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Le confinement plombe les éleveurs de gibier

Depuis que la chasse du petit gibier est suspendue en raison du confinement, les éleveurs de gibier ont vu leur activité s’arrêter soudainement.

Les oiseaux élevés pour la chasse sont actuellement eux aussi en confinement dans les volières de ceux qui les élèvent.
Les oiseaux élevés pour la chasse sont actuellement eux aussi en confinement dans les volières de ceux qui les élèvent.
© Pixabay



Quand ils acceptent de témoigner, c’est pour faire part de leurs difficultés et de la crainte qu’ils ont de ne passer l’hiver. Installé à Ételfay, entre Roye et Montdidier, Didier Vanoverschelde est sans doute en train de vivre la plus mauvaise saison depuis qu’il a repris en 2010 la Faisanderie picarde. En ce début de semaine, c’est un calme plat qui régnait autour des 24 hectares de volière de l’entreprise qui élève chaque année quelque 40 000  faisans et 20 000 perdrix. Cette situation dure «depuis le début du reconfinement», assène Didier Vanoverschelde. S’il s’attendait depuis le premier confinement à des répercussions sur son activité, il n’en imaginait pas une telle ampleur : «Cette année, on a élevé 15 000 oiseaux de moins, mais je ne pensais pas que les choses allaient durer si longtemps…» Parmi ses clients, il compte nombre de sociétés de chasse et chasses dites «professionnelles». Le nombre d’oiseaux encore présents dans ses volières est estimé «entre 25 000 et 30 000». Au niveau national, selon les informations de l’éleveur samarien, les oiseaux encore présents en volières se compteraient par millions : «Selon un leader du secteur, il y a 5 millions d’oiseaux qu’il faut continuer».

La crainte du dépôt de bilan
En termes d’emplois, la filière gibier de chasse engloberait 24 000 salariés, directs ou indirects. À La Faisanderie picarde, son patron emploie deux salariés à temps complet, ainsi que deux saisonniers pendant la période estivale. Pour ce dernier, «si on continue comme cela, 95 % des élevages vont disparaître…». La perte de chiffre d’affaires s’évaluerait à 300 000 €. «Tous les oiseaux étaient réservés, mais on ne peut pas les faire partir», poursuit l’éleveur d’Ételfay. Quant à la solution qui consisterait à les emmener à l’abattoir ? C’est l’option qui lui a été proposée par l’administration avec laquelle il a eu contact en début de semaine. Mais M. Vanoverschelde ne s’y résout pas : «N’y pensez même pas ! Ce n’est pas du tout la même valorisation. Quand j’aurai payé le transport, il ne me restera plus rien. Autant ouvrir les portes de mes volières…»

Pas de chasse, pas de reprise
Même s’il explique avoir «quelques contacts» avec d’autres éleveurs, Didier Vanoverschelde explique ne pas trouver auprès d’eux de marques de solidarité. Il regrette également ne pas avoir de soutien de la part des organisations professionnelles auxquelles il cotise, comme des instances cynégétiques. «C’est à se demander pourquoi on paie des cotisations…»
Du côté des chasseurs auxquels M. Vanoverschelde fournit des oiseaux, on attend aussi la reprise de la chasse au petit gibier. «Quand on chasse tout seul, avec son chien, je ne vois pas où est le risque avec la Covid-19», défend l’éleveur. Dans de nombreux départements, des discussions se poursuivent pour allonger la période de chasse et/ou reprogrammer des journées empêchées ; mais personne ne se fait d’illusion. Tant que le confinement sera en place, les chances pour les chasseurs de retrouver leurs bois et leurs plaines sont infimes.



«Beaucoup nous envient notre petit gibier»

Alors que L214 a récemment mis en cause l’élevage de faisans, les chasseurs l’assurent : l’élevage de petit gibier demeure nécessaire au développement de la chasse, et reste une exception française enviée chez nos voisins européens. Les explications de Nicolas Rivet, directeur général de la fédération nationale des chasseurs.

