Le vrai du faux sur l’irrigation des pommes de terre
L’irrigation est souvent jugée à tort comme un facteur aggravant les risques d’entraînement de nitrates vers la nappe phréatique. C’est tout le contraire.
Rappelons que la lixiviation du nitrate a lieu en grande majorité durant l’hiver, et qu’elle est principalement conditionnée par la quantité d’azote sous forme nitrique à l’entrée de l’hiver et par la lame drainante. Améliorer l’efficacité des engrais azotés permet donc de réduire d’autant le stock d’azote nitrique avant la période de drainage et, par la même occasion, de réduire le risque de lixiviation.
En premier lieu, l’eau, qu’elle soit d’origine pluviale ou d’irrigation, a des conséquences directes sur le taux d’humidité dans le sol. Ce taux détermine la disponibilité en azote du sol, susceptible d’être absorbé par la plante. Ainsi, une irrigation sur un sol sec peut permettre de lever un stress azoté induit par la sécheresse et, par conséquence, améliorer l’efficacité des engrais azotés.
D’autre part, une alimentation correcte en eau favorise une bonne croissance racinaire, synonyme d’un meilleur accès aux éléments minéraux, et notamment l’azote, apporté par les engrais ou fourni par le sol. Cet azote est alors utilisé pour la croissance des parties aériennes, déterminant ainsi l’efficience de l’azote absorbé. Grâce à la photosynthèse des feuilles, cette efficience est concrétisée par le rendement.
Rechercher le bon équilibre
L’objectif est donc d’adapter la quantité d’azote à apporter à la plante lorsqu’elle fonctionne bien, c’est-à-dire lorsqu’elle est correctement alimentée en eau. En effet, si une plante souffre de sécheresse, elle ne sera pas capable d’absorber de l’azote. De fait, le reliquat d’azote dans le sol à la récolte est bien plus important lorsque la plante souffre d’un déficit hydrique.
Cela a été démontré dans un essai conduit dans les années 1990 sur maïs grain (cf. figure 1). L’effet est marqué entre le régime restrictif à 2 mm/jour et les parcelles correctement alimentées à 3,5 ou
5 mm/jour ; il est exacerbé avec la parcelle non irriguée. Les valeurs de CAU (Coefficient apparent d’utilisation) sont très mauvaises lorsque la parcelle est en déficit hydrique : 19 % pour le témoin non irrigué, 76 % pour le régime de 2 mm/j et 94 % pour la parcelle irriguée à 5 mm/j.
Un essai conduit en 2011, à Mainainville (41), a suivi le développement des repousses après un blé irrigué ou non. Au 30 septembre, les repousses de blé de la zone en sec sont plus développées que celles de la zone irriguée, car elles bénéficient d’un stock d’azote plus important dans le sol. La mesure des reliquats le montre clairement :
139 kg N/ha en sec, contre 53 kg N/ha pour la zone irriguée. Fertilisé de la même manière qu’en irrigué, le blé de la partie non irriguée n’a pas correctement valorisé l’engrais.
A la fin de l’été, les repousses de blé de la zone en sec (à droite) sont plus développées que celles de la zone irriguée (à gauche), car elles ont bénéficié d’un stock d’azote plus important dans le sol.
C’est bien l’excédent des apports azotés par rapport aux besoins de la plante qui est préjudiciable pour l’environnement. Cet excédent est transféré en dessous de la zone racinaire par lixiviation, et contribue à une augmentation de la concentration en ions nitrates des aquifères.
Quel risque en cas de sur-irrigation en sol filtrant ?
Dans les sols filtrants à faible réserve utile en eau (tels que les sols sableux plus ou moins caillouteux et les argilocalcaires peu épais caillouteux sur calcaire dur), une conduite de l’irrigation inadaptée (en particulier une dose à chaque apport trop élevée) peut néanmoins conduire à un transfert d’eau et une lixiviation d’azote nitrique en cours de campagne. Les outils de pilotage de l’irrigation (Irrinov®, Irré-Lis®…) sont particulièrement utiles pour adapter la conduite de l’irrigation aux particularités de ces sols et limiter ainsi le risque de lixiviation de nitrate.