Location meublée : un outil de défiscalisation
Une récente décision du Conseil constitutionnel met en lumière certaines particularités de la location meublée. Explications.
Avant toute chose, il faut rappeler que, juridiquement, la location meublée est une activité civile. Fiscalement, il s’agit d’une activité relevant du régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Cette activité ne relève donc pas des revenus fonciers. Elle n’est ainsi pas soumise aux mêmes contraintes. Le loueur en meublé pourra ainsi constater et déduire des dotations aux amortissements afférentes au bien immobilier inscrit au bilan de l’entreprise, et utilisées pour l’activité de location meublée.
La particularité du régime de la location meublée est liée en partie au traitement des plus-values et aux modalités d’imputation des déficits. Il convient de ne pas confondre ce régime avec celui de la para-hôtellerie. Le traitement des plus-values et des déficits dépend des modalités d’exercice de cette activité. Il faudra déterminer si le loueur en meublé exerce son activité en tant que professionnel (LMP) ou en tant que non professionnel (LMNP).
Critères de qualification
Avant la décision du Conseil constitutionnel du 8 février 2018, un contribuable était qualifié de loueur en meublé professionnel dès lors qu’il remplissait trois conditions cumulatives.
D’une part, les recettes annuelles retirées de l’activité de location meublée par l’ensemble des membres du foyer fiscal devaient excéder 23 000 €. D’autre part, les recettes annuelles retirées de l’activité de location meublée par l’ensemble des membres du foyer fiscal devaient excéder les autres revenus d’activité du foyer fiscal. Et, enfin, il était nécessaire que l’un des membres du foyer fiscal soit inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueur en meublé professionnel.
En raison du fait qu’il s’agit juridiquement d’une activité civile, certains greffes des tribunaux de commerce ont pu refuser d’inscrire les loueurs en meublé au registre du commerce et des sociétés. Dès lors que les deux autres conditions étaient remplies, l’administration fiscale acceptait l’application du régime LMP, sous réserve de présenter la décision de refus d’inscription du greffe, motivée par le caractère non commercial de l’activité.
Le Conseil constitutionnel, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, a censuré cette dernière condition. L’administration fiscale a commenté dernièrement cette décision du Conseil constitutionnel. Elle dit clairement que la décision du Conseil constitutionnel s’applique à compter du 8 février 2018. Ainsi, à compter de cette date, dès lors qu’un loueur en meublé remplit les deux conditions précédentes (le seuil de 23 000 € et la condition de prépondérance des revenus), il sera qualifié de loueur en meublé professionnel.
Dès lors, il est probable que certains contribuables aient changé de régime sans être au courant ! Tout cela laisse penser qu’avant cette date, aucune situation ne pourra faire l’objet d’une remise en cause. On ne peut que regretter que le législateur n’ait pas modifié la législation sur ce sujet dans la dernière loi de finances. En effet, l’absence de modification de la législation laisse planer un doute quant à la légalité des commentaires administratifs, et l’opposabilité de la décision du Conseil constitutionnel au contribuable. Cela laisse augurer quelques contentieux à venir sur ce sujet.
Régime fiscal des plus-values
Le passage du régime de la location meublée non professionnel à professionnel, induit par cette décision, ne devrait, a priori, rien changer dans les modalités d’imposition. Cette décision aura un impact sur le traitement des plus-values futures et l’imputation des déficits. En effet, lorsque le loueur en meublé relève du régime LMNP, les plus-values qu’il réalise en cas de cession du bien immobilier, inscrit au bilan de l’entreprise et utilisé pour les besoins de l’activité, relève du régime des plus-values immobilières privées.
Ainsi, la plus-value immobilière sera soumise à un taux effectif de 36,2 % (19 % pour l’impôt sur les revenus et 17,2 % pour les prélèvements sociaux). La plus-value est déterminée à partir de la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition, celui-ci pouvant faire l’objet de majoration pour frais d’acquisition et/ou dépenses de travaux. Il n’est donc pas tenu compte des amortissements déduits des bénéfices industriels et commerciaux. La plus-value immobilière sera totalement exonérée d’impôt sur le revenu au-delà de vingt-deux ans de détention et de prélèvements sociaux au-delà de trente ans de détention.
