Le pouvoir agronomique des trèfles
Jusqu’à 30 unités (U) d’azote/ha en sortie d’hiver, c’est le potentiel des trèfles semés sous couvert de céréales en appui à la fertilisation azotée des systèmes bios. Quelles contributions en azote peut-on espérer des trèfles semés sous couverts de céréales en bio pour la culture suivante ? Retour sur les essais de la chambre d’agriculture qui en disent long.
Jusqu’à 30 unités (U) d’azote/ha en sortie d’hiver, c’est le potentiel des trèfles semés sous couvert de céréales en appui à la fertilisation azotée des systèmes bios. Quelles contributions en azote peut-on espérer des trèfles semés sous couverts de céréales en bio pour la culture suivante ? Retour sur les essais de la chambre d’agriculture qui en disent long.
Le recours aux couverts végétaux à base de trèfles en semis sous couvert apporte une partie d’azote au printemps suivant lors de leur minéralisation pour la culture suivante.
Cette contribution azotée du trèfle va dépendre du tonnage de matière sèche produite mais aussi de sa date de destruction. La minéralisation des trèfles peut apporter jusqu’à 50 U d’azote/ha pour une culture d’été tardive.
Les trèfles : véritables plantes productrices d’azote sur pied !
Parmi les légumineuses, les légumineuses fourragères comme les trèfles sont parfaitement adaptées pour être semées sous le couvert d’une céréale au printemps. Une fois la moisson des céréales effectuée, les légumineuses vont se développer au gré des températures et des précipitations automnales. Le tableau 1 ci-dessous, reprend la productivité des divers trèfles mis en essai, ainsi que l’azote mesuré dans les parties aériennes. Nous observons qu’à l’automne 2021, les températures ont permis la production de 2,9 t de MS/ha pour un trèfle blanc, un résultat raisonnable et déjà mis en évidence sur des résultats pluriannuels publiés par d’autres instituts techniques. Si théoriquement 83 U d’N/ha ont été piégés selon la méthode prévisionnelle M.E.R.C.I*, elles ne sont malheureusement pas toutes disponibles la première année ! Seules 30 U viendraient enrichir le reliquat azoté à l’ouverture du bilan en mars pour une culture estivale.
Pour vérifier cette théorie, la Chambre d’agriculture de la Somme a suivi la minéralisation des trèfles et du sol nu au cours de l’hiver, du 8 novembre 2021 au 20 avril 2022 nous observons sur le graphique 2, ci-dessous, que le reliquat entrée d'hiver de 49 U d’azote/ha ne s’est que peu enrichit durant l’hiver, signe d’une faible minéralisation hivernale. Nous remarquons que le trèfle blanc a permis de réduire de quelques unités le reliquat azoté en entrée d’hiver. La courbe violette correspondante au sol nu, indique la cinétique de minéralisation et notamment le départ de la minéralisation printanière à partir du 8 mars. Quant aux trèfles blancs, deux options de destruction ont été prises. La première date, une destruction à l’entrée d’hiver (courbe grise), une deuxième date, tout début mars (courbe orange), pour connaître l’incidence de minéralisation sur les deux modalités de destruction. Sans surprise, le trèfle blanc, détruit en novembre, enrichit le reliquat durant l’hiver alors que ce n’est pas le cas du trèfle laissé sur pied jusqu’en février. De plus, le risque de lessivage partiel de l’azote est bien présent comme le montre la baisse générale des reliquats au 6 février. L’association trèfle violet + trèfle d’Alexandrie (courbe verte) contribue le plus à l’enrichissement du reliquat durant l’hiver mais se fait rattraper par les autres au printemps. Si elle semble intéressante au premier abord, la conduite du trèfle d’Alexandrie reste compliquée sous le couvert de la céréale l’année précédente. Le trèfle d’Alexandrie présente le défaut d’aller chercher la lumière dans la céréale. Aussi, sa maturité tardive apporte de l’humidité et des résidus de culture dans la récolte du blé et accentue l’humidité du grain. Le trèfle d’Alexandrie est donc à proscrire dans ce contexte malgré des bons résultats sur les restitutions rapides d’azote. Nous le retiendrons plus facilement pour des semis d’intercultures d’été précoces (semis avant le 5 août). Nous pouvons également redouter le trèfle violet pour les mêmes raisons. Le trèfle blanc reste, pour l’heure, le choix raisonnable au regard de sa faible agressivité pendant la culture du blé. Il constitue une plante compagne idéale.
30 U d’azote/ha de gain pour le trèfle blanc détruit en sortie d’hiver au printemps
Une fois le lessivage hivernal passé, la possible réorganisation de l’azote au printemps et les apports de fertilisation organique de printemps, les apports nets d’azote sont calculés par différence entre les reliquats des trèfles et la minéralisation du sol nu. Sur les reliquats azotés à partir d’avril, nous nous apercevons que les fientes de poules apportées en fertilisation vont fausser les mesures. Il convient d’être prudent dans l’interprétation des chiffres. Comme le montre le graphique ci-dessous, nous pouvons compter sur un enrichissement de 15 à 30 U d’azote du reliquat au
23 mars grâce à l’apport des différents trèfles.
Ces résultats sont corroborés par d’autres instituts techniques qui accréditent cette expérimentation. Selon eux, la contribution des trèfles est portée jusqu’à 50 U/ha vers la mi-avril pour un trèfle à 2,5 t de MS/ha.
L’outil prévisionnel M.E.R.C.I sera donc bien utile pour calculer précisément la contribution des couverts végétaux quels qu’ils soient lors du calcul du plan prévisionnel de fertilisation azoté.
La méthode est-elle reproductible en conventionnel ?
Bien que cette technique soit rarement employée en conduite conventionnelle, elle pourrait pourtant séduire les adeptes du non labour et autres TCS. Pour ce faire, il faut se placer dans un contexte conventionnel et avoir à l’esprit trois adaptations à prévoir. L’utilisation des désherbants implique un choix dans les matières actives qui devront avoir une action de contact et non plus racinaire. Les doses de semis de la culture en place devront être revues à la baisse sans compromettre le rendement. La lumière doit pouvoir y pénétrer un minimum. Les doses de semis de blé en protection intégrée sont une base de départ. Enfin, la gestion de la dose totale d’azote ainsi que sa répartition sont à reprogrammer : moins d’azote en début de culture jusqu’au stade épi 1 cm mais un dernier apport plus conséquent. Une idée à creuser pour les passionnés d’agronomie dans laquelle se rejoignent toutes les formes d’agriculture !
Une autre technique qui a fait ses preuves mais qui reste encore trop peu utilisée, consiste à semer à la volée les graines de légumineuses dans la céréale fin juin/début juillet. Les graines déposées sur le sol, bénéficieront des conditions d’implantation optimales pour que la plante se développe une fois les céréales récoltées.
Dans tous les cas de figure, ces techniques restent à amplifier dans les systèmes de culture quels qu’ils soient pour allier économie d’azote, stockage de la matière organique et couverture des sols.
Vous vous interrogez sur les avantages agronomiques des trèfles sur vos parcelles ? Sollicitez l’expertise de votre conseiller Chambre d’agriculture de la Somme pour connaître les meilleurs choix variétaux et leurs conditions d’implantation.
*La méthode M.E.R.C.I, développée en 2010 par la Chambre régionale d’agriculture Nouvelle-Aquitaine contribue, par une mesure simple et rapide au champ, à démontrer l’intérêt agronomique, économique et environnemental des cultures intermédiaires multi-services sur le recyclage et la mise à disposition des éléments minéraux.