Le goutte-à-goutte n’économise pas que l’eau
La micro-irrigation de surface ou enterrée sécurise une production à haute valeur ajoutée, simplifie le suivi en cours de saison, et réduit les tensions avec la société civile. Des intérêts qui doivent être considérés, sachant que les économies d’eau et les bénéfices promis sur le rendement ne sont pas toujours au rendez-vous.
La micro-irrigation de surface ou enterrée sécurise une production à haute valeur ajoutée, simplifie le suivi en cours de saison, et réduit les tensions avec la société civile. Des intérêts qui doivent être considérés, sachant que les économies d’eau et les bénéfices promis sur le rendement ne sont pas toujours au rendez-vous.
La micro-irrigation ne couvre encore qu’environ 3 % de la superficie totale irrigable française (soit 70 000 ha), principalement dans les vergers, cultures maraîchères et florales et sous serres. «Le goutte-à-goutte enterré reste très marginal, au stade expérimental en grandes cultures», notaient en septembre 2017 les auteurs du rapport «Évaluation des économies d’eau à la parcelle réalisables par la modernisation des systèmes d’irrigation» (Irstea de Montpellier, UMR G-Eau). «Le retour sur investissement - compris entre 700 et 3 000 € par hectare si la source d’eau est proche de la terre à cultiver -se fait normalement en deux ou trois ans», assure pourtant l’entreprise israélienne Netafim, qui a installé des systèmes de micro-irrigation en grandes cultures depuis 2010. «Nous ne sommes pas le pays qui présente les plus grosses contraintes hydriques, et la mécanisation avec enrouleurs ou pivots est déjà bien développée. Dans ces conditions, les bénéfices ne sont pas systématiques», note Francisco Buscamante, son représentant français.
Économies d’eau, et d’énergie
«Chez un de nos clients éleveur laitier, qui passait son temps à déplacer des enrouleurs, malgré un débit de pompage déjà réduit au regard de sa surface, la mise en place du goutte-à-goutte a permis d’optimiser le volume d’eau apporté», note Sébastien Chauvet, de la société Martineau irrigation (Charente-Maritime), qui pointe ici les bénéfices en termes de main-d’œuvre et d’énergie. Mais le principal argument du goutte-à-goutte est qu’il s’affranchit totalement des pertes d’eau dans l’atmosphère, qui peuvent atteindre 30 % en couverture intégrale. À l’absence d’irrégularités d’apport liées au vent, de pertes par percolation ou ruissellement, s’ajoute la réduction du stress hydrique ou d’asphyxie racinaire.
Théoriquement, le goutte-à-goutte pourrait donc permettre d’augmenter les rendements. Les différents essais réalisés sur pommes de terre, blé dur ou maïs n’aboutissent toutefois pas à des conclusions unanimes. L’économie d’eau et le gain de rendement ne sont pas systématiques, ils dépendent en particulier de l’espacement entre les goutteurs. L’économie d’eau se révèle plus importante dans les sols à faible réserve utile (RU), où les pertes par drainage et ruissellement peuvent s’avérer importantes lors d’une aspersion. Elle s’exprime particulièrement lors des saisons humides, avec un grand espacement entre les lignes (ex. : 1,50 m). Mais des baisses de rendement sont parfois observées en régime limitant, comme à Villeneuve-de-Marsan sur un essai mené depuis 2012 par la Chambre d’agriculture des Landes. «Globalement, sur les cinq premières années d’expérimentation, l’économie moyenne d’eau est de plus de 25 % par rapport à la parcelle témoin avec cependant des baisses de rendement en maïs», relèvent les experts, qui formulent l’hypothèse d’une sous-évaluation du besoin à la floraison (dose apportée : 3,5 mm/jour) pour expliquer la baisse de 6 à 10 % du rendement observée entre 2014 et 2017.
Une nouvelle façon de piloter
«Il faut démarrer un peu plus tôt qu’en ‘’conventionnel’’ et bien anticiper les stress hydriques, plus difficiles à rattraper», constate aussi Olivier Grenot, installé à Thenac (Charente-Maritime). Depuis trois ans, l’agriculteur installe un goutte-à-goutte de surface sur environ 25 ha pour sécuriser sa production de maïs pop-corn. Les lignes sont réparties un rang sur deux, tous les 1,50 mètre environ. Les goutteurs de l’installation apportent entre 0,8 et 1 litre par heure en alternance sur quatre «secteurs» (soit toutes les six heures). «Je démarre avec douze heures d’apport pour créer une motte humide autour des goutteurs. Puis, j’assure le pilotage via mon smartphone, grâce à des sondes capacitives qui mesurent la RFU (Réserve en eau facilement utilisable, ndlr) entre 10 et 50 cm de profondeur», explique Olivier Grenot, qui apporte aussi 50 unités d’azote par ce biais en période de floraison. Convaincu de l’avenir prometteur qui s’offre à la technique, l’exploitant assure réaliser des économies d’énergie (une pompe moins énergivore a remplacé celle qui alimentait les pivots à une pression plus élevée) et gagner jusqu’à 50 % d’eau sans amputer le rendement. Et si le montant de l’investissement (250 €/ha/an environ pour les gaines jetables) nécessite encore de cibler une culture à forte valeur ajoutée, un dernier avantage de taille est mis en avant par celui qui exploite des parcelles en bordure d’agglomération : éviter les tensions avec les riverains.