Le sorgho : une culture à envisager dans notre région ?
Le réchauffement climatique engendre de nombreux problèmes, mais malgré tout, il offre de nouvelles possibilités de culture. Depuis cinq ans, les conditions météo laissent envisager celle du sorgho.
Le réchauffement climatique engendre de nombreux problèmes, mais malgré tout, il offre de nouvelles possibilités de culture. Depuis cinq ans, les conditions météo laissent envisager celle du sorgho.
Le sorgho aime les régions chaudes. Cette graminée de la famille des poacées, originaire d’Afrique de l’Est, nécessite un cumul de températures de
1 600 à 1 980°C sur son cycle, avec une fourchette journalière comprise entre 6 et 35°C. «Chez nous, l’offre thermique est limite voire insuffisante en moyenne vingt ans. Néanmoins, en moyenne cinq ans, il semble que les départements picards présentent un cumul de températures compris entre 1 600 et 1 800°C qui permettrait la culture de variétés très précoces», annonce Anne-Sophie Colard, ingénieur chez Arvalis-Institut du végétal, lors d’un webinaire consacré à cette culture. La spécialiste prévient tout de même : «le risque de récolter tardivement ou de récolter à des teneurs inférieures à 30 % de MS, et donc de mettre en péril le stockage et la conservation, existe.»
Le sorgho présente une diversité physiologique qui permet de prétendre à différents débouchés et différents usages. Le sorgho grain est d’une taille réduite (1 à 1,4 m), plus ou moins précoce, avec une faible teneur en tanins du grain. Il est destiné à l’alimentation animale ou humaine. Le sorgho fourrager monocoupe est plus grand, plus ou moins riche en sucre, en amidon et en fibres selon les variétés. La plante est récoltée entière, pour du fourrage, la bio-énergie ou les bio-matériaux. Le sorgho fourrager multicoupe a une capacité de tallage variable et une aptitude à la repousse. Il est implanté pour le pâturage, l’enrubannage, la fauche… C’est aussi une plante de service intéressante, en tant que couvert estival. «Il s’agit d’une plante en C4, comme le maïs, dotée d’une reproduction autogame et d’une grande diversité morphologique, précise Anne-Sophie Colard. L’inflorescence en panicule est plus ou moins lâche ou compacte.»
L’implantation, étape clé de la réussite.
Romain Tscheiller, ingénieur chez Arvalis, note que «l’implantation est l’étape clé de la réussite». Celle-ci a lieu en mai, à 25 % d’humidité du grain pour les sorghos grains, et à 30 % de MS pour les sorghos fourragers monocoupes. Il s’agit d’une petite graine qu’il ne faut pas semer trop profond, dans un sol à 12°C minimum. «Les enjeux sont de préparer un lit de semences fin, de régler parfaitement son semoir, et de respecter l’écartement de l’inter-rang et la densité de semis (354 000 plantes/ha conseillé).» Comme la vigueur de la plante est modérée au départ, une fertilisation starter peut être intéressante.
Après la levée, la plante entre en phase reproductrice, puis en floraison vers la fin du mois de juillet. La maturité est atteinte vers fin septembre ou début octobre. «La phase sensible est autour de l’épiaison, un peu avant et juste après la floraison», ajoute Anne-Sophie Colard. Le stress thermique peu poser problème : «les températures sous 10°C à la méiose peuvent affecter la fertilité du pollen et donc le nombre de grains».
Quelle conduite culturale ?
En ce qui concerne le besoin en azote, «comptez 2,3 kg N/unité de production pour un objectif de 80 à 100 qx/ha», annonce Manon Boissières, ingénieur Arvalis. 40 % de l’azote mobilisé par la culture retourne au sol sous forme organique. En phosphore et en potassium, c’est une culture peu exigeante. «Les besoins sont de l’ordre de 1 kg P/ql de grains, et 2,5 kg K/ql de grains.»
Quant à la lutte contre les adventices, l’enjeu est de mobiliser des leviers agronomiques et physiques de lutte. «Les faux semis montrent une efficacité favorisée par le semis plus tardif. Le désherbage mécanique est également intéressant, surtout la rotoétrille dans la lutte contre le Panic faux millet (au stade 3 feuilles environ), une graminée estivale très concurrentielle», explique Jean-Luc Verdier, ingénieur Arvalis.
Des solutions chimiques sont disponibles depuis de nombreuses années. En post-semis - prélevée, il est conseillé d’utiliser des herbicides à pénétration racinaire et foliaire à action systémique (Calliprime_Xtra + Lumestra (0,2 l/ha), ou Temsa 100 (1 l/ha)), ou des herbicides à pénétration racinaire et action par contact, comme Alcance Syntec (2,5 l/ha). Les semences enrobées existent aussi. «Dès le stade 3 feuilles, un traitement de base antigraminées et antidicots doit être réalisé si besoin. Entre 4 et 8 feuilles, un rattrapage antidicots annuelles et/ou vivaces est à envisager», ajoute le spécialiste.
Des ravageurs à surveiller
Parmi les différents ravageurs aériens susceptibles de s’attaquer au sorgho, certains présentent un risque de nuisibilité plus élevé que d’autres : sésamies, pyrales et héliothis. Pour les deux premiers, les solutions suivantes sont utilisables : pyréthrinoïde (nombreuses spécialités commerciales), chlorantraniliprole (Coragen) ou autres produits avec action larvicide.
Les larves d’héliothis, elles, peuvent provoquer des dégâts en consommant les organes de reproduction et les graines en début de formation. La période de risque se situe entre floraison et stade grain laiteux-pâteux. Les produits de lutte se composent de chlorantraniliprole (Coragen).