Le louvetier, un homme de terrain à tout faire
Les candidatures pour l’exercice de la fonction de lieutenant
de louveterie sont ouvertes jusqu’au 25 octobre. Prêt à rempiler, François Legrand revient sur les missions de cet agent bénévole au service de l’État pour la gestion de la faune sauvage.
Si le temps où la mission du corps des lieutenants de louveterie était de protéger les citoyens du royaume de France des grands prédateurs - dont le loup -, est révolu, ces agents bénévoles au service de l’état restent d’une grande utilité dans la gestion de la faune sauvage. Dans le département de la Somme, ils sont dix à exercer la fonction. Leur mandat, débuté en 2015, arrivant à terme, un appel à candidature a été lancé par la préfecture de la Somme pour procéder à leur renouvellement pour la période allant du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2024.
Les dix commandements du louvetier
Lieutenant de louveterie depuis 2015, François Legrand achèvera dans quelques semaines son premier mandat et s’avoue tout prêt à en assumer un nouveau. Pour ce passionné de chasse et de nature, candidater à cette mission s’est présentée comme une évidence : «J’ai longtemps baigné dedans puisque mon père l’était également», admet-il. Devant son dossier de candidature, il énumère les qualités requises et supplémentaires à celles imposées par le Code de l’environnement : «Il faut avant tout bien connaître le département, les gens qui y sont installés et se tenir au courant de ce qui se passe sur son territoire. Il faut aussi s’intéresser à l’agriculture, à la sylviculture et, bien sûr, à la chasse, en ayant une vision globale.» Une fois nommé, le lieutenant de louveterie s’engage par la signature d’une charte à respecter un certain nombre de règles. Elles sont au nombre de dix et lui demande en premier lieu une grande disponibilité. Si la mission principale des lieutenants de louveterie est la mise en œuvre d’opérations de régulation d’animaux nuisibles ordonnées par l’administration, ils peuvent également constater les infractions à la police de la chasse qu’ils sont en situation de relever, et participe à la lutte contre le braconnage en lien avec les agents de l’ONCFS ou des fédérations départementales des chasseurs. Il doit, pour cela, justifier d’une certaine expertise dans le domaine cynégétique, et se former régulièrement à la connaissance de la faune, de la nature au sens large et de l’évolution législative.
Des missions multiples
Pour François Legrand, l’activité la plus chronophage est effectivement la régulation d’espèces nuisibles par le tir de nuit, devant la participation à de multiples réunions où il est toujours question de médiation et de conseil : «Depuis plusieurs années, nous sommes occupés par la régulation du renard et le colletage du blaireau. Cela reste quelque chose d’utile pour le territoire, mais il est de plus en plus compliqué d’obtenir les arrêtés qui encadrent cette pratique, puisque ceux-ci sont régulièrement attaqués devant les tribunaux. Cela est d’autant plus gênant que les gens qui attaquent ces arrêtés ne connaissent pas le sujet. Plus nous recueillons de témoignages et d’attestations de dégâts, plus il est facile de défendre ensuite la régulation d’espèces comme le renard ou le blaireau», rappelle François Legrand.
Conseiller technique de l’administration, et bénévole, le lieutenant de louveterie exerce d’abord sa mission sur le terrain : «Il ne faut pas avoir peur de chausser des bottes, sourit M. Legrand, et savoir faire preuve d’objectivité. Quand on est chargé d’organiser une battue administrative par exemple, ce n’est jamais de gaieté de cœur, mais c’est un outil efficace qui marque les esprits et qui agit comme une épée de Damoclès. Sans cela, on assisterait à des situations anormales et à une explosion des dégâts.» L’administration décrit, de son côté, le lieutenant de louveterie comme «un moyen direct d’action, souple, efficace et rapide au service des préfets, maires et citoyens», avec un spectre d’intervention large. De quoi en faire un homme respecté - la louveterie française n’est pas exclusivement masculine et compte quelques femmes -, redouté et parfois envié dans son habit bleu décoré de boutons dorés à l’effigie du loup.
Des conditions d’exercice encadrées par le Code de l’environnement
Conformément aux dispositions de l’article R.427-3 du Code de l’environnement, les candidat(e)s ont l’obligation :
- d’être de nationalité française
- jouir de leurs droits civiques
- résider en ou sur un canton limitrophe d’un département voisin
- détenir un permis de chasser depuis au moins cinq ans l’année de leur nomination
- justifier d’aptitudes physiques compatibles avec l’exercice de la fonction
- justifier de compétences cynégétiques et être apte à organiser et encadrer sur le terrain des opérations de destruction d’animaux ordonnées
- s’engager à entretenir à leurs frais des chiens et posséder armes et véhicule pour assurer en toute indépendance les missions qui leur sont confiées.
Chaque lieutenant de louveterie doit s’engager par écrit à entretenir, à ses frais, soit au moins
quatre chiens courants réservés exclusivement à la chasse du sanglier ou du renard, soit au moins deux chiens de déterrage. Les candidats intéressés par cette information sont invités à adresser leur dossier de candidature par courrier recommandé avec avis de réception à l’adresse suivante, au plus tard le vendredi 25 octobre 2019 : Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), Service Environnement et littoral bureau nature, 35 rue de la Vallée, 80000 Amiens. Passé ce délai, les candidatures ne seront plus recevables. De la même manière, les dossiers incomplets ne seront pas pris en considération. Le dossier de candidature est disponible auprès de la DDTM sur le site internet de l’état : http://www.somme.gouv.fr/Politiques-publiques/Environnement/Foret-chass…
La pression du loup toujours plus forte
Avec une population estimée à 530 individus, le loup a dépassé le seuil de viabilité fixé à 500. Depuis 2008, le nombre d’animaux d’élevage prédatés est en constante progression. Pour les éleveurs qui pourtant, mettent en place des mesures de protection, la pression est trop forte et la situation n’est plus tenable. Si le plan loup 2018-2023 apporte quelques avancées pour les professionnels, le compte n’y est toujours pas. Pour les scientifiques, en plus des mesures indispensables de protection des troupeaux, il faut aussi mieux connaître le comportement du loup pour trouver les parades les plus adaptées. Dans le département de la Somme, il faut remonter à 2017 pour trouver trace du loup : «Plusieurs indices ont démontré la présence du loup dans le département, se souvient François Legrand. On a retrouvé des poils et des excréments dans les secteurs de Corbie, Crécy-en-Ponthieu, Moreuil. En quelques semaines, il s’est bien promené, avant de disparaître. On pense qu’il venait de l’est de la France». Pour le lieutenant de louveterie, ce type de comportement n’est pas un hasard : «à un moment de sa vie, le loup quitte sa meute en éclaireur pour chercher un territoire et s’y installer.» étant donné la dynamique de population de Canis lupus sur le territoire français – le taux d’accroissement de l’espèce est de 20 % par an -, on peut estimer à une centaine de nombre de naissances par an ; soit bien plus que le nombre de prélèvements autorisés. «Un jour ou l’autre, on reparlera donc forcément du loup dans les Hauts-de-France», constate M. Legrand.