 1 l de lait par vache et par jour grâce à lui, alors on l’a acheté.» Pour améliorer davantage les performances, les éleveurs n’hésitent pas non plus à tester. «Le méteil est distribué broyé pour l’instant. Nous avons fait un essai en le toastant, à 250°C, mais ça manquait d’appétence et nous avons subi une baisse de production de lait. Il nous faut trouver la bonne formule», commente Jean-Pierre Mercier.
Vêlages groupés
Les génisses d’élevage, elles, sont nourries au lait entier avec de l’épeautre dès le plus jeune âge. «Avant le sevrage, une transition est faite avec le méteil (orge + pois) et avec de la paille de méteil», précise Franck Petit. Après six ou sept mois, la ration est composée d’enrubannage avec méteil, et cela jusqu’au vêlage. Le danger d’un aliment peu stable selon les années ? «Pour maîtriser les valeurs du mélange, les Mercier cultivent culture par culture et fabriquent leurs propres mélange à partir de cette année.» La surveillance de ces génisses détonne là encore. «Nous pratiquons le vêlage groupé. Il n’y a pas de veau l’hiver, ce qui limite les pertes. On peut ainsi faire un vide-sanitaire. Et puis cela nous permet de suivre un bon lot à chaque fois.» Toutes les chances sont aussi mises pour un bon renouvellement grâce à la sélection génomique.
Une complémentarité élevage - cultures en ACS
Chez les Mercier, autonomie alimentaire va de pair avec agriculture de conservation des sols. Bernard Mercier, qui s’occupe plus spécialement des cultures, fait même partie des agriculteurs pionniers de l’ACS dans la Somme. Celui-ci a le respect de la nature et des sols dans les gènes. «Mon père a toujours couvert ses sols. Il s’agissait de moutarde simplement mais, à l’époque, ça avait le mérite d’exister», confie-t-il. Aujourd’hui, les 146 ha (céréales en multiplication de semences et autoproduction, maïs, colza, pois de conserve, betteraves, luzerne et prairies) sont conduits en ACS. Dans les années 1990, le labour était progressivement ralenti pour les cultures d’automne, par souci de simplicité. Et puis en 2001, les conditions très humides n’ont pas permis le labour avant les semis de printemps. «On s’est rendu compte que ça allait bien quand même. Ça nous a décidé à diminuer davantage le travail du sol.» Pour les betteraves, par exemple, la précédente campagne était la quatrième en strip-till. Un semoir de semis direct à disque a aussi été acheté en 2021. «On prend de l’expérience chaque année. Et puis les terres avancent.»
Bernard ne prétend pas détenir toutes les solutions. «Je sais désormais qu’il faut savoir être patient. Il y a toujours un créneau où on peut intervenir. Il faut savoir le saisir.» Les problématiques d’érosion du sol dont ils souffraient s’amenuisent d’année en année. «Un système racinaire d’un couvert bien implanté, ça change tout !» Les haies qu’ils ont implantées (2 km cette année) sont aussi efficaces. «Les intérêts sont multiples. Elles sont un réservoir de biodiversité, captent du carbone, offrent un micro-climat favorable aux cultures été comme hiver, apportent de la matière organique au sol…», liste Thomas Damonneville, ingénieur conseil environnement chez Somea.
A. P.
Chiffres clés
65 VL
32,3 litres par vache
2,6 traites par vache
10 900 kg/VP
40,80 de TB
32 de TP
173 moyenne cellulaire 2021-2022