L'opération séduction de Cristal Union
La coopérative Cristal Union sort le grand jeu pour attirer de nouveaux planteurs autour de son usine installée à Sainte-Émilie, et améliorer ainsi sa compétitivité.
La campagne 2019-2020 d'arrachage des betteraves destinées à alimenter sa sucrerie de Saint-Émilie n'est pas encore totalement terminée que Cristal Union pense déjà à la prochaine récolte. Le 18 décembre, la direction du groupe coopératif et ses administrateurs locaux ouvraient les portes de l'usine située au nord-est de la Somme, à deux pas de la frontière avec les départements du Nord et de l'Aisne. Leur but ? Convaincre de nouveaux planteurs de rejoindre la coopérative et augmenter le volume de betteraves transformées à Sainte-Émilie. Avec ses 10 000 coopérateurs, 9 sections betteravières dans lesquelles siègent 135 élus, 13 sites de production en France et 2 200 salariés, Cristal Union revendique quelque 40 % de la surface betteravière française pour un volume de 17 millions de tonnes de betteraves transformées. L'usine de Sainte-Émilie en absorbe, quant à elle, 18 000 tonnes par jour.
Des durées de campagne plus longues
Lors de sa rencontre avec de potentiels et futurs fournisseurs de betteraves, Cristal Union joue cartes sur table et ne fait pas mystère de la réorganisation de ses capacités de transformation, dont le projet de transfert partiel des activités d'Erstein (67) à Bazancourt (51) ou encore les projets de fermeture d'usines à Bourdon (63) et Toury (28). En ce qui concerne cette dernière, la justification du projet de fermeture tient à la volonté de Cristal Union de concentrer l'activité de ses trois sucreries du sud de Paris sur deux usines, et ainsi d'augmenter la durée de campagne des usines restantes : «Le but est d'avoir deux usines qui fonctionnent 120 jours plutôt que trois usines qui fonctionnent chacune pendant 80 jours», détaille Bruno Labilloy, directeur agricole du groupe Cristal Union. Dans la Somme, pour l'usine de Saint-Émilie, l'ambition est d'augmenter progressivement la durée de campagne pour atteindre également 120 jours ; en 2019, elle devrait être de 103 jours, contre 108 en 2018, avec un volume de betteraves transformées équivalent. «Notre souhait est d'écraser plus de betteraves, et pour cela, il nous faut de nouveaux producteurs, s'enthousiasme M. Labillloy. Plus un site écrase de racines, plus il est compétitif.»
Souplesse dans les modalités d'adhésion
Pour séduire, Cristal Union met en avant une situation de marché pour le sucre «qui s'améliore au niveau européen», dixit Jérôme Fourdinier, le représentant les planteurs de Sainte-Émilie au sein du conseil d'administration de Cristal Union. Et de détailler ensuite la compétitivité de son parc d'usines, ainsi qu'un dispositif «incitatif» de rémunération des producteurs. Le groupe promet ainsi un prix de base de 23 E par tonne pour ses associés coopérateurs. Le contrat prévoit des indemnisations spécifiques pour répondre à différents cas de figures : prime de compétitivité, prime pour enlèvements précoces ou tarifs, prime de richesse, aide pour l'accès au silo, maintien du solde créditeur au compte courant d'associé avec rémunération...
Pour convaincre un plus grand nombre de producteurs de betteraves à devenir coopérateurs, Cristal Union assure également faire preuve de souplesse dans les modalités d'adhésion : «Actuellement, un pourcent de nos planteurs ne sont pas coopérateurs, explique Jérôme Fourdinier. Si nous nous satisfaisons de cette situation, c'est parce que nous voulons laisser à ces planteurs la possibilité de devenir coopérateur demain. Etre coopérateur offre des avantages que n'ont pas ceux qui n'adhérent pas à la coopérative.» Bruno Labilloy se montre quant à lui serein et confiant : «Nous sommes convaincus qu'il y a une belle carte à jouer. Les usines que nous souhaitons garder en activité seront encore là dans les prochaines années.» Sainte-Émilie en fait heureusement partie.
Sainte-Émilie, une sucrerie d'avenir
Autour de l'usine de Sainte-Émilie, des champs à perte de vue. Pour les responsables de Cristal Union, cette position géographique est un atout non négligeable. Son directeur, Vincent Lagasse l'affirme : «Si nous devions nous étendre, ce ne serait pas un problème. Nous n'avons pas de difficultés en matière de transport, ni avec les riverains et nous avons la chance de nous situer dans un bassin de production performant.» L'an dernier, d'importants investissements y ont d'ailleurs été réalisés pour en faire «l'une des usines les plus performantes d'Europe en matière d'efficacité énergétique», poursuit son directeur. Si l'usine samarienne nécessitait encore quelque 209 KwH PCI par tonne de betteraves transformées en 2005, elle n'en utilise plus aujourd'hui que 154. Après avoir baissé sa consommation d'eau, l'usine fonctionne actuellement en circuit fermé ; autrement dit sans avoir besoin de puiser dans la nappe : «Quand on dit cela à nos clients, c'est un argument de vente supplémentaire», explique Vincent Lagasse. Construite en 1857, la sucrerie de Sainte-Émilie améliore également régulièrement ses cadences, passant ainsi de 1 950 tonnes par jour en 2007 à 2 491 tonnes en 2018, et probablement plus de 2 600 tonnes par jour en 2019. Et son directeur de l'assurer : «Nous avons encore plein de projets.»