Le pré-buttage d’été pour limiter l’érosion : rêve ou réalité ?
Jean-Paul Dallene, installé à Oppy (62), pratique le pré-buttage d’été pour ses pommes de terre depuis trois ans. Même si la technique est à peaufiner, l’agriculteur est convaincu de ses avantages. Agro-transfert et Uneal l’encadrent dans ses essais.
Jean-Paul Dallene, installé à Oppy (62), pratique le pré-buttage d’été pour ses pommes de terre depuis trois ans. Même si la technique est à peaufiner, l’agriculteur est convaincu de ses avantages. Agro-transfert et Uneal l’encadrent dans ses essais.
«Nous, agriculteurs, avons le choix entre deux positions : attendre qu’on nous retire les phytos un à un et pleurer sur notre sort, ou se bouger pour trouver des solutions», soutient Jean-Paul Dallene, associé du Gaec Artoipy à Oppy, entre Arras et Lens. Cet état d’esprit l’a amené à se renseigner sur le pré-buttage des pommes de terre. «Je voulais limiter l’érosion dont souffraient mes parcelles de pommes de terre après un orage. En ruisselant, l’eau emportait la terre des buttes. J’ai découvert cette technique pratiquée au Canada, en Ukraine ou encore en Allemagne, et je me suis dit “pourquoi pas chez moi ?“.»
Un test a été réalisé sur 12 ha il y a deux ans, puis sur 23 ha l’année dernière. Cette année, 25 ha sur les 63 de pommes de terre ont été pré-buttés. «Cette surface augmentera encore l’année prochaine», assure Jean-Paul Dallene, convaincu. Ce 28 avril, l’heure était à la plantation d’une parcelle de Bucquoy, pré-buttée en août après la moisson du blé. Les pommes de terre, de variété Innovator, seront à destination de l’industrie. La parcelle fait l’objet d’un suivi avec Uneal dans le cadre du projet Sol-D’Phy 2 porté par Agro-tranfert Ressources et territoires. «Nous mettons en place plusieurs modalités, dont une plantation en reprise directe dans les pré-buttes, une plantation avec fraise sur le pré-buttage et une plantation avec la fraise sans pré-buttes (non labour). Enfin, une dernière modalité visait à scalper les résidus sur les flancs des prébuttes avant une plantation en directe, pour réduire les résidus, explique Solène Garson, référente en cultures spécialisées à la coopérative Uneal. L’objectif est de ramener plus de vie dans le sol, plus de matière organique, d’obtenir une meilleure granulosité, et de favoriser la porosité qui améliorera la rétention d’eau. L’eau sera un facteur limitant à l’avenir.»
En pratique, un passage d’Actisol dont les dents droites ont un effet fissurateur a été réalisé avant le pré-buttage. Pour le matériel de cette deuxième étape, Jean-Paul Dallene n’a pas eu besoin d’investir. «Je me suis servi d’un vieux butoir terrier qui ne servait plus, auquel on a ajouté une descente tous les 4 cm afin de pouvoir semer le couvert en même temps.» Ce couvert est composé de dix espèces : seigle fourrager, phacélie, sarrasin, trèfle incarnat, tournesol, féverole, radis fourrager, vesce velue, avoine de printemps et melilot. «Le but est d’obtenir une belle biomasse en interculture pour obtenir une bonne structuration du sol», note Solène Garson. Une partie du couvert a été détruite au glyphosate en février et en mars ; une autre a été détruite par le gel. «Mais les plantes sont restées au fond et m’ont finalement gêné pour la suite du travail», constate l’agriculteur. L’année prochaine, il pense broyer le couvert.
Des améliorations mais des avantages notables
La plantation, elle, nécessite encore le passage de la fraise. «Avant de tester cette technique, je pensais pouvoir planter en direct. Mais je me suis rendu compte que c’était rarement faisable. Il faut encore travailler sur le mélange de couvert et sur sa destruction pour la rendre possible.» Les effets du pré-buttage sont néanmoins palpables. «Nous avons réalisé des comptages de vers de terre. Ils sont trois fois plus nombreux lors d’un pré-buttage-fraisage qu’avec un labour-fraisage», se réjouit-il. Les vers de terre seraient peut-être descendus plus en profondeur dans la pré-butte et souffriraient moins du fraisage. «J’ai aussi aperçu des îles de champignons sur mes buttes, chose que je n’avais jamais vu en pratique classique. C’est donc que la vie du sol est favorisée.» L’arrachage serait aussi plus aisé. «Même le semis de blé après pomme de terre est plus facile car le sol ressuie plus vite. Je me passe souvent de la charrue en novembre, ne réalisant qu’un déchaumage.»
Le travail à mener sur le couvert pourrait permettre d’étendre la technique à l’ensemble de la filière. Car aujourd’hui, elle n’est pas conseillée pour la culture de variétés de pommes de terre lavables. «Si les résidus du couvert se décomposent mal, on peut amener des maladies», note Solène Garson. C’est en essayant qu’on apprend.
Il s’agit en fait d’un travail en commun, mené également avec le groupe A2C pommes de terre et le projet Sols vivants d’Earthworth.
Du thé de compost pour activer le sol