Lin : des saisons inégales, mais un marché toujours en demande
La coopérative linière, Calira, a tenu son assemblée générale le 20 décembre, à Ailly-le-Haut-Clocher.
Point sur les récoltes et la commercialisation des produits liniers.
de production linière, mais à la condition d’avoir des lins de très bonne qualité.
Si, une fois encore, «le lin tire bien son épingle du jeu» et «qu’il y a de la place pour les bons lins sur les marchés», comme le dit le président de la coopérative Calira, Antoine Berthe, la prudence reste la meilleure des conseillères. D’une part, parce que les filateurs pourraient impacter le prix des filasses s’il y a pléthore de production, en mettant aussi sur le tapis la parité entre l’euro et le dollar. D’autre part, parce que les deux dernières campagnes n’ont pas été des meilleures. Le millésime 2016 (7 646 t récoltées) a été de mauvaise qualité.
La récolte 2016 a en effet subi un fort impact de la verse (90 % des lins étaient versés fin juin, ndlr), ainsi qu’une pluviométrie importante, avec des épisodes de grêle dans certains secteurs tels qu’à Saint-Riquier et Auxi-le-Château. Or, qui dit humidité dit aussi pression des maladies (septoriose et verticillium principalement). Résultat : la qualité des lins a pris un sacré coup, avec de fortes hétérogénéités des matières. «C’est un facteur important pour nous, car la filature derrière recherche une gamme de lin homogène. Du coup, nous avons enregistré deux à trois classements des pailles en dessous par rapport à la campagne précédente», précise Vincent Delaporte, directeur de Calira.
Traduction : sur 6 872 kg de pailles teillées, seuls 21,99 % entrent dans la catégorie des filasses - «un pourcentage correct compte tenu de la verse», dixit le directeur - contre 22,45 % en 2015 pour 6 423 kg/ha. Mais moins catastrophique que 2014 avec une richesse en fibres de 17,95 % pour 7 609 kg/ha.
2017 sera-t-elle une meilleure année ? Si la qualité est de retour, la quantité, elle, est loin de pouvoir répondre aux demandes du marché. Selon les estimations faites au 30 novembre dernier, à partir de 803 ha teillés, on atteindrait les 6 129 kg de pailles par hectare et 1 216 t/ha de filasses, soit une richesse en fibres de 19,84 %. «Cette richesse en fibres est le facteur pénalisant de cette année. En revanche, on a une meilleure qualité. Les lins n’ont pas souffert de la verse, mais on obtient des tonnages en pailles inférieurs à la moyenne du fait de la sécheresse et des coups de chaleur qu’ont subis les lins. Sans compter l’impact des altises, qui ont causé pas mal de dégâts. Au final, ce devrait être l’une des récoltes les plus faibles en poids paille depuis cinq ans», indique Vincent Delaporte. Conséquence : la mise en marché de la production tournera au ralenti, faute de matières premières alors que la demande est là.
Commercialisation
Malgré une qualité des lins teillés très moyenne en 2016, toute la production a été vendue, principalement aux filateurs chinois, qui représentent 95 % des parts de marchés. Sur les 7 168 t d’étoupes brutes retravaillées de la récolte 2016, 70 % ont été vendues à la papeterie, 25 % à la filature (qualité moyenne) et 5 % au secteur automobile et pour les agro-matériaux. Les 2 034 t de graines (2 154 t en 2015) ont été vendues pour la trituration. Enfin, les 10 074 t d’anas ont été vendus pour la fabrication de panneaux de particules (55 %), de litières de chevaux (40 %) et autres (5 %).
Dans tous les cas, la qualité n’ayant pas été au rendez-vous, le prix moyen (calculé par rapport à la qualité) est de 1,97 €/kg en 2016 contre 2,50 €/kg en 2015, soit une perte de plus de 50 cts par hectare sur près de 6 000 ha de surfaces emblavées. Au final, la recette moyenne pour les liniculteurs en 2016 a été de 2 590 €/ha contre 3 097 €/ha en 2015, soit plus de 500 € d’écart par hectare. A noter que de fortes disparités existent dans les résultats techniques entre les producteurs. Tous n’atteignent donc pas cette moyenne.
