Le marché foncier agricole régional est moins actif
4 823 transactions ont été notifiées en 2013 à la Safer de Picardie pour un total de 13 725 ha de terres agricoles, en légère baisse.
L’assemblée générale de la Safer de Picardie a eu lieu le 20 juin dernier dans les locaux de l’Institut Charles Quentin, à Pierrefonds dans l'Oise. C'est l'occasion de faire un focus particulier sur le marché des terres agricoles. Au niveau national, ce marché est en pleine mutation, avec une légère diminution des surfaces vendues mais avec une augmentation des cessions de baux et des achats de foncier réalisés de plus en plus par des personnes morales. C’est un marché qui reste fermé, avec une hausse soutenue des prix, alimentée par le maintien de cours élevés pour les produits agricoles. Et l’on remarque une augmentation des cessions de parts sociales de structures juridiques propriétaires de foncier, un marché qui échappe aux Safer.
Prix en hausse
Le même constat est fait au niveau régional, et plus particulièrement sur les cessions de terres occupées. En Picardie, 4 823 transactions ont été notifiées par les notaires à la Safer, pour un total de 13 725 ha de terres agricoles, en légère baisse (5 117 ha dans l’Aisne, 3 950 ha dans l’Oise et 4 658 ha dans la Somme). Les prix par contre continuent d’augmenter, de 7 % pour les terres occupées qui représentent la plus grande partie des surfaces vendues, et de 4 % pour les terres libres, avec de fortes disparités par secteurs. La pression foncière dans les zones de plus en plus urbanisées influe fortement sur les prix, surtout sur les terres libres.
Le niveau moyen triennal de prix par département est de 7 850 €/ha dans l’Aisne, 9 050 € dans la Somme, et 9 370 € dans l’Oise, où l’augmentation a été la plus forte l’an dernier (+ 8 %). Par contre, les prix des terres occupées sont sensiblement les mêmes dans la région : de 5 260 €/ha dans l’Aisne à 5 320 € dans la Somme.
Plus de 60 % des terres achetées par les fermiers
Une partie des surfaces vendues n’est pas accessible à la Safer. Il y a en effet le marché non agricole : 1 355 ha en bois, 644 ha pour du résidentiel ou des loisirs et 546 ha pour divers aménagements, acquis généralement par des collectivités publiques. En 2013, le marché «potentiellement agricole» a donc concerné 11 180 ha, dont plus de 60 % ont été achetés par les fermiers en place. Le seul marché accessible n’a été que de 2 744 ha pour la Safer, qui a acquis 638 ha (204 ha dans l’Aisne, 109 ha dans l’Oise et 325 ha dans la Somme), dont 615 ha à l’amiable.
Il n’y a eu préemption que sur 23 ha, soit 3,6 % des surfaces achetées par la Safer, ou seulement 0,87% de son marché accessible.
Mais dans ce marché fermé, où il y a une forte concurrence, la Safer continue d’exercer son rôle d’arbitre, conservant toujours sa possibilité de préempter et d’engager une procédure en révision de prix. Cela permet de limiter la hausse des prix afin de rendre le foncier accessible à tous.
592 hectares rétrocédés
La Safer achète pour revendre en fonction de priorités définies par le conseil d’administration et le comité d’orientation. L’an dernier, 592 ha ont été rétrocédés au niveau régional : 243 ha dans l’Aisne à 27 bénéficiaires, 70 ha dans l’Oise à 8 bénéficiaires, et 279 ha dans la Somme à 37 bénéficiaires. Des rétrocessions pour conforter le plus souvent des petites ou moyennes exploitations viables (265,2 ha), pour aider au maintien du preneur (171,3 ha) et surtout pour conforter l’installation (onze jeunes en ont profité l'an dernier), alors que l’accès au foncier est fait à moindre coût par le fermage.
A noter également des rétrocessions au profit de collectivités publiques (45 ha en 2013). La Safer gère aussi un important stock de foncier qu’elle a acquis en vue de compenser des emprises pour des projets de travaux publics, dont le canal à grand gabarit qui mobilise à lui seul 1 212 ha. Les stocks de la Safer de Picardie s'élèvent ont au total à 1 825 ha, dont 1.510 sont conventionnés avec des collectivités territoriales, administrations ou établissements publics, en particulier avec VNF et les conseils généraux. Ces terrains acquis par la Safer sont occupés par conventions annuelles d’occupation précaire.
Intermédiations locatives
Par ailleurs, la Safer gère des domaines, à la demande de 89 propriétaires, pour 894 ha qui sont cultivés avec des conventions de mise à disposition de un à six ans, renouvelables une fois. Et elle fait des intermédiations locatives (près de 115 ha dans la Somme en 2013) qui ont permis de conforter cinq installations et six agrandissements. Cela profite, comme les rétrocessions, à des agriculteurs choisis selon des critères de priorités définies en comité d’orientation, donc toujours en lien avec les responsables professionnels.
ZOOM
Le cadre règlementaire des Safer va évoluer
Le président Hubert Duez a redit que le but de la Safer n’est pas «de faire du chiffre», mais de répondre à ses missions, à savoir : aider à l’installation de jeunes agriculteurs, faciliter l’accès au foncier, conforter des structures viables, moraliser le marché, aider aux projets innovants, ou encore participer à une gestion économe du foncier agricole… Pour cela, la Safer a une organisation très réglementée avec une composition paritaire de son conseil d’administration. Les représentants professionnels sont issus des organisations agricoles avec lesquels il faudrait probablement des liens plus étroits.
Une autre critique est exprimée par les membres des comités techniques qui se disent insuffisamment informés des dossiers lorsqu’il faut donner des avis sur des interventions (acquisitions ou rétrocessions). Mais il y a une nécessaire confidentialité sur les transactions immobilières en cours.
Hubert Duez a fait état d’un séminaire organisé au niveau national par les Safer. Un plan pluriannuel d’activités a été arrêté pour la période 2015-2021, succédant à celui instauré pour 2007-2013. L’objectif est de coordonner les actions des Safer avec les très nombreux plans ou programmes régionaux qui sont de plus en plus souvent définis par les différentes administrations ou collectivités territoriales avec une connotation environnementale. Et le cadre réglementaire évolue constamment.
Loi Alur et projet de loi d'avenir
Mickaël Rivier, un universitaire, administrateur de la Safer de Picardie et intervenant à la FNSafer, a présenté les évolutions à attendre. D’abord de la loi «Alur» (loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové), votée le 24 mars dernier, qui permet aux Safer l’accès au service des valeurs foncières. Ensuite et surtout, du projet de loi pour l’avenir pour l’agriculture qui prévoit notamment : une réforme partielle de la gouvernance (avec une règle de parité hommes-femmes au sein du conseil d’administration); une extension du droit de préemption non seulement sur les biens immobiliers à usage agricole, mais aussi sur ceux à vocation agricole (définis comme tels dans les documents d’urbanisme) ; l'application du contrôle des structure non seulement aux agrandissements, mais à l’ensemble des opération de la Safer, quel que soit le mode d’intervention. Par ailleurs, la possibilité d’acquérir à l’amiable des parts de GFA va être rétablie. Quant au marché des parts sociales de sociétés immobilières, il devrait rester en dehors du champ de compétence des Safer, sauf si la vente devait concerner l’ensemble des parts ou actions d’une société. Mais il est prévu que les Safer devraient avoir connaissance de l’ensemble des cessions de parts sociales.
Enfin, un autre changement à envisager sera lié à la réforme territoriale et donc peut-être à une adaptation des zones d’activités des Safer dans les régions.