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Le groupe Del Monte s’installe à Croixrault

Le 9 décembre, l’entreprise, à la recherche de producteurs de légumes à Poix-de-Picardie, présentait son projet d’usine de découpe devant près de trois cents agriculteurs, au cinéma Le Trianon.

© AAP


Ce n’était pas à la projection d’un film à laquelle étaient conviés les agriculteurs au cinéma Le Trianon de Poix-de-Picardie, mais à la présentation d’un projet d’usine du groupe Del Monte - l’un des leaders mondiaux de la production et de la distribution de fruits et légumes frais et découpés - sur la zone d’activités de Croixrault. Si ce concept de dé­coupe de légumes et fruits frais (fresh cut) est répandu largement dans les grandes et moyennes surfaces américaines depuis pas mal de temps, il est à ses débuts en France. Traduction : il y a un marché à prendre. Selon les estimations faites, la progression du marché sur les dix prochaines années est évaluée à 300 millions d’euros en France. Aussi, avant que ses concurrents ne s’emparent de ce segment de marché, le groupe Del Monte (cf. encadré) a décidé d’investir en France, avant de partir à la conquête de l’Europe.
Après la création d’une mûrisserie à Rungis en 2014, puis d’une unité de découpe de légumes et fruits frais au même endroit, en octobre 2016, le groupe Del Monte cherchait depuis deux ans à construire une même usine, qui soit proche à la fois des marchés de la région parisienne et de Lille. Après avoir lorgné du côté de Dunkerque, c’est finalement à Poix-de-Picardie que l’industriel a décidé de s’installer. «Le coût du terrain était attractif, puis idéalement situé puisqu’il est à la première sortie de l’autoroute et proche des ports du Nord, com­me de la région parisienne. Or, notre objectif est de réduire au maximum les temps de transport de telle sorte à pouvoir offrir des dates de péremption des légumes et fruits frais plus longues», expli­que Eric Hellot, président directeur général du groupe Del Monte.

Le projet de Del Monte
Le projet comprend une unité de découpe de 5 000 m2, dont 2 500 m2 pour les légumes frais et 2 500 m2 pour les fruits frais, le tout sur deux hectares, dans la zone d’activités de Croixrault, à Poix-de-Picardie. L’usine, dans un premier temps, devrait emballer 22 tonnes de légumes et fruits frais par jour pour 50 tonnes de produits bruts. Coût estimé de l’unité de décou­pe : 7,5 millions hors taxes, machi­nes comprises. Le permis de cons­truire vient d’être validé. Les premiers coups de pioche devraient être donnés en avril 2017 pour une mise en route de l’usine en 2018.
A la clé : cent cinquante emplois répartis en trois équipes et trente personnes pour l’encadrement. «Les emplois portent sur le travail de découpe, mais aussi sur la maintenance des machines. Comme à Rungis, nous mettrons en place un programme de formation pour ceux et celles que nous embaucherons», précise Eric Hellot. Autre élément à la clé : le développement d’une filière d’approvisionnement sur place de légumes frais en circuits courts dans un rayon de production de 50 à 100 km. Un appel a donc été lancé aux agriculteurs dans ce sens.

Un projet gagnant-gagnant
«L’entreprise aura besoin de légu­mes, dit Alain Desfosses, président de la Communauté de communes du sud-ouest amiénois. Un nouveau débouché s’offre donc à nous avec la présence de cet industriel à notre porte. Or, au vu de la crise agricole actuelle, les agriculteurs ont besoin de recréer de la valeur ajoutée. Sachons saisir cette opportunité.» «Nous avons loupé l’installation de Florette. Il ne faut pas que cela recommence», insiste, de son côté, Daniel Roguet, le président de la Chambre d’agriculture. «C’est un projet qui va nous permettre de nous remettre en selle, ajoute Françoise Crété, présidente de la FDSEA, même s’il n’est pas facile à réaliser. Et cela ouvre des opportunités d’installation.»
Pour débuter, le groupe Del Monte compte sur 10 000 tonnes de produits fournis par an, soit 250 ha, auxquels il faut ajouter 10 % pour sécuriser les débouchés. «On définira le nombre d’hectares, une fois les propositions d’agriculteurs faites, pour répondre à une partie des besoins de l’usine», nuance Eric Hellot. Reste que l’usine ou­vrant ses portes en 2018, «dans la phase de démarrage, on va lancer des productions ailleurs en Hauts-de-France, mais aussi en Breta­gne», indique-t-il. Ses besoins sont précis : des productions de carottes (60 % de la production totale attendue), de céleris raves, d’oignons, de radis, de navets, de patates douces, de poireaux, de potirons, de butternuts, de poivrons, de concombres, d’aubergines et de tomates, soit des cultures de plein champ et des cul­tures sous serre.
Aux agriculteurs désormais de prendre la balle au bond. Outre des productions précises, l’industriel attend d’eux qu’ils livrent des produits prélavés, et, évidemment des produits de qualité répondant à un cahier des charges précis. Ce qui impliquera pour les agriculteurs d’investir dans l’irrigation, mais aussi dans des capacités de stockage, de lavage, de tri et de conditionnement. «Pas besoin de grands investissements pour l’irrigation et le matériel, tempère la Chambre d’agriculture. Des collectifs existent déjà tels que des Cuma pour l’irrigation et le matériel. Quant au matériel, certains d’entre eux sont compatibles avec ces cultures. Ainsi, le matériel utilisé pour la production de pommes de terre peut-il être compatible avec les productions de carottes et d’oignons.»
La question est donc la suivante pour les agriculteurs : doivent-ils partir sur un investissement individuel ou collectif ? Si la démarche implique un investissement financier de la part des agriculteurs, c’est du gagnant-gagnant, selon l’industriel, qui propose des contrats de trois ans sur les productions, et reconductibles tacitement. Côté prix, ils seront négociés annuellement tenant compte du coût de production. Le deal est clairement posé.

Le groupe Del Monte

Géant américain de l’agro-alimentaire, Del Monte est le premier producteur d’ananas dans le monde et le troisième sur le marché de la banane. Il cultive et vend également des tomates, des raisins, des melons, des avocats, etc. Ce producteur et distributeur de fruits et de légumes frais, mais également de jus, de boissons, de snacks et de desserts, a des plantations sur les cinq continents (90 000 ha de surfaces cultivés en tout), des bateaux et des sites de transformation. Il est présent dans plus de cent pays.
Créée aux Etats-Unis en 1886, l’entreprise est devenue l’un des leaders mondiaux dans son domaine. En 2012, elle crée une filiale en France, puis installe une mûrisserie à Rungis en 2014, et une unité de découpe sur le même site, en octobre 2016. Celle de Poix-de-Picardie, qui sera mise en service en 2018, est sa deuxième unité de découpe en France. Le groupe envisage d’en faire autant dans le sud de la France, autour de Marseille, avant de partir à la conquête des marchés européens. En ligne de mire : L’Espagne, l’Italie et l’Allemagne pour commencer.
A noter que l’entreprise a une réputation sulfureuse, notamment pour l’utilisation dans ses plantations dans divers pays de pesticides interdits en Europe, car jugés dangereux pour l’homme.

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