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Le leasing gagne du terrain pour l’achat de matériels

De plus en plus de chefs d’exploitation et entrepreneurs de travaux agricoles sont séduits par le leasing. Selon des données extraites du Rica, au moins 17 % du matériel agricole français étaient acquis en crédit-bail en 2020, contre 13 % en 2013.

Très courant dans le secteur automobile, le leasing prend aussi – mais plus doucement – de l’ampleur dans le financement des engins agricoles.
Très courant dans le secteur automobile, le leasing prend aussi – mais plus doucement – de l’ampleur dans le financement des engins agricoles.
© Pixabay

Très courant dans le secteur automobile (deux tiers des achats par des entreprises, la moitié chez les ménages), le leasing prend aussi – mais plus doucement – de l’ampleur dans le financement des engins agricoles. Selon les données du Rica (réseau comptable agricole) extraites pour Agra Presse, au moins 17 % du matériel agricole français étaient acquis en crédit-bail en 2020, contre 13 % en 2013. En valeur absolue, les charges de crédit-bail par exploitation ont doublé en dix ans.
Le phénomène est devenu massif, confirment les banques. «Nos concessionnaires partenaires évaluent à 19 % la part de leasing dans le financement des matériels agricoles», rapporte par exemple Geoffroy Garguet-Duport, responsable Performance commerciale agriculture chez Crédit agricole Leasing & Factoring (CAL & F), filiale de la «banque verte» dédiée au leasing. Un sondage commandé par BPCE rapporte que 18 % des agriculteurs pratiqueraient le leasing.
Pour comprendre le phénomène, revenons d’abord à la définition. Le leasing est un contrat qui permet de louer du matériel, avec ou sans option d’achat. En agriculture, les machines sont achetées en fin de crédit dans l’écrasante majorité des cas, rapportent les banques. Trivialement, cela veut dire que des milliers de tracteurs ne sont plus immatriculés au nom des agriculteurs qui les utilisent, mais de sociétés de leasing – le plus souvent des filiales des grands groupes bancaires leaders du marché agricole (CAL & F au Crédit agricole, BPCE Lease, Crédit Mutuel Leasing...). Le phénomène est stratégique pour les banques traditionnellement bien implantées dans le secteur agricole, car cette nouvelle pratique est une porte d’entrée pour les nouveaux challengers. Le gâteau est alléchant : l’agriculture pèse déjà 8,3 % des investissements en crédit-bail mobilier tous secteurs d’activité confondus.

Stratégies de marques
Dans la pratique, le leasing dure le plus souvent cinq ans chez les agriculteurs, mais la durée peut aller de trois à sept ans selon les logiques fiscales, rapportent les opérateurs. «Comparativement au prêt classique, le leasing est très personnalisable, souligne Emmanuel Thierry, directeur commercial du concessionnaire Lecoq. On peut ajuster les loyers, les valeurs résiduelles, les services d’entretien. C’est du sur-mesure.» La valeur résiduelle correspond au prix du matériel en fin de contrat. Elle peut varier de 1 à 50 % selon les établissements. Philippe Beaumont, de BPCE Lease, parle «de propriété économique du matériel. Les agriculteurs l’ont bien intégrée à leur gestion, et utilisent les machines exactement comme s’ils les avaient payées comptant.»
Son succès est très varié selon le type de matériel. Il concerne plutôt les matériels coûteux (tracteur, automoteur, moissonneuse, machine à vendanger...), où l’intérêt fiscal est plus fort – les plus petits matériels sont souvent payés comptant. La part du leasing est aussi très différente selon les marques : 40 % chez certains tractoristes, contre 15 % chez d’autres. «Il y a des stratégies très hétérogènes», explique Geoffroy Garguet-Duport chez CAL & F. Les marques haut de gamme sont les plus concernées par le leasing.

