Les médecines alternatives dans la controverse réglementaire
Dans un contexte de réduction des antibiotiques, homéopathie, aromathérapie, phytothérapie ou, encore, acupuncture ont trouvé leur place dans les fermes. Les vétérinaires spécialisés restent néanmoins contraints par un cadre réglementaire strict imposé aux substances à base de plantes.
Élodie Stoléar y croit dur comme fer. Vétérinaire libérale diplômée en ostéopathie, acupuncture, homéopathie et phytothérapie, elle n’envisage plus son métier autrement. «J’ai exercé pendant deux ans en tant que vétérinaire classique en Belgique. Je me suis vite sentie limitée. Très rapidement, j’ai eu envie de développer mes connaissances», explique-t-elle.
Aujourd’hui, elle traite des vaches, des veaux, des brebis ou encore des chevaux sur la base des connaissances acquises lors de spécialisations ces dernières années. «Je suis souvent appelée pour des cas désespérés, lorsqu’on a tout essayé en médecine vétérinaire classique et qu’on pense qu’il n’y a plus rien à faire pour l’animal. J’utilise beaucoup l’acupuncture en complément de l’ostéopathie pour refaire circuler l’énergie dans les méridiens impactés», ajoute la vétérinaire.
L’homéopathie, aujourd’hui menacée de déremboursement, est à son sens une méthode très efficace. «J’utilise aussi des bourgeons de plantes (gemmothérapie, ndlr) qui ont la particularité d’agir très vite, des hydrolats et des fleurs de Bach pour tous les maux en lien avec l’émotionnel des animaux. En dernier recours, je propose des huiles essentielles, assez concentrées, à utiliser avec modération, car elles peuvent causer des désagréments au foie», ajoute la vétérinaire basée dans les Pyrénées-Atlantiques.
Approche globale des symptômes
Depuis un peu plus de trois ans, face à une demande croissante de la part des éleveurs, le GDS du Rhône met en place des formations en médecines alternatives. «Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait un réel besoin d’informations et de compétences. Dans le département, nous faisons appel à deux vétérinaires spécialisées», explique Perrine Matrat, vétérinaire conseil au GDS69.
Claudine Fouquet, l’une d’entre elles, se déplace depuis six ans dans plusieurs autres départements de la région : Allier, Loire, Puy-de-Dôme, Cantal. «Lors d’une session de formation, je prévois un gros module sur le volet délicat de la réglementation, une partie sur les précautions à prendre, notamment en aromathérapie où l’on est exposé à des doses très concentrées d’huiles essentielles. On regarde ensuite pathologie par pathologie quelle est la meilleure méthode pour la prévenir et la guérir. Je ne prêche pas uniquement pour ces médecines alternatives. Il y a des fois où les deux sont complémentaires. L’important, c’est de mettre le doigt sur l’origine du problème», estime-t-elle.
Les médecines douces, pourtant opposées à la médecine conventionnelle, séduisent aussi des vétérinaires formés uniquement à l’approche allopathique selon laquelle les médicaments doivent produire les effets contraires à ceux de la maladie à combattre. Ce qui n’est pas le cas pour l’homéopathie basée sur le principe que pour combattre une maladie, il faut absorber des substances qui provoquent les mêmes symptômes. «Au bout de trente ans d’exercice, je suis persuadée que traiter symptôme par symptôme n’est pas la bonne solution. Ce qui me plaît dans l’approche homéopathique, c’est son approche globale qui prend en compte tous les symptômes. On va plutôt être dans une posture de traitement préventif, davantage aller chercher une cause commune à plusieurs maux», affirme la vétérinaire.
Une réglementation à faire évoluer
La réglementation qui s’applique à certaines médecines alternatives, comme la phytothérapie et l’aromathérapie, est néanmoins stricte et son utilisation encadrée. Dès lors qu’une plante ou une huile essentielle est destinée à avoir un effet curatif ou préventif, elle tombe sous le coup de la médecine et est donc considérée comme médicament à part entière. Ce qui implique systématiquement une autorisation de mise sur le marché (AMM) et une prescription obligatoire de la part du vétérinaire.
Cela pose, d’une part, la question de l’automédication, mais aussi la possibilité pour les vétérinaires de prescrire une plus large gamme de plantes légalement. «Les médicaments avec AMM sont peu nombreux, même si certains à base de plantes sont autorisés aujourd’hui. Cela est dû à un manque de connaissances concernant la limite maximale de résidus (LMR), un indicateur qui permet de déterminer la durée nécessaire à l’animal pour assimiler les substances pour qu’il n’y ait plus aucune trace dans la viande ou dans le lait propre à la consommation», regrette Laurence Mercier, vétérinaire spécialisée en phytothérapie à Embrun. «On est pris entre deux feux. Soit on considère la phytothérapie et l’aromathérapie comme de simples compléments alimentaires et, dans ce cas, n’importe qui peut aller se servir auprès des groupes pharmaceutiques. Soit on voit plus loin et la réglementation doit évoluer», estime Claudine Fouquet.
Dans le cadre de la révision du règlement européen relatif aux médicaments vétérinaires, la France est en négociations avec le Conseil européen. L’Itab, l’institut technique de l’agriculture biologique a élaboré une liste de deux-cent-vingt-trois plantes à usage thérapeutique en élevage pour qu’elles puissent être utilisées sans AMM ou temps d’attente et en automédication.