Point positif à relever : compte tenu de la bonne productivité des machines de teillage de la coopérative et des volumes écrasés provenant de la récolte 2016, et ce, malgré l’ampleur de la verse des lins, la coopérative a décidé de diminuer le coût du teillage payé par les agriculteurs. Celui-ci passera à 150 € la tonne contre 162 € la tonne jusqu’ici.
Une fois cela dit, avec une meilleure qualité attendue pour la récolte 2017, les liniculteurs retrouveront-ils des prix plus attractifs ? Des prix supérieurs devraient être décrochés au vu de la meilleure qualité atteinte, avec une bonne homogénéité des fibres (avec quelques problèmes de régularité des longueurs de filasses cependant). Mais «comme nous avons obtenu des résultats techniques inférieurs à ceux de la campagne précédente, les volumes de pailles ne seront pas au niveau où on pouvait l’espérer», commente Vincent Delaporte.
Il n’empêche. Le prix moyen par rapport à la qualité des lins devrait avoisiner les 2,40 €/kg. «C’est un prix provisoire», précise le directeur. Avant de rappeler que les clients sont bien plus regardants sur la résistance des fibres, leur uniformité ou encore la longueur des pailles. «Or, nous sommes très faibles en fibres longues», ajoute-t-il. Conséquence : «Même en ayant des prix rémunérateurs, on aura du mal à compenser la faiblesse de la production. Nous n’avons pas de stocks de la récolte de 2016. Et, aujourd’hui, nous n’avons que 27 t en stocks disponibles à la vente. Or, nous sommes sur un marché extrêmement tendu», s’inquiète-t-il. Et de se demander si, en 2018, ils arriveront à compenser le manque de rendements de fibres à l’hectare par le prix. Son autre crainte ? Avoir des acheteurs et n’avoir rien à vendre. Question : faut-il pousser à la production ?
Produire plus ?
La conjoncture étant favorable depuis plusieurs années pour la production du lin, les surfaces d’emblavement ont régulièrement progressé depuis 2014, passant de 4 000 ha cette année à 5 109 ha en 2015, puis 5 687 ha en 2016 et 6 471 ha en 2017. L’objectif, pour 2018, est d’atteindre les 6 500 ha, soit une stabilisation des emblavements. Cette hausse, qui avait d’abord inquiété la filière, craignant de se retrouver confrontée à une surproduction, et donc à des cours de marchés bien moins intéressants, s’est finalement révélée une aubaine au vu de la baisse des volumes produits.
Produire plus, pourquoi pas, mais «à condition de produire de bons lins, soit là où il y a de la place sur les marchés. Alors, oui, produisons et fournissons nos marchés en bonnes matières. Profitons de la conjoncture, mais sans excès», dit Antoine Berthe. Produire mieux, c’est aussi avoir les moyens de valoriser sa production. «On manque de moyens pour la récolte. Les entreprises de travaux agricoles sont saturées. Il faut donc s’équiper correctement pour enrouler le lin, puis le sortir du champ. La coopérative veut bien plus d’hectares, d’autant que l’outil n’est pas saturé, mais pas dans des conditions risquées. On peut vite perdre une récolte si on n’est pas capable de récolter le fruit quand il est mûr. Pour éviter de se mettre dans une situation risquée, les producteurs doivent concentrer leurs moyens et se fédérer pour ne pas dégrader la valorisation de leurs produits», insiste, de son côté, Vincent Delaporte.
Pour que la qualité soit toujours meilleure, outre l’accompagnement des techniciens dans la plaine que propose la coopérative, celle-ci a investi dans un nouvel outil de teillage et développe son activité de semences au sein du GIE Linea. L’objectif : créer de nouvelles variétés de lin pour gagner en rendements et en qualité.
Pailles par ha
2013 : 8 085 kg de pailles par hectare pour 4 000 ha
2014 : 7 609 kg de pailles par hectare pour 4 325 ha
2015 : 6 423 kg de pailles par hectare pour 5 109 ha
2016 : 6 872 kg de pailles par hectare pour 5 687 ha
2017 : 6 129 kg de pailles par hectare pour 6 471 ha