Le Groupe Carré fait germer l’innovation dans sa ferme pilote
30 hectares dédiés à la recherche en agroécologie
performante. Voici la ferme pilote du groupe Carré, créée à Gouy-sous-Bellone il y a trois ans. Le point sur les activités menées.
La quiétude règne à Gouy-sous-Bellone, charmant village de près de 1 400 âmes, près de Douai. A première vue. Car la commune héberge en fait un lieu où fourmillent les innovations agricoles : la ferme pilote du groupe Carré, négoce privé historique du Pas-de-Calais, qui rayonne aujourd’hui à travers les Hauts-de-France.
«Nous avons inauguré la ferme pilote en avril 2015, lorsque l’Etat a mis en place les Groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE). Nous voulions nous investir pleinement dans le développement de l’agroécologie performante», explique Philippe Leclercq, directeur développement du groupe Carré. Une plateforme dédiée à l’avenir de l’agriculture, en laquelle veut croire Frédérique Carré, dirigeant du groupe : «Les règles du jeu évoluent, et pas toujours dans le sens que nous espérions. Mais les agriculteurs, comme nous distributeurs, devons nous adapter et nous donner les moyens de réussir.»
Concrètement, la ferme pilote consiste en une trentaine d’hectares dédiés à l’expérimentation, loués à la SCEA du Bois d’Haussy, que gère Patrick Delbende, soit 188 ha à dominante grandes cultures (blé, betterave sucrière, colza, pois de conserve, maïs grain, féverole, orge de printemps et d’hiver, endive, pomme de terre et prairie permanente). 11 % des terres de l’exploitation sont des SIE (surface d’intérêt écologique).
La ferme s’est ainsi fixé trois objectifs. «L’étude, la recherche et le développement de pratiques innovantes, pour des rendements optimum et une baisse des coûts de production sont notre moteur, détaille Philippe Leclercq. Nous voulons aussi former les agriculteurs aux bonnes pratiques et communiquer dessus auprès du milieu agricole et du grand public.» Parmi les études menées dans des microparcelles : alternatives aux produits phytosanitaires, biocontrôle, couverts associés, alternatives mécaniques, gestion de la fertilité des sols, nouvelles technologies et agriculture de précision, outil d’aide à la décision…
Les vulpins, par exemple, ont fait l’objet d’une étude particulière. «Nous avons semé du vulpin résistant dans une parcelle propre. Avec 800 vulpins au mètre carré, la parcelle aurait fait bondir n’importe quel agriculteur ! Notre objectif était de mettre au point une technique de désherbage durable.» Retour de la charrue dans cette parcelle menée en non-labour, arrêt du blé sur blé, assolement allongé, semis tardifs, introduction de cultures de printemps et de faux-semis, alternance des familles… Les pistes évoquées ont, semble-t-il, porté leurs fruits. Trois ans d’expérimentation réussie sont cependant nécessaires pour dire d’une technique qu’elle est viable.
Techniques reconnues CEPP
Autre expérience : les plantes associées au colza. «Nous avons semé un mélange trèfle et vesce entre les rangs de colza. Nous avons ainsi pu diminuer le désherbage et le poste insecticide, car les attaques d’altises ont été très peu nombreuses. La légumineuse permet en plus un apport d’azote.» Cette technique a même été reconnue comme CEPP (certificat d’économie de produits phytopharmaceutiques) et est proposée aux agriculteurs pour les semis 2018.
Patrick Delbende est le premier à profiter de ces innovations. «J’ai toujours été à l’affût des nouvelles techniques. Et puis je bénéficie de nombreux apports techniques». L’exploitant participe même pleinement aux expériences. Voilà trois ans qu’il cherche la meilleure utilisation de sa houe rotative. Cette fois, après un premier passage six jours après les semis de maïs, puis un deuxième, dix jours plus tard au stade deux feuilles, il semblerait qu’il puisse se passer de désherbant. «Les techniciens de la ferme pilote ont trouvé cela formidable.» Patrick est néanmoins aussi le premier à subir les ratés des tests. Mais «pour apprendre, il faut se tromper».
Pratique
Pour en savoir plus : rendez-vous le 21 juin, à la ferme pilote, lors de la journée innovations et performances (visite des parcelles expérimentales et ateliers).
Objectif de 153 000 CEPP d’ici à 2021
Un CEPP ? «La moitié des agriculteurs ne savent pas de quoi il s’agit, assure Philippe Leclercq. Pourtant, tous sont concernés. Pour nous, c’est une préoccupation majeure.» Et pour cause, le gouvernement a fixé l’objectif national de 17,65 millions de ces certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques, sorte de crédits carbones déclinés aux phytos, d’ici 2021. Pour le groupe Carré, cela représente 153 000 CEPP à produire, valorisés 5 € chacun, en échange de la mise en place d’actions dites «standardisées» dont la liste est définie par le ministre de l’Agriculture. Ce qui n’est pas produit, en revanche, sera facturé. «Pour donner un exemple, le plus connu est l’association d’une variété de colza à floraison très précoce avec la variété principale pour éviter un traitement insecticide contre les méligèthes.» Cette technique équivaut à 0,9 CEPP à l’hectare. En 2017, le groupe Carré remplissait 9 % de ses obligations en CEPP. «Alors, on a intérêt à innover pour en trouver 91 % de plus !»