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Leçons d’agriculture anti-crise à la Grecque

Face à la crise, la production agricole est concrète, locale et indispensable à la population. Les filières alimentaires développent des stratégies pertinentes.

Delta-Vivartia affiche des promotions spectaculaires sur ses produits laitiers : jusqu’à -1,30 euro.
Delta-Vivartia affiche des promotions spectaculaires sur ses produits laitiers : jusqu’à -1,30 euro.
© Pierrick Bourgault


«En Grèce, les agriculteurs ne trouvent pas de femme à épouser : les parents préfèrent voir leur fille mariée à un banquier plutôt qu’à un paysan !» ironise Ianis Katris, éleveur de bovins viande près d’Agrinio, dans une splendide vallée à l’ouest du pays. Avec la crise, cette image évolue et l’activité agricole redevient une valeur sûre.
Sur dix jeunes de moins de 25 ans, six sont au chômage et sans allocations. La plupart habitent chez leurs parents et bénéficient de la solidarité familiale. Ils aident au jardin et pour les récoltes, en particulier des olives. Certains décident même de revenir à la terre.
Lors d’un séminaire organisé à Paris par l’Agence bio durant le dernier Salon de l’Agriculture, Dimitris Koveos, doyen de la faculté agricole de Thessalonique, a présenté une initiative originale : la mise en culture bio de plus de 600 jardins par les habitants, accompagnés d’un suivi agronomique universitaire. Une partie de la population découvre l’agriculture. Des actions de vente directe telles le «Mouvement des patates» s’organisent : de l’agriculteur au consommateur, légu­mes, huile d’olive voire agneaux se vendent à moitié prix, en court-circuitant des intermédiaires jugés trop gourmands. Des médias alternatifs, des réseaux sociaux, voire des municipalités, relaient ces actions.
De même, la grande distribution concurrence les petits commerces et les entrées de gamme se développent. Le hard discount allemand Lidl est largement présent et des fast-foods locaux supplantent les leaders mondiaux tels McDonalds.

Le renouveau du vin grec
L’exportation sauve les vignerons. La qualité a bien évolué et le retzina servi dans les restaurants du quartier Saint-Michel à Paris n’est heureusement pas le seul vin produit en Grèce. En mars dernier à Düsseldorf, le salon ProWein a rassemblé 71 exposants grecs, dont plusieurs furent distingués. Selon Théodore Georgopoulos, directeur de l’Union du vin grec : «25 à 30 de notre vin est exporté, vers deux destinations principales : l’Allemagne pour les premiers prix et les USA pour les qualités supérieures. Chine et Amérique du Nord sont des marchés en croissance». Christos Fotiatis, du domaine Lazaridis, confirme ses exportations vers 16 pays : «soit 30 de notre volume et 50 de notre chiffre d’affaires». Leurs vins et tarifs se situent dans le haut de gamme. Il y a deux raisons pour qu’un consommateur choisisse un produit grec : son identité grecque s’il y est sensible, si elle lui rappelle de bons souvenirs de vacances, ou son prix compétitif.
Certaines entreprises se spécialisent dans l’entrée de gamme. «Quand la situation est dure, tout le monde doit devenir meilleur» affirme Panayiotis Stathakopoulos, qui a travaillé 10 ans chez Coca-Cola et 12 ans chez Pepsi. Il a choisi de revenir à Néméa pour des raisons familiales et dirige Nemeanwines. Fort de ses précédentes expériences, il valorise le vrac dans d’élégantes bouteilles en plastique vendues à 1,60 € dans les magasins. Le «magnum» rouge est à 2,80 € seulement. Les ventes augmentent de 50 par an et la coopérative réalise 30 de son chiffre d’affaires à l’export, en particulier vers l’Allemagne. Le marketing n’est pas sa seule force : Nemeanwines rafle aussi des distinctions dans les concours. Cette capacité à proposer des prix bas est bien sûr appréciée en Grèce.
Avec sa chaîne d’embouteillage robotisée ultra-moderne, Cavino réussit à vendre 1,25 € la bouteille de vin blanc ou rouge, sortie de cave, en verre bulgare. «Mais à ce prix-là vous m’en prendrez un camion !» précise M. Tsiris, œnologue. Il exporte 95 des 7 à 9 millions de bouteilles produites annuellement, surtout vers l’Allemagne.
L’identité grecque de la feta a été confirmée après une intense bataille juridique européenne. Comme d’autres laitiers, la Société des Caves de Roquefort a dû ôter de sa communication toute référence à la Grèce et au mot feta ; seule demeure la sonorité de la marque Salakis. L’Appellation d’origine protégée feta concerne exclusivement le fromage au lait de brebis ou de chèvre élaboré en Grèce, dans des conditions de collecte souvent artisanale.

Filières laitières
Alexandros Bottos dirige la laiterie familiale Roussas Dairy à Volos, dans le bassin laitier du nord de la Grèce : «Nous produisons 4 500 t de feta par an, que nous exportons à 95 vers les USA, la France (Super U, Auchan, Carrefour…), le Royaume-Uni, la Suède et même Dubai». Cette production traditionnelle s’est diversifiée et adaptée aux usages contemporains : feta dans l’huile, aux herbes, marinée, fromage de chèvre en boule et à la crème comme la mozzarella… La feta se vend en barquettes de 120 à 200 g, pratiques pour le consommateur. Le lait vient de brebis rustiques, de petite taille, qui donnent seulemet 150 à 160 litres par an car la transhumance dans la montagne consomme de l’énergie. La traite s’effectue assez souvent à la main par les bergers ; le lait est réfrigéré dans des tanks prêtés par la laiterie et payé 1 € le litre. Riches en saveurs, ces produits sont élaborés dans des conditions difficiles, voire anachroniques - telles la traite manuelle - avant de se retrouver propulsés sur le marché mondial. Cette pratique artisanale constitue à la fois le talon d’Achille et la force de l’agriculture grecque.

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