En revanche, lorsque le loueur en meublé relève du régime LMP, les plus-values qu’il réalise relèvent du régime des plus-values professionnelles. Celle-ci est déterminée à partir de la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition, minoré des amortissements pratiqués. La plus-value imposable sera probablement plus importante que celle déterminée dans le cadre du régime LMNP. Il convient de rappeler que la plus-value à court terme sera imposée en tant que bénéfice, et la plus-value à long terme sera soumise à l’impôt sur le revenu à un taux de 12,8 %, et aux prélèvements sociaux à un taux de 17,2 % (30 % en tout).
Le loueur pourra bénéficier de l’ensemble des régimes d’exonération concernant les plus-values professionnelles. Si, en principe, le loueur peut bénéficier d’un régime d’exonération en cas de départ à la retraite ou en cas de cession de l’intégralité de l’activité, dès lors que le montant de la cession est inférieur à 300 000 €, l’application de ces deux régimes d’exonération s’avère toute relative dans la mesure où ils ne trouvent pas à s’appliquer en matière de plus-values immobilières.
En pratique, les loueurs en meublé professionnels appliqueront le régime d’abattement pour durée de détention sur la plus-value professionnelle à long terme, égal, au-delà de la cinquième année, à 10 % d’abattement par année de détention, ou le régime d’exonération en fonction du chiffre d’affaires lorsque celui-ci est inférieur à 90 000 €. Il sera donc nécessaire de bien vérifier votre situation lors de la cession du bien immobilier.
Régime fiscal des déficits
En cas d’exercice d’une activité en tant que loueur en meublé non professionnel (LMNP), les déficits provenant de cette activité ne peuvent pas s’imputer sur le revenu global. Ces déficits ne peuvent venir s’imputer que sur les bénéfices industriels et commerciaux (BIC) provenant d’une activité de loueur en meublé non professionnel réalisés au cours des dix années suivantes.
En revanche, lorsque le contribuable exerce une activité relevant des loueurs en meublés professionnels, ils sont imputables sur le revenu global du contribuable sans limitation. La décision du Conseil constitutionnel du 8 février 2018 va impacter de manière importante la situation des anciens loueurs en meublés non professionnels devenus loueurs en meublé professionnels. En effet, le déficit en stock des loueurs en meublé, considérés jusqu’alors comme non professionnels en raison de leur absence d’inscription au registre du commerce et sociétés, ne pourra pas s’imputer sur les bénéfices de loueur en meublé professionnel. Autrement dit, si ces contribuables ne redeviennent pas des loueurs en meublé non professionnels dans les années à venir, alors le déficit en stock sera définitivement perdu.
A titre d’exemple, si M. Picard, qualifié de loueur en meublé non professionnel en 2017, en raison de son absence d’inscription au RCS, perçoit des loyers de 2 500 € par mois, soit 30 000 € au titre de l’année 2017, ces derniers représentant plus de la moitié de ses revenus professionnels. Il a supporté 60 000 E de charges en 2017, réalisant ainsi un déficit de 30 000 € imputable sur les autres revenus LMNP des dix années suivantes. Du fait de la décision du Conseil constitutionnel, M. Picard est dorénavant considéré comme un loueur en meublé professionnel. Il ne pourra donc pas imputer le déficit en stock de l’année 2017. S’il ne redevient pas loueur en meublé non professionnel dans les prochaines années, son déficit sera perdu.
Ainsi, on comprend que la décision du Conseil constitutionnel aura potentiellement pour effet d’entraîner l’imposition de contribuables qui n’étaient pas imposés jusqu’à présent.
Régime en matière d’IFI
Les biens immobiliers affectés à une activité de loueur en meublé, exercée sous forme individuelle, seront exonérés d’IFI si l’activité est exercée à titre principal, que le redevable réalise plus de 23 000 E de recettes annuelles et qu’il retire de cette activité plus de 50 % des revenus du foyer fiscal. La condition d’inscription au registre du commerce et des sociétés n’est ainsi pas requise pour que le bien soit qualifié de professionnel, et puisse être exonéré d’impôt sur la fortune immobilière.
Il convient d’avoir à l’esprit que les conditions permettant de bénéficier de cette exonération sont différentes selon que le contribuable exerce cette activité sous forme de sociétés soumises à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés. Il vous est conseillé de vous rapprocher de votre conseiller habituel afin de mesurer l’impact de cette décision du Conseil constitutionnel du 8 février 2018 et des commentaires administratifs du 20 mars 2019 sur votre situation.