Loi de biodiversité : un dialogue de sourds
Deux acteurs majeurs de ce projet de loi sont originaires de la région Hauts-de-France : Jérôme Bignon, sénateur de la Somme et rapporteur de la loi et Barbara Pompili, secrétaire d'Etat à la biodiversité. La FRSEA et les JA Hauts-de-France les ont rencontrés dans la dernière ligne droite des discussions parlementaires.
Introduit devant l'Assemblée nationale en 2014, le Projet de «Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages» passera en Commission mixte paritaire (CMP) le 25 mai après deux lectures à l'Assemblée et au Sénat. Dans le contexte social actuel, cette loi «symbole» pourrait être l'occasion pour le gouvernement de se réconcilier avec la société civile. L'actualité enflammée est par ailleurs doublée d'un calendrier électoral sensible.
C'est dans cette ambiance lointaine des problématiques agricoles que se déroulera la CMP. A l'heure du bouclage du journal, deux solutions sont toujours envisageables : soit la commission mixte paritaire trouve un accord et adopte un texte qui sera le fruit d'un compromis, soit aucun accord n'est trouvé. Dans cette dernière occurrence, le texte repassera en lecture devant l'Assemblée nationale, puis devant le Sénat avant un ultime passage devant l'Assemblée nationale qui aura le dernier mot.
A ce jour, les versions du texte proposées par chaque Chambre sont très éloignées, et une conciliation semble compliquée. C'est en tout cas le message transmis à la profession, à la fois par la secrétaire d'Etat à la Biodiversité, Barbara Pompili, et par le sénateur rapporteur de la loi, Jérôme Bignon.
Discussions et propositions
Samedi 21 mai, la FRSEA et les JA Hauts-de-France ont rencontré à nouveau Jérôme Bignon, sénateur rapporteur de la loi. Lors de cet entretien, le parlementaire a semblé pessimiste sur les possibilités de trouver un accord en commission mixte paritaire. «Il reste environ 58 articles à discuter», a-t-il indiqué. Pour le sénateur, les discussions semblent fermées et les marges de négociation paraissent faibles, bien que ce dernier souhaite trouver un équilibre sur le texte dans l'intérêt de tous.
Suite à une demande des représentants agricoles des Hauts-de-France, la secrétaire d'Etat à la Biodiversité, Barbara Pompili, a reçu une délégation des représentants de la profession, lundi 23 mai, à la préfecture d'Amiens, pour échanger sur le projet de loi.
Celle-ci a semblé beaucoup plus optimiste et rassurante. «Il faut avancer sur le terrain du compromis», a-t-elle dit. Toutefois, elle a reconnu que l'échec de la CMP serait fort probable et a invoqué des évolutions lors de la reprise des lectures.
Inquiétudes de la profession agricole
«Zéro perte nette de biodiversité» et «Non-régression du droit de l'environnement» sont deux principes fondamentaux du projet de loi qui inquiètent particulièrement la profession. Ces concepts extrêmement larges pourraient être interprétés de manière maximaliste et aboutir à une sanctuarisation des espaces. C'est en tout cas ce que craint la profession agricole. La secrétaire d'Etat, quant à elle, n'en fait pas la même interprétation. «Il s'agit de l'esprit de la loi, l'objectif politique que l'on veut lui donner. Il ne s'agit pas de créer de nouvelles réglementations, et encore moins de mettre la nature sous cloche», a-t-elle déclaré. Elle demeure cependant inflexible quant à ces principes, en particulier celui concernant la notion de «zéro perte nette de biodiversité» qui, selon elle, est un préalable.
Vers une interdiction des néonicotinoïdes
Autre sujet faisant grincer des dents : la question des néonicotinoïdes. Partant du postulat de la nocivité de la substance, mais constatant l'impossibilité pour les agriculteurs de s'en passer à l'heure actuelle, Barbara Pompili a présenté la solution proposée par le gouvernement pour parvenir à une interdiction.
Cette proposition consiste à demander à l'Agence nationale de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) de rédiger un rapport portant sur la recherche d'alternatives à cet insecticide. Ce rapport sera rendu à la fin de l'année 2016. Il devra prendre en compte l'étude des coûts-avantages des différentes solutions. A partir de ce rapport, l'Anses interdira au 1er juillet 2018 l'usage des néonicotinoïdes pour lequel un produit présentant un bilan plus favorable existe.
Parallèlement, une date butoir d'interdiction en 2020 est maintenue. Pour la secrétaire d'Etat, celle-ci est indispensable car, elle pense que sans cette date butoir, les firmes semencières ne chercheront pas une alternative rapidement. Les représentants ont réagi sur la nécessité d'avoir une alternative techniquement et économiquement acceptable sans condition de délai.
«Il ne faut pas oublier les cultures mineures», a ajouté Vincent Duchemin, représentant JA national. Pour ces cultures, il n'y aura pas assez de débouchés pour qu'une démarche en recherche et développement soit engagée de la part des producteurs de semence.