Les taurillons verts : nouvelle spécificité régionale ?
Les comptes sont faits et nous cumulons maintenant quatre années successives à plus de 250 E de marge par taurillons.
La conjoncture agricole est si souvent compliquée et variable que l’on se prend à s’étonner qu’une production soit capable de donner des résultats stables sur plusieurs années et de valoriser le travail accompli. On en viendrait à être superstitieux et à éviter de le dire de peur que cela ne change… D’ailleurs, le spectre des accords de libre-échange avec le Mercosur est dans la tête de tous les engraisseurs…
Ne nous décourageons pas pour autant. La production de taurillons est en baisse en Europe, excepté pour la Pologne et l’Espagne. Même en France, la production diminue avec la disparition des petits ateliers et aussi une moindre production de taurillons Holstein. En revanche, il existe une spécialisation des ateliers avec des agrandissements parfois bloqués aux quatre cents places, seuil fatidique après lequel une demande d’autorisation est à réaliser.
Le groupe des engraisseurs étudié depuis 2006 réunit maintenant trente-trois producteurs répartis sur le département de la Somme et de l’Aisne pour 7 100 taurillons engraissés. En moyenne, les ateliers étudiés comptent 215 JB avec une fourchette de 40 à 1 000 taurillons. Les marges sont calculées sur l’année 2018 en prenant les achats et les ventes sur la même période, c’est donc un résultat comptable qui est réalisé et non un bilan de lot. Les engraisseurs sont devenus très professionnels, et s’il est difficile de travailler sur le prix d’achat des broutards ou de vente des taurillons, le coût alimentaire est l’objet de toutes les attentions.
Plus les élevages sont de taille importante, plus la pulpe surpressée fait partie du menu pour diminuer l’emprise de la culture du maïs ensilage sur le foncier. Cependant, ce système a ses limites dès que des problèmes de qualité de conservation de la pulpe surpressée apparaissent. Il ne faut pas généraliser, mais quand le problème existe, les conséquences se portent sur l’augmentation des problèmes sanitaires, des boiteries, de la mortalité et la baisse de croissance. Dans ces conditions, une baisse de
50 g de croissance peut générer une perte voisine de 70 €/taurillon. Les engraisseurs ne seront bientôt plus seuls à subir ces avatars, puisque les méthaniseurs qui utiliseront la pulpe seront confrontés au même problème.
Synergies
Nous revenons de loin quand on regarde l’année 2007 avec une valorisation à 3 € le kilo carcasse (cf. graphique 2). Depuis 2012, les 5h de travail nécessaires à l’engraissement d’un taurillon sont quand même mieux valorisées (cf. graphique 1). Si l’investissement est important, il existe sous conditions le PCAE (Plan de compétitivité agricole et environnemental) pour l’investissement en bâtiment. Pour la capitalisation en cheptel, il est possible avec certains opérateurs d’avoir une avance de trésorerie. De même, la contractualisation avec une garantie sur le prix de vente commence à voir le jour, de quoi rassurer les banques sur les nouveaux projets. Il est vrai qu’emprunter pour capitaliser en cheptel n’est pas toujours aisé. C’est peut-être en lien avec une méconnaissance de la production, et pourtant les chiffres le prouvent, les exploitations d’élevage sont plus résilientes et ont des EBE plus réguliers.
Autre constat, qui serait plutôt à diffuser dans un journal grand public. Si la production de viande subit beaucoup de critiques, on sous-estime sa capacité vertueuse dans notre région. En effet, en utilisant les coproduits de la betterave ou des céréales utilisées pour la production d’éthanol, ou encore du colza pour le diester, elle participe à rendre compétitif ce genre de carburant, qui permet de diminuer la pollution de nos véhicules. D’autre part, avec le nouvel intérêt pour l’agronomie et la protection de nos sols, les
4,5 t de fumier produites par taurillon seraient bien utiles dans certaines terres de notre département. Le gain apporté sur le rendement des cultures, la substitution aux engrais chimiques et l’économie financière qui en découle sont des atouts. Ou alors si le fumier sert à la méthanisation, notre taurillon devient un pourvoyeur d’énergie verte par ce qu’il rejette, mais aussi par ce qu’il mange (coproduits). Le taurillon vert ! Une nouvelle spécificité des Hauts-de-France, et on ne le savait pas…