Lutte contre le campagnol : les moyens alternatifs d’abord
Tous les détails du cadre réglementaire de lutte contre le campagnol ont été présentés par la Fredon Picardie le 9 mars dernier à Amiens.
La Fredon de Picardie (Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles), a été sensibilisée depuis la fin de l’été 2014 par les agriculteurs multiplicateurs de semences de graminées fourragères victimes de dégâts causés par les campagnols dans leurs parcelles. En alerte sur ce dossier, elle vient d’organiser le 9 mars dernier à Amiens, sous la présidence de Patrick Moizard, une réunion où ont été présentées les mesures de surveillance et les méthodes de lutte contre les campagnols en région Picardie.
Les témoignages d’agriculteurs, l’un en système polyculture avec production de semences de graminées fourragères dans la Somme et l’autre, arboriculteur à parts égales entre la production biologique et conventionnelle, ont confirmé la présence des campagnols depuis plusieurs années et ont souligné l’impact des dégâts causés.
Reconnu nuisible
Valérie Pinchon, directrice de la Fredon de Picardie, a confié à Eve Moreau, son homologue pour la Fredon de Champagne Ardenne, dont l’expérience en la matière est plus ancienne, l’exposé du contenu de l’arrêté du 14 mai 2014.
«Cet arrêté relatif au contrôle des populations de campagnols nuisibles aux cultures ainsi qu’aux conditions d’emploi des produits phytopharmaceutiques contenant de la bromadiolone complète celui du 31 juillet 2000», a indiqué Eve Moreau en préambule. En effet, l’arrêté du 31 juillet 2000 a reconnu le campagnol comme organisme nuisible et a rendu possible la lutte sous certaines conditions mais sans en indiquer les modalités précises.
Désormais, le cadre réglementaire est connu et il ne demande qu’à être diffusé par les conseillers des organismes techniques ou économiques auprès desquels les agriculteurs sont amenés à s’adresser.
La mise en œuvre de l’arrêté de mai 2014 repose sur la surveillance de la population de campagnols en vue de son maintien à un faible niveau de densité. Pour atteindre cet objectif, le recours à des méthodes de lutte alternatives sera privilégié, qu’elles soient directes ou indirectes. Enfin, l’utilisation du seul produit phytopharmaceutique autorisé, la bromadiolone, est possible dans un cadre restreint.
Evaluation quantitative de la population
A la base de la lutte, une évaluation quantitative de la population à l’échelon de la commune doit être réalisée en vue d’établir une «carte régionale» et de suivre l’évolution de la population et déterminer le risque pour la culture en place. L’appréciation de ce risque se mesure par la réalisation de comptages (grande diagonale de la parcelle) et permet d’identifier un indice de présence qui permettra ou non le recours à la lutte chimique avec l’utilisation de la bromadiolone.
Plan d'action
Les modalités de l’organisation de la surveillance et de la lutte sont formalisées dans un plan d’actions établi par la Fredon, reconnue OVS (Organisme à vocation sanitaire) le 31 mars 2014, et transmis au préfet de région. Tout détenteur de fonds concernés peut s’engager auprès de l’OVS à mettre en œuvre un programme d’action cohérent avec le plan d’actions régional.
En fonction des engagements sur des programmes individuels de lutte, le préfet de région peut définir des zones et des périodes pendant lesquelles la lutte est obligatoire ceci afin d’en renforcer la dimension collective. Il peut aussi définir des zones où la lutte chimique est interdite en raison de la présence d’espèces protégées en fonction d’une analyse de risque d’impact sur la faune sauvage non-cible. Cette analyse repose sur l’utilisation d’un outil d’aide à la décision d’emploi de la bromadiolone.
Les méthodes alternatives
Le recours à différents moyens de lutte alternatifs est indispensable pour appréhender l’accès à la lutte chimique. Pour écarter les risques de pullulation de manière précoce, les agriculteurs, outre la rotation des cultures largement pratiquée, veilleront à travailler le sol par passages d’outils superficiels ou profonds selon la culture et selon les espèces présentes.
Dans les prairies permanentes, l’alternance fauche-pâturage ou tout autre système mécanique aux effets similaires permettra l’effondrement des galeries souterraines. Le broyage des refus, la conduite en gazon ‘court’, le déchaumage permettront de réduire les abris et les sources de nourriture des petits rongeurs et favoriseront la prédation.
Des mesures de gestion des paysages peuvent contribuer à une plus grande pression de cette prédation naturelle surtout quand la population de petits vertébrés n’est pas encore trop nombreuse. L’entretien des réseaux ou la plantation de haies, l’entretien de la couverture en herbe autour des parcelles, les mesures de protection spécifique aux prédateurscomme les rapaces diurnes ou nocturnes (busards, buses, faucons, éperviers,chouettes, hiboux) ou comme les mammifères carnivores (renards, martres, fouines, putois, hermines), la pose de perchoirs sont autant d’éléments qu’il serait opportun de mettre en œuvre pour favoriser leur présence sans oublier celle des prédateurs occasionnels (reptiles, mouettes, goélands, héron cendré et les corvidés).
Le piégeage permet le prélèvement direct et immédiat avant le pic de population. Il est très efficace dès les premiers indices de présence. Le piège à clapet (en surface) ou de type ‘guillotine’ (souterrain) sera placé en bordure de parcelles, autour du terrier.
Bromadiolone
L’utilisation de la bromadiolone est très encadrée aussi bien pour l’agriculteur que pour l’OVS (voir encadré). A cet effet, la Fredon doit se mettre en conformité par rapport à la certification d’entreprise pour la distribution de la bromadiolone auprès des professionnels agricoles. La bromadiolone est exclusivement délivrée à l’utilisateur qui doit justifier du certiphyto et d’une formation obligatoire spécifique dispensée par l’OVS. Seul l’OVS est habilité à la distribuer à usage de produit phytopharmaceutique destiné à la lutte chimique contre les petits vertébrés.
Bromadiolone : une utilisation encadrée
Avant d'utiliser la bromadiolone, l'agriculteur doit :
- S’impliquer dans la lutte : comptages réguliers, formation, connaissance des moyens de lutte alternative, tenue de registre, suivi du plan d’action.
- Participer à la surveillance des populations de campagnols.
- Intervenir quand la densité est encore faible.
- Donner la priorité aux méthodes de lutte alternative.
- Recréer les conditions favorables à l’action des prédateurs naturels.
- Recourir à la lutte chimique si l’infestation est inférieure à 33 % et en respectant strictement les conditions d’application prévues par le plan d’action régional établi par l’OVS
Les obligations pour l’OVS
- Transmettre l’avis de traitement aux administrations et aux collectivités trois jours avant son lancement.