Le marché du sucre croule sous les excédents
L’Organisation internationale du sucre (OIS) chiffre à 10,51 Mt l’excédent de sucre sur le marché mondial en 2017-2018, selon un rapport publié le 29 mai. Résultat, les prix dévissent. Un nouvel excédent de production est envisagé sur 2018-2019.
«Les cours mondiaux du sucre se sont effondrés depuis octobre 2016 : ils étaient encore à plus de 20 cents par livre au plus haut de 2017, en janvier, avant d’atteindre un point bas à moins de 11 cents, en avril», indique Timothé Masson, en charge du suivi des marchés à la CGB (betteraviers). Malgré une reprise par la suite, les prix restent très bas, à 12,34 cents par livre le 11 juin sur le marché de New York.
La planète sucrière croule sous les excédents. D’après l’Organisation internationale du sucre (OIS), la production mondiale atteint 185,21 Mt en 2017-2018 face à une consommation de 174,7 Mt. Cela représente un surplus de 10,51 Mt de sucre, «un record historique» comme le relève l’AIBS (interprofession) dans sa dernière note d’information. Les fondamentaux se sont nettement dégradés par rapport aux estimations précédentes. L’OIS avance des chiffres spectaculaires obtenus en fin de campagne par l’Inde et la Thaïlande, qui dépassent les attentes de respectivement plus de 5 Mt et 2 Mt.
La fin des quotas éclipsée
Côté sucre de betterave, la production mondiale augmente d’environ 4,4 Mt en 2017-2018, tirée par l’UE et l’Europe de l’Est. «L’impact de la fin des quotas au 1er octobre 2017 a eu un effet psychologique sur les prix», note Timothé Masson. Cette libéralisation du marché européen est synonyme d’un nouvel essor de la culture de betterave. Elle est éclipsée par la situation côté sucre de canne, avec une production mondiale 2017-2018 en hausse de 12,9 Mt. «La reprise de la production dans l’UE pèse peu au regard des volumes annoncés en Inde et au Pakistan : + 8,5 Mt à eux deux par rapport à leur moyenne quinquennale, souligne l’agroéconomiste. Même effet avec la Thaïlande, qui a bénéficié d’une météo très favorable. Globalement dans le monde, peu d’accidents climatiques sont intervenus.»
Pourtant le Brésil, moins avantagé par le ciel, apparaît en recul (- 4,92 Mt en 2017-2018, d’après l’OIS). «Le fort repli actuellement anticipé pour la production de sucre au Brésil ne ferait que réduire le surplus mondial 2018-2019», considère l’AIBS, jugeant «improbable une reprise durable des cours mondiaux». La CGB exprime aussi des craintes sur l’évolution du marché. «Le réal a perdu 15 % par rapport au dollar depuis le 1er janvier, note Timothé Masson. Ce n’est peut-être pas fini, vu l’élection présidentielle en octobre au Brésil. Cette faiblesse de leur monnaie exerce une pression à la baisse sur les cours mondiaux.»
Des fonds spéculatifs en position «nette vendeur»
Petite note d’espoir, les fonds spéculatifs affichent une position moins «nette vendeur», c’est-à-dire une position pariant sur une baisse des prix. Au point bas du marché, en avril, cette position était de quelque 8,5 Mt contre près de 2 Mt aujourd’hui, relève-t-on à la CGB. Cela montre une perception du marché moins négative. Plusieurs facteurs interviennent, comme la grève des transporteurs routiers au Brésil ; des déclarations en Inde et en Thaïlande sur de plus larges productions d’éthanol au détriment du sucre, en Inde sur l’utilisation d’environ 3 Mt de stocks de réserve. Des surfaces en baisse sont aussi prévues en Russie et en Ukraine.
Une chose est sûre : avec la fin des quotas, les prix européens sont directement connectés avec le marché mondial. Le sucre valait en mars 376 euros/t sortie usine, d’après la Commission. Il était à 490 euros/t en septembre 2017. «On s’approche de la parité avec les cours mondiaux», affirme Timothé Masson. Au vu d’une récente cotation spot Kingsman/Platts de 285 euros/t sortie usine française à destination de l’Italie, les prix dans l’UE sont au même bas niveau qu’ailleurs.