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L’OFB Hauts-de-France dans tous ses états (d’âme)

Sensible aux critiques dont l’Office français de la biodiversité (OFB) et ses agents ont pu faire l’objet au cours des derniers mois,
Patrick Bertrand, le directeur régional de cet organisme public chargé de la protection et la restauration de la biodiversité dans les Hauts-de-France décrypte l’état d’esprit dans lequel il conduit ses équipes – une centaine d’agents –, et ses missions. 

Le 16 mars dernier, la Chambre d’agriculture de la Somme adoptait une motion dénonçant l’attitude de certains agents de l’Office français de la biodiversité dans l’exercice de leur mission de police de l’environnement. Comment avez-vous accueilli cette initiative de la profession agricole ?

Avec incompréhension. Cette motion est injuste et elle n’est pas le reflet de la réalité de nos contrôles. Nos agents se montrent bienveillants lors de leurs opérations. Nous ne cherchons pas à sanctionner systématiquement, mais à faire évoluer les comportements. Notre mission de police est mal perçue alors qu’elle est au bénéfice de l’agriculture puisque nous participons à la protection des ressources naturelles. Dans
90 à 95 % des cas, nos contrôles se passent bien. Au final, une très grande majorité des agriculteurs respectent la réglementation. Et nous sommes de ce fait convaincus que l’action de police sur l’agriculture peut servir son image. 

Comment se fait-il alors que le monde agricole ne perçoive pas les choses de la même façon et qu’il regrette la manière dont se déroulent un certain nombre d’opérations de contrôles, évoquant dans certains cas «du zèle» ? 

Il y a un décalage entre ce que pointe le texte de la motion et ce qui se passe sur le terrain. Il y a une peur du gendarme et nous comprenons bien. La réglementation peut aussi être contraignante, mais j’insiste sur le fait que nous faisons preuve de discernement et de pragmatisme. Nous devons réfléchir ensemble à dépasser des phénomènes de posture, analyser les sources de cette peur et comprendre l’effet psychologique que génère nos activités. Nous devons travailler encore ensemble à dédramatiser nos missions de contrôles alors qu’elles sont d’intérêt général. C’est quelque chose dont nous avons discuté avec la chambre d’agriculture, mais nous sommes attachés à la notion d’équité. Il n’y a pas de raison que certains dérogent à la réglementation alors que d’autres s’y plient.

 

Le «pragmatisme» que vous défendez est aussi un argument mis en avant par la profession agricole qui demande à ce que le fait de travailler avec du vivant soit davantage pris en compte dans l’application d’une réglementation, qui, par nature, ne le fait pas. Que lui répondez-vous ? 

Le pragmatisme ne doit pas servir à effacer la notion d’équité. Il ne peut pas y avoir deux règles différentes pour une même situation. Dès lors que l’impact d’une pratique est jugé important, il doit être rapporté au procureur. Nous faisons preuve de pragmatisme à condition de ne pas être mis devant le fait accompli. Nous voulons bien faire preuve de compréhension, mais il faut qu’il y ait eu une discussion avant. Les agents de l’OFB ne font que constater des faits.

 

L’actualité récente a montré que les Hauts-de-France ne sont pas la seule région où les relations entre la profession agricole et l’OFB sont «tendues» ? Avez-vous des échanges à ce sujet avec votre homologue de Nouvelle-Aquitaine, par exemple ?

Dans d’autres départements, effectivement, il y a aussi des tensions. Ce n’est pas l’OFB en tant que tel qui est pris à partie, mais les représentants d’une force publique chargés de faire respecter la réglementation. L’OFB est un réseau national. Les responsables d’équipe travaillent ensemble. Donc, oui, nous avons bien des échanges entre nous. 

 

Dans un souci de meilleure compréhension des réalités et des contraintes du métier d’agriculteur, la profession agricole propose aux agents de l’OFB de suivre des stages de sensibilisation, voire une formation accélérée à l’agriculture. Êtes-vous prêts à accepter cette main tendue ?

