Cultures
Mieux cultiver les protéagineux
Alors que la France et l’Europe souffrent d’un déficit de production de protéines végétales, que ce soit à destination de l’alimentation animale ou humaine, les protéagineux ont une carte à jouer. L’enjeu du plan protéines qui devrait être déployé est d’augmenter les surfaces, la production et la rentabilité de ces cultures.
Alors que la France et l’Europe souffrent d’un déficit de production de protéines végétales, que ce soit à destination de l’alimentation animale ou humaine, les protéagineux ont une carte à jouer. L’enjeu du plan protéines qui devrait être déployé est d’augmenter les surfaces, la production et la rentabilité de ces cultures.
Les freins sont nombreux et si les agriculteurs sont hésitants à semer plus de protéagineux, c’est entre autres à cause de nombreuses viroses qui les touchent. Anne Moussart, spécialisée en maladies des protéagineux chez Terres Inovia, rappelle que les virus sont des parasites intracellulaires qui infectent la plante durant toute sa vie. Pour trouver des hôtes, les virus se servent souvent de vecteurs comme les insectes piqueurs suceurs. Les pucerons sont ainsi de bons vecteurs de viroses car ils sont souvent polyphages. Leur cycle biologique, sexué et par parthénogénèse, ainsi que leur comportement alimentaire, en font des ennemis redoutés des cultures. En conditions favorables, leurs populations croissent vite.
L’année 2020 aura été particulière à bien des égards. «Dès le printemps 2020, nous avons observé des symptômes précoces de viroses sur les protéagineux, d’où la création d’un observatoire composé de quatre-vingt parcelles réparties dans différentes régions et semées en pois, féveroles, lentilles et pois chiche. Outre la description des symptômes, les analyses sérologiques, le contexte parcellaire et les données climatiques, neuf virus différents, souvent présents dans les protéagineux ont été recherchés», détaille Anne Moussart.
La présence de ces virus se traduit souvent par les mêmes symptômes en pois et féveroles : nanisme, jaunissement, rougissement, pourriture, crispation, mosaïque, nécroses, enroulement des parties aériennes, mais aussi déformation des gousses, mauvais remplissage, pourriture, graines réduites, tachées… En moyenne, dans les parcelles, les analyses ont révélé la présence de deux à cinq virus, également présents dans les plants asymptomatiques. «Plus une plante est infectée jeune, plus les symptômes sont importants», assure Anne Moussart. Au final, on relevait 7 virus différents sur pois dont 4 très fréquents, 7 également sur féveroles dont 5 très fréquents, 6 sur lentilles dont 4 fréquents et 4 sur pois chiche dont 2 fréquents.
2020, une année favorable aux viroses
Les conditions de l’année 2020 ont été très favorables au développement des viroses. D’abord, des températures plus douces que la moyenne entre novembre et avril, d’où de nombreux vols de pucerons et une forte parthénogénèse. Ensuite, des cultures peu développées lorsque les attaques de pucerons sont intervenues. En effet, les semis 2020 sont intervenus globalement plus tardivement que les semis 2019. Les pucerons se sont rapidement développés avant la floraison et les traitements appliqués ont été efficaces sur les populations de pucerons, mais il était trop tard, les virus avaient colonisé les plantes. Enfin, les conditions sèches et chaudes qui ont marqué le printemps et l’été ont amplifié les dégâts.
Conséquences sur les rendements : un fort impact à la baisse et une qualité moindre, d’autant plus que les plantes ont été touchées avant la floraison, stade critique. Les graines avaient une moindre qualité visuelle, leur faculté germinative était réduite et elles pouvaient être porteuses de virus en cas de réutilisation en semences fermières.
Quelle stratégie adopter face à ce constat ? «On a noté une augmentation significative des interventions en 2020, en particulier avant floraison», annonce Anne Moussat. Il convient donc de surveiller les parcelles en début de cycle et d’intervenir selon les seuils, c’est-à-dire le pourcentage de plantes touchées.
L’impact de la date de semis sur le rendement des pois protéagineux
Les implantations de pois, qu’ils soient d’hiver ou de printemps, ont été perturbées par les conditions pluvieuses de novembre à avril, excepté octobre et janvier puis à partir de mars. Résultat : des dates de semis retardées, de dix jours en moyenne pour les pois d’hiver et de cinq jours pour ceux de printemps. «Novembre est vraiment le mois idéal pour les semis de pois d’hiver», martèle Aurore Bailliet, de Terres Inovia, particulièrement la première quinzaine du mois. «Plus on sème tard, plus le potentiel est entamé. Semer des pois d’hiver au printemps est possible car le pois n’a pas de besoins de vernalisation, mais le rendement sera moindre car il a des besoins de température qui ne seront pas atteints avec un semis de printemps.»
Le pois de printemps est moins sensible à la variation de la date de semis, mais les implantations précoces limitent les risques de stress hydrique et thermique. Au final, le pois d’hiver semble mieux adapté au changement climatique, la seule crainte concerne le gel hivernal et les bactérioses.