Évolution vers une économie de l’usage
Mais pourquoi le leasing en agriculture se développe-t-il seulement maintenant, alors que la pratique existe déjà depuis très longtemps ? Pour l’expliquer, les banques rappellent que le leasing est encore une pratique relativement méconnue du secteur, et jusqu’ici réservée à des gens férus de gestion. Ainsi, le leasing se développerait à mesure qu’une partie croissante des agriculteurs s’intéresse à la gestion. «Il y a une méconnaissance du crédit-bail en général et particulièrement en agriculture, même si l’évolution est favorable, explique Thierry Hiere, directeur du marché de l’agriculture chez Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique. Pour intégrer tous les avantages du crédit-bail, il convient d’avoir une approche de gestion.»
Les banques mettent aussi en avant un changement de perception vis-à-vis de la propriété des machines. «On constate une évolution vers une économie de l’usage, qui a progressé dans tous les secteurs et qui concerne aussi l’agriculture», selon Thierry Hiere. «Le leasing est fortement utilisé par les agri-managers qui raisonnent en coût d’usage, à l’heure ou à l’hectare, pour chaque intervention, étaye Geoffroy Garguet-Duport (CAL & F). Cela représente parfois la totalité de leur parc.» Le leasing est d’ailleurs «largement utilisé par les entreprises de travaux agricoles, car elles ont une logique de facturation de la prestation (semis, récolte, etc.).»

Hausse du renouvellement des matériels
Les banques jugent par ailleurs que le leasing correspond à une tendance de fond au renouvellement plus fréquent des matériels. «L’agriculture française est en mutation, avec des exploitations de plus en plus grandes, avec des besoins de matériels de plus en plus techniques, et de plus en plus utilisés», estime-t-on chez BPCE. «Aujourd’hui, les machines agricoles intègrent de plus en plus de technologies, celles-ci affichent des performances en constante progression, ajoute Geoffroy Garguet-Duport (CAL & F). Cela incite les exploitants agricoles au renouvellement rapide des équipements pour rester à jour avec un matériel correspondant exactement à leurs besoins.» En outre, le développement du leasing ne serait pas étranger à celui d’une autre pratique à laquelle il est de plus en plus souvent associé : le «full service». Associé à ces services de maintenance forfaitisés, le leasing offre une approche moins risquée de l’acquisition de matériel. «Ce n’est pas systématique et assez minoritaire, même si c’est en croissance», assure Philippe Beaumont de BPCE Lease. Les distributeurs le proposent souvent. Lecoq voit une accélération des offres tout inclus, avec entretien et garantie «depuis deux ou trois ans». Cela intéresse surtout les entreprises de travaux agricoles (ETA).

Optimisation fiscale
Enfin, le leasing se développe grâce à des conditions fiscales et économiques qui le permettent. D’un point de vue macroéconomique, le niveau actuellement bas des taux d’intérêt incite les agriculteurs à investir davantage, et le leasing apparaît comme un levier pour le faire. Un conseiller bancaire du Sud-Ouest de la France rapporte que les exploitations ayant eu à faire d’importants investissements fonciers dans son secteur voient le leasing comme un moyen de poursuivre leur rythme habituel d’acquisition de matériel bien qu’ils aient atteint leurs plafonds d’endettement. D’autant que les pouvoirs publics mettent le crédit classique et le crédit-bail à un niveau de performance fiscal égal : les banques parlent à ce sujet de «parité fiscale». En matière fiscale, l’avantage du leasing est de diminuer la charge pesant sur la plus-value issue de la vente d’une machine. Lors d’une acquisition d’une nouvelle machine de remplacement en leasing, le premier loyer peut être «surpondéré», c’est-à-dire augmenté, de la valeur de la plus-value générée par la vente de l’ancien matériel. Ces loyers étant des charges déductibles, ils peuvent induire des déductions fiscales importantes sur les bénéfices. Plus généralement, expliquent les banquiers, les loyers peuvent être échelonnés sur une durée plus courte que les amortissements induits par un crédit classique. Enfin, l’un des autres attraits «est que l’on finance la TVA – c’est de la trésorerie en plus pour les agriculteurs», rapportent les banquiers. «Le crédit-bail, c’est soit pour les riches, soit pour les situations à problème», résume Véronique Gloria, présidente du concessionnaire Suoma. Dans un cas, il s’agit de créer des charges pour réduire les impôts et charges sociales. Dans l’autre, c’est une alternative quand la banque refuse de prêter face à un mauvais bilan d’entreprise, ou des garanties insuffisantes. Les banques notent d’ailleurs un intérêt particulier pour les jeunes qui montent des ETA, et qui n’ont pas, comme les agriculteurs, du foncier pour appuyer leur endettement.

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