Le désherbage mécanique, prolongement de la protection intégrée ?
Des polyculteurs-éleveurs du groupe Dephy Picardie maritime, dans la Somme, travaillent depuis 2010 à la réduction de l’utilisation de phytos. Cette année, deux d’entre eux ont incité leur Cuma à investir dans une herse étrille.
Des polyculteurs-éleveurs du groupe Dephy Picardie maritime, dans la Somme, travaillent depuis 2010 à la réduction de l’utilisation de phytos. Cette année, deux d’entre eux ont incité leur Cuma à investir dans une herse étrille.
Des semis de blé tardifs pour économiser un insecticide, une densité de semis moins élevée pour faire l’impasse sur le régulateur… Et bientôt, un désherbage mécanique pour pousser plus loin la réduction de l’IFT (Indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires). Depuis 2010, un groupe de treize polyculteurs-éleveurs de l’ouest de la Somme, intitulé groupe Dephy Picardie maritime, travaille à la protection intégrée des cultures. Pour son blé, par exemple, Jérôme Devillers, installé sur 107 ha à Woignarue, a réussi à réduire de 37 % son IFT en blé, en préservant son rendement. Le désherbage mécanique fait partie des pistes d’amélioration.
Avec Frédéric Richard, autre adhérent du groupe, ils ont convaincu leur Cuma d’Ochancourt d’investir dans une herse étrille, qui sera principalement utilisée pour les cultures de printemps. «Nous avons organisé une journée de démonstration en mai 2018 qui nous a permis de comparer les matériels. La herse étrille, de type Treffler (cf. encadré), nous a paru intéressante pour nos exploitations car elle est simple d’utilisation et ne nécessite pas de guidage», explique l’agriculteur. La herse étrille devrait, il l’espère, faire l’impasse sur un désherbage. Pour une telle machine de 9 m, comptez entre 25 et 30 000 E d’investissement. La Cuma peut compter sur une aide conséquente de l’État dans le cadre du plan de relance que pilote FranceAgriMer, puisque l’agroéquipement entre dans les cases de l’accélération de la transition écologique.
Joseph Petit, président de la Cuma, ne fait pas partie du groupe Dephy, mais a souhaité saisir l’opportunité d’un tel investissement commun. «Je suis éleveur et, cette année, je vais avoir plusieurs parcelles de maïs fourrage voisines des habitations, qui seront donc soumises à une zone de non traitement. Plutôt que de semer une jachère dans cette bande, je vais la semer et tester le désherbage mécanique.» Comme lui, six ou sept adhérents de la Cuma, qui rassemble une petite vingtaine d’agriculteurs en tout, ont exprimé leur intention d’utiliser la herse étrille. «Sur 800 ha, elle devrait servir à désherber une centaine d’hectares de lin, de betteraves et de maïs essentiellement.» Joseph Petit y voit d’autres avantages : «nos terres sont plutôt sableuses et forment parfois une croûte de battance. L’outil pourrait nous permettre de la casser et d’aérer le sol.» L’utilisation au fil des années devrait leur permettre d’affiner la pratique.
Clés de réussite
Christian Lesenne, de la Chambre d’agriculture de la Somme, animateur du groupe Dephy Picardie maritime, prévient : «Des précautions sont à prendre, car un mauvais désherbage mécanique peut faire pire que mieux.» Pour éviter le saisissement des parcelles, il faut revoir le système de culture dans son ensemble, pour essayer de réduire le stock de semences. Car l’allongement des rotations avec l’alternance de cultures de printemps et d’automne améliorerait l’efficacité du désherbage mécanique. «L’alternance labour/non labour et les répétitions de déchaumage en période estivale permettent d’épuiser les stocks semenciers de certaines espèces, notamment les graminées», expliquent les experts d’Ecophyto dans un document spécifique.
Pour la gestion des travaux, il est recommandé de privilégier le désherbage mécanique du blé en sortie d’hiver. «En betteraves, après deux premiers passages chimiques en post-semis, des passages de houe rotative sont à prioriser. Pour ces cultures, l’intervalle entre deux passages ne doit pas excéder huit à dix jours.»
Attention aux conditions météos : «Il faut absolument deux à trois jours de temps sec après un passage, pour éviter le repiquage des plantules, précise Christian Lesenne. Le désherbage mécanique d’automne est donc délicat. Voilà deux ans que le temps très pluvieux ne le permet pas.» En revanche, si les conditions sont trop sèches, le risque de couper les racines de la culture est plus important.