À quel point les chasseurs ont-ils besoin du gibier d’élevage ?
Le gibier d’élevage est important pour nos opérations de repeuplement. Comme le montre la carte disponible sur notre site, de nombreux programmes sont en cours partout en France, avec des fédérations qui misent à la fois sur les aménagements, la gestion, mais également sur les lâchers de faisans ou de perdrix pour développer le petit gibier. Car ce type de gibier est un enjeu important en termes de chasse pour nous, comme l’a rappelé Willy Schraen lors de notre assemblée générale à Saint-Malo en mars dernier.

Pourquoi cet intérêt pour le petit gibier ?
Nous voulons une alternative au sanglier afin de conserver une chasse populaire. Sans vouloir entrer dans aucune polémique, le petit gibier a disparu en raison du remembrement, de la disparition des insectes et des politiques agricoles. Et depuis que ce petit gibier décline, le sanglier progresse, au point d’être désormais présent partout dans le pays. Mais dans toutes les régions où le sanglier est absent, et où des programmes sont mis en œuvre, comme dans le Nord-Pas-de-Calais ou la Manche, le petit gibier reste très populaire. Dans ces territoires, le travail qui est fait avec le monde agricole dans le cadre du programme Agrifaune, pour favoriser des bandes enherbées, des couverts, ou adapter le matériel de récolte, donne des résultats avec des populations intéressantes de perdrix et de lièvres.

Certains opposants à la chasse le demandent : les lâchers de gibier devraient-ils être, selon vous, mieux régulés, comme le sont ceux des espèces protégées, au nom d’enjeux écologiques ou sanitaires ?
On ne peut pas comparer les lâchers d‘ours ou de bouquetins avec des lâchers de faisans ou de perdrix. L’effet sur les écosystèmes, sur l’environnement ou sur l’homme n’est évidemment pas le même. Peut-être qu’il y a eu des erreurs sur les lâchers de perdrix rouges dans les années soixante-dix ou quatre-vingt, mais, depuis, la filière est très contrôlée, comme tous les autres types d’élevage. Ce qui est sûr aujourd’hui, c’est que nous avons besoin de souches pures. Nous sommes sur ce point accompagnés par l’État, grâce à l’ONCFS (intégré dans l’Office de la biodiversité, OFB, ndlr), qui conserve des souches de référence au domaine de Saint-Benoît, et les échanges avec le SNPGC (éleveurs de gibier, ndlr), ou les fédérations de chasse.

Comprenez-vous l’étonnement du grand public face à ces lâchers d’animaux sauvages destinés à la chasse ?
Décrit comme cela, il manque une étape. Le gibier est élevé pour être tué à la chasse, mais aussi pour être mangé par les chasseurs. Est-ce alors plus choquant d’élever un poulet dans un bâtiment, ou même en plein air, pour qu’il se retrouve, dès sa sortie, dans un magasin ou un restaurant ? Les faisans sont, eux, lâchés plusieurs mois avant l’ouverture de la chasse pour leur permettre de s’acclimater. Ils peuvent bien sûr terminer entre les griffes d’un renard, ou dans l’estomac du chasseur, mais ils peuvent aussi rester libres, et participer à l’amélioration du biotope. Est-ce que ça ne vaut pas mieux qu’un poulet qui n’a d’autre choix que celui de finir dans votre assiette ?

Les autres chasseurs européens ont-ils eux aussi recours à ces lâchers ?
Ce qui est sûr, c’est que beaucoup nous envient notre petit gibier. L’élevage de gibier d’élevage est une filière d’excellence, qui exporte énormément vers le Royaume-Uni, car les Britanniques n’ont pas de telles exploitations chez eux. Dans le cadre d’un projet Life sur la perdrix grise, nous avons pu également partager notre expérience en matière de gestion avec les chasseurs italiens. Par ailleurs, beaucoup de gens du Nord, des Belges ou des Néerlandais viennent entraîner leurs chiens chez nous, parce que nous avons un petit gibier qu’ils ont perdu. Il faut rappeler qu’en Europe la chasse est très diverse. Très élitiste au Nord, notamment dans les pays anglo-saxons, elle est beaucoup plus populaire en France, en Espagne et en Italie, ou en Grèce, où se concentre près d’un tiers des sept millions de chasseurs européens. Et en France, où la chasse représente un acquis de la Révolution, nous avons mené depuis longtemps une politique et des efforts pour ce petit gibier, qui demeure l’une de nos spécificités. 

Propos recueillis par Ivan Logvenoff

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