Avant la fusion entre l’Agence française de biodiversité (AFB) et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) qui a donné lieu à la création de l’OFB, l’AFB disposait déjà de référents en matière de contrôle des pollutions diffuses, en étant très au fait des réglementations et des pratiques agricoles. Ce sont ces agents qui organisent la sensibilisation et la formation d’autres agents au sein de l’OFB. Nous avons donc bien des spécialistes du monde agricole dans nos équipes qui distillent des compétences. Ceci dit, nous avons échangé sur le sujet avec la FRSEA des Hauts-de-France et avons imaginé mettre en place des visites d’exploitations agricoles, que les services départementaux de l’OFB puissent être accueillis dans des fermes pour échanger, que l’agriculteur raconte ses contraintes, qu’est-ce qu’être agriculteur aujourd’hui… 

 

De quelle manière sont diligentés les contrôles que vous réalisez dans les campagnes ? 

Nos contrôles s’inscrivent dans des plans annuels d’intervention interservices qui sont validés par la préfecture et par le procureur. L’OFB n’est qu’un exécutant. Ces orientations sont nationales et contextualisées. Nous sommes sous la double tutelle du ministère de la Transition écologique et du ministère de l’Agriculture, et je peux affirmer qu’il n’y a aucune volonté d’acharnement contre le monde agricole, bien au contraire. Enfin, en ce qui concerne l’application de la réglementation sur l’utilisation des produits phytosanitaires, les contrôles concernent tous les publics : collectivités, particuliers, agriculteurs… 

 

Des témoignages d’agriculteurs font état de visite impromptues d’agents de l’OFB, armés, dans leurs champs ou jusque dans leurs cours de ferme. De quoi s’agit-il ?

Lorsque des faits sont constatés par des agents de l’OFB, l’audition est systématique, mais elle est à décharge et permet de s’expliquer. L’an dernier, il n’y a eu que douze procédures judiciaires dans le département de la Somme concernant le monde agricole ; ce qui est peu. Pas plus tard qu’il y a une quinzaine de jours, nous avons mené une opération de surveillance de la réglementation sur les pollutions diffuses. Nous avons finalement constaté un très haut niveau de respect des bandes enherbées, de la protection des cours d’eau. C’est une réglementation qui est aujourd’hui très bien prise en compte. C’est aussi la preuve que les contrôles permettent de constater une réelle prise de conscience et une amélioration des pratiques. 

 

Comment expliquez-vous que, parmi les missions diverses de l’OFB, le rôle de police de l’environnement soit celui dont on parle le plus et, de surcroît, le plus montré du doigt ? 

Parmi les missions des services départementaux de l’OFB, la mission de police est la plus importante et c’est aussi la plus visible. Dans la Somme, on compte treize agents qui occupent 60 % de leur temps à la mission de police. En dehors de cette mission, il y a l’accompagnement des politiques publiques et des acteurs chargés de les mettre en œuvre, la gestion des aires protégées, des actions d’acquisitions de données et de valorisation des la biodiversité. À l’échelle régionale, la mission de police ne représente plus que 35 à 40 % de l’activité. Si l’on décortique la mission de police, on constate que 25 % du temps consacré à cette mission est dirigé vers la chasse ; le reste est réparti entre les espaces protégés, le commerce international, l’eau et les milieux aquatiques, les travaux sur les cours d’eau… Dans les Hauts-de-France, la mission de police exercée sur le monde agricole ne représente que 10 % du temps global dédié à cette mission. La finalité des contrôles que nous réalisons, c’est l’amélioration des pratiques pour que l’activité de tout à chacun puisse continuer de s’exercer, en impactant le moins possible la biodiversité. Notre rôle est de contribuer à faire évoluer les comportements, pas de faire de la répression. Pour qu’une réglementation soit efficace, elle doit être comprise, acceptée et appropriée. Nous nous sommes engagés à apporter des éléments à la chambre d’agriculture pour expliquer aux agriculteurs comment une réglementation s’applique. 

 

Cela veut-il dire que l’OFB a perdu sa vocation de bibliothèque d’expertise technique, comme l’était feu l’ONCFS ?

L’OFB est un établissement public neuf puisqu’il a été créée le 1er janvier 2020. Il monte en puissance et doit encore se structurer, améliorer sa communication. Mais je ne crois pas en la communication directe. Elle a ses limites. C’est pourquoi nous préférons travailler avec des relais. Les premiers interlocuteurs des agriculteurs, ce sont les chambres d’agriculture et les autres organisations professionnelles agricoles. Plus largement, quelles que soient nos actions, elles se font dans le cadre de partenariats. Si nous ne faisions pas comme cela, cela n’aurait pas de sens. 

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