«L’endive est un produit ambivalent»
Un produit plus homogène, moins banalisé, avec une vraie segmentation: l’AG de l’Apef a été l’occasion de lancer quelques pistes de réflexion pour endiguer l’érosion de la consommation de chicons.
un peu plus petit», précise Mathieu Pecqueur, chef du service agriculture et qualité de la FCD.
Quelles sont les attentes de la distribution et des consommateurs en terme de qualité par rapport à l’endive? Mathieu Pecqueur, chef du service agriculture et qualité de la Fédération des entreprises du commerce (FCD), a apporté un début de réponse à cette question lors de l’assemblée générale de l’Apef du 28juin. «L’endive est un produit pour le moins ambivalent», explique-t-il. D’un côté, le produit fonctionne assez bien en rayon (4e légume). Il apparaît rassurant pour un chef de rayon, grâce à son mode de production continu qui facilite l’approvisionnement, contrairement à d’autres fruits et légumes. Pourtant, d’année en année, sa consommation s’érode petit à petit. À tel point que «si la courbe continue sur sa pente descendante, l’endive risque de perdre définitivement des parts de marché au profit d’autres produits. Ce qui n’est souhaitable pour personne», prévient Mathieu Pecqueur. Dès lors, comment relancer la consommation d’endives?
Un produit plus homogène dans les sachets
La qualité: «Les gros problèmes de qualité ont été pour la plupart résolus, estime le membre de la FCD. Il reste cependant quelques points à améliorer». Comme la tenue du produit, notamment lors des changements de campagne, et la taille du produit. «Sans dire qu’il faut parvenir à une totale standardisation, les consommateurs demandent plus d’homogénéité dans le sachet de 1kg: cinq à six endives au calibre un peu plus petit, précise-t-il. Sinon ils ont l’impression de se faire rouler avec trois grosses pièces et deux plus petites: un consommateur déçu par un produit le consomme de moins en moins».
L’image produit
Alors que l’endive devrait parfaitement s’inscrire «dans l’air du temps», celle-ci souffre paradoxalement de banalisation. «Avec le chicon, on est sur de la 4e gamme sans le dire, souligne Mathieu Pecqueur. Pourtant, le consommateur ne semble pas vouloir en acheter plus de sept fois par an». Il faut donc selon lui redonner un «coup de boost» aux ventes, en améliorant d’une part la communication sur les nouvelles utilisations de l’endive et d’autre part l’objectivation de son image auprès du grand public. «Malgré les progrès des nouvelles variétés, l’endive garde l’image d’un produit amer dans l’esprit des consommateurs, regrette-t-il. L’enjeu de l’ensemble de la filière sera de se défaire de cette étiquette, nous pouvons y réfléchir ensemble».
Améliorer la segmentation par la recherche variétale
La segmentation: «Les gens ont du mal à s’y retrouver en rayon», insiste Mathieu Pecqueur. Ce dernier pointe le danger d’une segmentation «artificielle», basée uniquement sur des différences de poids et de packaging; ainsi que le risque de voir le consommateur entrer dans une pure logique de prix. «Il faut donner l’impression aux gens qu’il y a plusieurs types d’endives dans le rayon, à l’instar de la tomate ou de la pomme, pour lesquelles la segmentation s’opère sur les variétés (une quinzaine pour les deux fruits)», note-t-il. Outre la Carmine, d’autres projets de diversification sont dans les tuyaux de l’Apef: une endive rouge, une variété douce, et une chicorée dentée. D’après lui: «La banalisation de l’endive fait qu’aujourd’hui les enseignes ne vendent plus qu’un prix. D’où la nécessité de plus d’innovations, afin d’atténuer cette compétition sur le prix et permettre une meilleure valorisation du produit sur la totalité de la filière». Et d’ajouter: «Il n’y a pas de voleur. Si le producteur et le distributeur ne gagnent pas leur vie, il faut s’interroger sur quel produit proposer aux consommateurs pour qu’ils acceptent de payer les centimes supplémentaires qui permettront à chacun de s’y retrouver».
En chiffres
170000 : Le tonnage d’endives réalisé en France en 2011, contre 250000 en 2006. 94% de ces volumes sont produits en Nord-Pas de Calais-Picardie. La grande région reste le principal bassin de production, et regroupe entre 520 et 530 des 560 endiviers français.
8% : Le recul de la production endivière française sur la campagne 2011-2012 (estimations à fin mai). 70% de cette production est vendue en GMS.
13% : La diminution des surfaces emblavées d’endives au cours des 4 dernières années.
«Les producteurs ne s’y retrouvent plus»
En dix ans, alors que le prix à la vente n’a cessé d’augmenter, le prix payé au producteur est passé de 1,29€/kilo d’endives en 2001, à 0,96 cts/kg en 2011. Lors de l’assemblée générale, Catherine Decourcelles, présidente de l’Apef, a lancé un appel pour une plus juste rémunération des producteurs par la distribution. Lui demandant notamment une prise de conscience de la surenchère qu’elle pratique sur les services annexes, sans contreparties clairement définies, à la charge des producteurs (double palettisation, codage de traçabilité spécifique). «Les producteurs ne s’y retrouvent plus, dénonce-t-elle. Ces coûts induits affectent nos marges, et s’ajoutent à une longue liste qui ne fait qu’augmenter depuis ces dix dernières années». L’Union des endiviers de France (UEF) a fait le calcul (cf. infographie): sur une palette standard de 700kg d’endives, seuls 8kg font le revenu du producteur (4kg depuis la dernière hausse de 2% du Smic), soit 7,68€ en tout sur l’année 2011. «Ce n’est pas un revenu mais un pourboire, s’insurge le syndicat endivier. Pour avoir une rémunération équivalente au Smic annuel, un endivier doit produire environ 130 palettes par mois (soit 50ha d’endives). Il est impossible de continuer de la sorte, la qualité a certes un coût, mais l’endive doit aussi avoir un prix».