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Lin
Le lin déploie ses atouts pour pérenniser sa culture

Ce 31 mai, la Calira (Coopérative agricole linière de la région d’Abbeville) conviait ses adhérents dans ses locaux, à Martainneville, pour découvrir toutes les facettes de la filière lin. Face à la concurrence des céréales, dont les prix s’envolent, elle n’a pas à rougir.

Pour Vincent Delaporte (à g.), directeur de la Calira, et Bernard Ghesquière  (à dr.), responsable des ventes du fournisseur de lin Fibrex, le marché du lin  est très dynamique. La demande est supérieure à l’offre.
Pour Vincent Delaporte (à g.), directeur de la Calira, et Bernard Ghesquière (à dr.), responsable des ventes du fournisseur de lin Fibrex, le marché du lin est très dynamique. La demande est supérieure à l’offre.
© A. P.

«Le monde de la filature vous attend. La demande de lin textile est très forte», annonce Bernard Ghesquière, responsable des ventes du fournisseur de lin Fibrex, aux adhérents de la Calira (Coopérative agricole linière de la région d’Abbeville). Ce 31 mai, tous étaient conviés à une «journée communication» au sein du site de teillage de Martainneville. L’objectif pour les dirigeants : montrer aux liniculteurs que la culture vaut le coup, alors même que la concurrence des céréales est rude, avec l’envolée des prix. 

Le marché très dynamique est donc un premier atout. «Les lins se commercialisent à 3,40 €/kg, et jusqu’à 4,40 €/kg pour les plus beaux lots», précise Vincent Delaporte, directeur de la Calira. Pour les liniculteurs une première estimation peut être réalisée pour la récolte 2021, alors qu’un peu plus de 60 % du volume était teillé fin mai. «La recette moyenne devrait revenir à 3 543 €/ha. Mais de grandes disparités seront subies selon la qualité de chacun.» Comptez 1 101 €/ha pour les plus mauvais lots, et jusqu’à 7 144 €/ha pour les meilleurs, à 26 % de filasses. «Ce résultat est assez exceptionnel.»

Les liniculteurs viennent de subir deux années délicates. «2020 est à oublier. Avec une moyenne de 650 kg de filasses/ha, les recettes ont été médiocres. Mais tout a été transformé, et tout est commercialisé», souffle Vincent Delaporte. En 2021, année beaucoup plus humide, les lins ont cette fois subi un facteur verse important qui est venu pénaliser la richesse en fibres. «La récolte présente 25 % d’étoupes. 1 500 t en sortent chaque jour de nos machines. C’est énorme.» Par chance, cette verse a été assez tardive, et certaines parcelles ont su tirer leur épingle du jeu. «La plupart des lins teillés sont entre 24 et 26 métrique (soit entre 24 000 et 26 000 m de fil au kg). Le 24 métrique est la limite pour la filière vestimentaire. En dessous, il sera plutôt destiné à du linge de maison», note Bernard Ghesquière. 

Reste que si les prix diffèrent selon la qualité, tout le panel trouve preneur. «On a plus de demande que de matière.» Ces deux récoltes consécutives assez faibles en qualité ne font pas le bonheur des clients qui ont investi dans des outils de transformation. «Mais la dynamique est là et c’est positif.» Il n’y a plus qu’à espérer que 2022 soit bonne. «La sécheresse a causé du tort en début de printemps. Même si certaines parcelles subiront les conséquences, la pluie qui a fini par tomber a fait beaucoup de bien», assure le directeur. 

 

L’avenir est dans la génétique

Produire du lin en quantité et en qualité est tout l’enjeu de Linéa, GIE appartenant à quatre coopératives de teillage, dont la Calira. «Notre métier est de créer des variétés de lin les plus adaptées à vos territoires», résume Charles-Henri Biard, responsable multiplication et développement commercial. Depuis sa création en 2001, quatorze variétés ont été inscrites. «Les plus célèbres, Novéa et Vivéa sont les meilleures variétés de votre coopérative.» Les dernières inscrites, elles, se terminent en «éo», signe d’une tolérance à l’oïdium, en plus de celle à la brûlure et à la fusariose.  «Stéréo sera plus adaptée aux terres légères, alors que Novéo, Idéo et Exéo sont des passe-partout.»

La recherche génétique liée à la résistance aux maladies est bien établie. «Nous utilisons la base génétique de variétés tolérantes, souvent du lin oléagineux, et nous récupérons le gène tolérant. Grâce à des rétrocroisements (back cross) nous le stabilisons dans les variétés fibres.» Comptez douze ans entre le premier croisement et la disponibilité de la variété pour les liniculteurs. La rusticité des variétés face aux changements climatiques, elle, est plus complexe. «Le changement va plus vite que la création variétale. Nous mettons toutes les informations que nous pouvons cumuler dans des bases de données, pour établir des modèles de prédiction ou de sélection génomique, un peu comme pour les vaches laitières.» Les lins d’hiver, bien implantés au printemps et donc plus résistants à un stress hydrique, semblent être une alternative prometteuse. 150 ha viennent d’être arrachés pour la Calira. Les dernières variétés montrent une résistance au gel assez importante.  

Reste que pour être disponibles, les variétés doivent être multipliées. «Pour cela, nous avons besoin de producteurs.» D’autant que l’année 2021 a été critique. «Nous avons obtenu 15 à 20 % des semences que nous espérions. Nous avons dû taper dans les stocks, qui sont désormais vides.» Avis aux volontaires.

 

Le teillage de la Calira bien huilé

L’usine de teillage de la Calira est un atout de taille pour ses 580 adhérents. «Les investissements réguliers nous permettent de bénéficier d’un outil performant», résume Vincent Boche, président de la coopérative. Dernièrement, 1 M€ ont dû être déboursés en cinq ans pour des travaux de mise aux normes vis-à-vis de la réglementation incendie : toitures, collecte des eaux de ruissellement, création de bassins de confinement… «C’était ça ou on fermait le site. On en a profité pour améliorer les conditions de travail de nos salariés, avec une meilleure isolation et un bon éclairage des bâtiments.» 
Il faut dire que la main-d’œuvre, (plus de cent salariés répartis en équipes de 3 x 2/8 et 2 x 3/8) est primordiale. 7 887 ha de la récolte 2021 sont en cours de teillage. Tout le volume doit être traité avant la fin de l’année civile, pour un solde des adhérents au 31 décembre. «C’est notre ligne de conduite.» Les équipes s’attaqueront alors aux 8 937 ha de la récolte 2022. Le rythme, entre 250 et 300 t de paille par jour, est soutenu. «Nos cinq machines sont bien entretenues et performantes», soutient Vincent Boche. 
La limite de la coopérative est sa capacité de stockage, avec 2 840 m2. «On déborde notamment d’étoupes.» Un permis de construire a donc été déposé pour la construction d’un bâtiment de 3 450 m2, auquel pourrait s’ajouter «un jour» un nouvel atelier de teillage. «On espère ce bâtiment pour le stockage de la récolte 2023.» 
En attendant, Vincent Boche rappelle qu'une prime de report de 12 €/t brute est attribuée aux producteurs qui stockent chez eux. «Si vous en avez la possibilité, dites-le à votre technicien».
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